63 : Confusion, dépression, démences chez le sujet âgé : Différence entre versions
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*Problème du diagnostic différentiel avec une démence : | *Problème du diagnostic différentiel avec une démence : | ||
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**Amélioration, des symptômes sous traitement antidépresseur | **Amélioration, des symptômes sous traitement antidépresseur | ||
**'''Possibilité d'intrication ou de dépression secondaire à une démence débutante''' | **'''Possibilité d'intrication ou de dépression secondaire à une démence débutante''' | ||
*Maladies neurologiques entraînant une dépression '''et''' une démence : démence à corps de Lewy, démences fronto-temporales, démence parkinsonienne, démence vasculaire | *Maladies neurologiques entraînant une dépression '''et''' une démence : démence à corps de Lewy, démences fronto-temporales, démence parkinsonienne, démence vasculaire | ||
*Echelle de Cornell : échelle comportementale pour la détection de la dépression chez les patients déments | *Echelle de Cornell : échelle comportementale pour la détection de la dépression chez les patients déments | ||
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== Complications == | == Complications == | ||
*'''Perte d'indépendance fonctionnelle''' : | *'''Perte d'indépendance fonctionnelle''' : |
Version actuelle en date du 27 avril 2014 à 17:33
Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer chez une personne âgée :
- Un syndrome confusionnel,
- Un état dépressif,
- Un syndrome démentiel,
- Une maladie d’Alzheimer
- Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Syndrome confusionnel
Démence
- Syndrome associant :
- Altération durable d'au moins une fonction cognitive (mémoire, attention, langage, gnosies, praxies, raisonnement, jugement...) et/ou comportementale (personnalité, affects, régulation des conduites sociales)
- Entraînant une altération de l'autonomie dans la vie quotidienne
- → Pas d'affections à début brutal
- Causes :
- Dégénérative : maladie d'Alzheimer +++
- Carentielle
- Métabolique ou toxique
- Vasculaire
- Inflammatoire
- Tumorale
- Infectieuse
- Traumatique
- Importance d'une interprétation topographique du syndrome pour orienter l'enquête étiologique
Maladie d'Alzheimer
- 1ère cause de démence, prévalence en augmentation
Physiopathologie
- Cause inconnue mais cascade biologique systématique
- Facteurs de risque :
- Génétiques (ex : apolipoprotéine E)
- Environnementaux : facteurs de risque cérébrovasculaire, faible niveau d'éducation
- Anomalies histologiques :
- Accumulation de plaques (β-)amyloïde prédominant dans les cortex associatifs
- Dégénérescence neurofibrillaire par accumulation de protéines TAU hyperphosphorylées dans les prolongements neuronaux
- Perte cellulaire massive entraînant une atrophie
Diagnostic positif
- Diagnostic du vivant = diagnostic de probabilité, diagnostic de certitude = autopsique
- Démarche diagnostique en 5 types d'arguments :
- Arguments positifs cliniques = profil des troubles cognitifs
- Arguments positifs et négatifs de neuro-imagerie
- Arguments positifs d'imagerie métabolique
- Arguments positifs de biomarqueurs
- Arguments négatifs du bilan biologique systématique
Clinique
- Phase prédémentielle :
- Principale anomalie = trouble de la consolidation en mémoire épisodique
- Conséquence d'une atteinte sévère des régions temporales internes
- Plainte mnésique = oubli à mesure
- Anosognosie fréquemment associée → plainte de l'entourage
- Echec à l'épreuve des 5 mots, sans amélioration à l'indiçage et avec intrusions (mots ne faisant pas partie de la liste)
- Nécessité d'une évaluation neuropsychologique complète
- Phase démentielle :
- Autonomie significativement altérée pour la vie quotidienne (courses, toilette/habillage, gestion)
- Atteinte des fonctions instrumentales (syndrome aphaso-apraxo-agnosique) et exécutives
- Démence sévère :
- Perte totale d'autonomie (institutionnalisation)
- Précède la fin de vie
- Atteinte des fonctions cognitives jusqu'à non-reconnaissance des proches
- Troubles du comportement : agitation, apathie, hallucinations, troubles du sommeil et de l'appétit, trouble du contrôle sphinctérien
- Complications neurologiques : épilepsie, myoclonies, troubles de la marche, chutes
- Décès par complication générale ou mort subite
Paraclinique
- Imagerie cérébrale :
- IRM cérébrale indispensable au diagnostic
- Séquences T2, FLAIR, T2 EG (recherche de lésions vasculaires) et T1 coronale avec plan de coupe perpendiculaire à l'axe des hippocampes
- Buts : montrer l'atrophie cérébrale (hippocampes ++), éliminer une cause non-dégénérative
- Scintigraphie de perfusion à l'HMPAO (réservée aux formes de diagnostic difficile) : hypoperfusion des régions corticales associatives et temporales internes
- Biomarqueurs :
- Dosage dans le LCS du taux de protéine β-amyloïde (Aβ42) et de protéine Tau hyperphosphorylée
- Typiquement : Aβ42 effondrée, Tau-p augmentée
- Dosages réservés aux formes de diagnostic difficile
- Bilan biologique systématique[1] :
Diagnostic différentiel
- Syndrome confusionnel
- Causes fonctionnelles :
- Dépression
- Troubles du sommeil
- Prise de psychotropes
- Causes organiques :
- Démences secondaires :
- Hypothyroïdie
- Carences en B12 ou folates
- Syphilis, HIV
- Hydrocéphalie à pression normale
- Tumeurs cérébrales
- Démence vasculaire : terrain favorisant (HTA, diabète), aggravation par à-coups, signes de focalisation, microlacunes ou leucoaraïose en imagerie
- Syndrome démentiel d'évolution rapide : maladie de Creutzfeld-Jakob, encéphalite limbique paranéoplasique, encéphalite auto-immune
- Autres démences dégénératives :
- Dégénérescence frontotemporale :
- Démence par troubles comportementaux
- Syndrome frontal : perte des convenances sociales, trouble du contrôle des conduites personnelles, perte de l'intérêt pour autrui, anosognosie, apathie
- Début vers 50 - 60 ans, 30% de maladies héréditaires
- IRM : atrophie du cortex frontal
- Démence à corps de Lewy :
- Présentation comme maladie d'Alzheimer ou maladie de Parkinson
- Atypies : hallucinations visuelles/auditives, troubles psychiatriques inauguraux, fluctuation des performance cognitives, syndrome démentiel + syndrome parkinsonien
- Dégénérescence frontotemporale :
- Démences secondaires :
Prise en charge
- Symptomatique
Traitement médicamenteux
- Traitements symptomatiques d'efficacité modeste
- Initiation uniquement par neurologue, psychiatre ou gériatre
- Anticholinestérasiques centraux :
- Molécules : donépézil (Aricept), rivastigmine (Exelon), galentamine (Reminyl)
- Voie orale ou en patch pour la rivastigmine
- Indication : démence légère à modérée (MMSE > 10)
- Effets secondaires : troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), crampes musculaires
- ECG préthérapeutique obligatoire car risque de trouble de la conduction → trouble de la conduction avant traitement est une contre-indication
- Mémantine (Ebixa) :
- Antagoniste des récepteurs NMDA du glutamate
- Indication : démence modérée à sévère (MMSE < 20)
- Autres mesures médicamenteuses :
- Contre-indication relative aux neuroleptiques : risque d'aggravation ; en cas de nécessité, privilégier les NLP atypiques
- Eviter les psychotropes de façon générale (surtout anticholinergiques)
Traitement non-médicamenteux
- Prévention, recherche et prise en charge des aggravations brutales :
- Comorbidité neurologique : AVC, HSD, état de mal non-convulsivant
- Epines irritatives de présentation atypique : fécalome, infection (urinaire ++), RAU, mycose
- Trouble métabolique
- Décompensation d'une pathologie chronique
- Douleur
- Iatrogénie
- Modification de l'environnement, épuisement des aidants
- Syndrome dépressif
- Aides humaines :
- Aide à domicile : auxiliaire de vie, aide-soignant
- Soutien psychologie des aidants
- Réseau de soins hôpital-ville
- Centre d'activité non-médicalisé, séances de stimulation des fonctions cognitives
- Institutionnalisation (EHPAD)
- Aides financières :
- ALD 100%
- Allocation personnalisée à l'autonomie (APA) sur critère de revenus et grille AGGIR
- Mesures de protection civile : sauvegarde de justice, tutelle
- Mesures hygiéno-diététiques :
- Activité physique quotidienne
- Sorties quotidiennes
- Prise en charge des déficiences sensorielles aggravantes
- Traitement des facteurs aggravants curables : anémie, insuffisance cardiaque, etc.
- Surveillance de l'état nutritionnel
Dépression chez le sujet âgé
- Maladie fréquente, sous-diagnostiquée
Diagnostic
Episode dépressif majeur
- ≥ 5 symptômes parmi :
- Douleur morale
- Humeur triste
- Asthénie intense
- Ralentissement ou agitation
- Troubles de l'appétit
- Repli sur soi
- Troubles du sommeil
- Perte de l'élan vital
- Anhédonie, aboulie
- Diminution de la libido
- Troubles de l'attention ou de la concentration
- Idées suicidaires
- Depuis au moins 2 semaines
- Moindre tendance à la plainte chez les sujets âgés ++
Formes cliniques
- Dépression délirante :
- Délire avec idées d'incurabilité, de ruine, de persécution
- Syndrome de Cottard (négation d'organe, sensation de grandeur et d'immortalité)
- Tonalité triste congruente à l'humeur
- Dépression hostile :
- Anxiété, agitation hostile
- Agressivité à l'encontre de l'entourage direct du patient
- Importance de la notion de modification du comportement
- Dépression masquée :
- Plaintes somatiques isolées
- Au maximum, dépression hypocondriaque
- Dépression avec plainte mnésique :
- Sentiment de perdre la mémoire
- Symptômes présentés comme une plainte somatique, avec autodépréciation
- Evaluation des fonctions cognitives : déficits attentionnels, troubles du rappel, pas de déficit de l'encodage
- Symptomatologie riche contrastant avec un tableau clinique modéré
- Dépression mélancolique :
- Urgence psychiatrique : hospitalisation en milieu spécialisé
- Pronostic vital menacé
- Souvent dans le cadre d'un trouble bipolaire
- Perte de contact avec la réalité
- Prostration majeure
- Mutisme
- Agitation anxieuse
- Perte de poids et insomnie +++
Dépistage
- Diagnostic clinique basé sur l'entretien
- Utilisation d'échelles d'évaluation pour faciliter le repérage :
- Auto-évaluation : GDS (Geriatric Depression Scale) et mini-GDS
- Hétéroévaluation : échelle d'Hamilton (HDRS), échelle de Montgomery et Asberg (MADRS)
- Dépression à rechercher systématiquement chez le sujet âgé
Diagnostic différentiel
- Symptômes dépressifs isolés : critères d'EDM non-remplis
- Dysthymie :
- Symptômes dépressifs ne répondant pas aux critères majeurs
- Depuis plus de 2 ans
- Deuil (mais attention aux situations de deuil pathologique/compliqué)
Interactions avec les maladies somatiques
- Plusieurs situations possibles : coïncidence, dépression conséquence d'une pathologie somatique, symptômes somatiques majorés par la dépression
- Maladies les plus fréquemment associées :
- Neurologiques : AVC, maladie d'Alzheimer, maladie de Parkinson, hydrocéphalie chronique
- Cardiovasculaires : IDM, insuffisance cardiaque
- Endocriniennes : diabète, dysthyroïdies, hyperparathyroïdie, hypercorticisme, déficit androgénique (homme)
- Cancers
- Douleurs chroniques
- Médicaments : corticoïdes, clonidine, βB, L-DOPA, amantadine, NLP
- Problème du diagnostic différentiel avec une démence :
- Autodépréciation +++ en cas de plainte mnésique d'origine dépressive
- Performances peu diminuées dans les tests objectifs
- Amélioration, des symptômes sous traitement antidépresseur
- Possibilité d'intrication ou de dépression secondaire à une démence débutante
- Maladies neurologiques entraînant une dépression et une démence : démence à corps de Lewy, démences fronto-temporales, démence parkinsonienne, démence vasculaire
- Echelle de Cornell : échelle comportementale pour la détection de la dépression chez les patients déments
Complications
- Perte d'indépendance fonctionnelle :
- Diminution de l'activité physique
- Augmentation et prolongation des hospitalisations
- Risque d'institutionnalisation
- Suicide :
- Surtout en cas d'ATCD personnels et familiaux
- Recherche systématique d'idées suicidaires
- Risque important chez les hommes veufs +++
- Tentatives plus souvent réussies que chez le sujet jeune
- Verbalisation spontanée faible → recherche indispensable
- Equivalents suicidaires : état d'opposition massive, mutisme, prostration, refus alimentaire absolu
- Surmortalité :
- Non liée au suicide
- Moins bon pronostic vital de maladies somatiques : IDM, AVC, BPCO...
- Surmortalité de 30% à 3 ans
Prise en charge
- Objectifs :
- Diminuer les symptômes dépressifs
- Améliorer la qualité de vie
- Diminuer le risque suicidaire
- Prévenir la perte d'autonomie
Traitements médicamenteux
- Antidépresseurs :
- 1ère intention : ISRS
- Même posologie que chez le sujet jeune
- Interactions médicamenteuses +++ (AVK +++)
- Effets indésirables : digestifs (nausées, anorexie, diarrhée), hyponatrémie, syndrome extrapyramidal
- Syndrome sérotoninergique (surdosage) : agitation, confusion, tachycardie, sueurs
- Alternatives :
- Mirtazapine et miansérine : effets anxiolytiques associés mais risque de somnolence
- Moclobémide (IMAO-B)
- IRSNA
- Imipraminique : risque d'effets indésirables neurologiques et cardiovasculaires +++
- 1ère intention : ISRS
- Autres psychotropes :
- Pas de BZD systématique
- Hypnotiques en cas de troubles du sommeil : zolpidem, zopiclone
- Neuroleptique : dépression délirante (NLP atypiques +++ car moins d'effets anticholinergiques)
- Thymorégulateurs : antiépileptiques +++, éviter le lithium
Sismothérapie
- Indications :
- Dépression sévère
- Dépression mélancolique
- Dépression avec anorexie majeure
- Dépression résistant à un traitement bien conduit
- 12 séances (1 jour sur 2) initialement puis séances espacées de consolidation
- Association à un ATD pour prévenir le risque de rechute
- Limites :
- Difficultés d'obtention d'un consentement préalable
- Patients polypathologiques ne pouvant subir une anesthésie générale
Autres
- Stratégies psychosociales :
- Aides à domicile
- Incitation à une participation sociale familiale ou de voisinage
- Buts : surveillance, éviter la perte d'autonomie
- Psychothérapie :
- Doit être proposée
- Associée au traitement médicamenteux : améliore les résultats, prévient les récidives
- Durées courtes
- Thérapeute entraîné
- Nécessite l'adhésion de la personne et si possible de son entourage
- Thérapies cognitivo-comportementales +++
- Psychothérapie de soutien