85 : Infection à VIH

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Objectifs

  • Informer et conseiller en matière de prévention de la transmission sanguine et sexuelle du VIH
  • Diagnostiquer une infection à VIH
  • Annoncer les résultats d’une sérologie VIH
  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
  • Savoir reconnaître les principales infections opportunistes
  • Savoir reconnaître les principales pathologies malignes associées à l’infection par VIH

Prévention de la transmission

Modes de transmission

Sexuelle

  • Virus excrété dans le sperme et les sécrétions vaginales
  • Tout rapport sexuel avec une personne infectée est à risque
  • Facteurs augmentant le risque de transmission :
    • Rapport anal
    • Lésion génitale, saignement
    • Co-existence d'une IST
    • Quantité de virus importante dans les sécrétions (fonction de la charge virale plasmatique)
  • Risque réduit en cas de traitement antirétroviral

Sang et dérivés

  • Transfusion sanguine et transplantation : risque = 1/106
  • AES : risque < 0,5% variable selon stade clinique, la charge virale, la gravité de l'exposition et le port de gants

Mère-enfant

  • Période périnatale +++ : 3ème trimestre, accouchement, allaitement
  • Risque augmenté en cas de primo-infection pendant la grossesse
  • Facteurs augmentant le risque de transmission :
    • Stade avancé
    • Charge virale plasmatique élevée

Prévention

Transmission sexuelle

  • Campagnes d'information
  • Port de préservatif
  • Diminution du risque :
    • Traitement des IST associée
    • Circoncision masculine
    • Microbicides
    • Traitement anti-rétroviral post-exposition
  • Couple séro-différent : traitement antirétroviral du partenaire VIH+

Transmission sanguine

  • Toxicomanes IV : seringues stériles à usage unique, substitution des opiacés
  • Dépistage systématique des dons d'organes et de sang
  • Précautions universelles contre le risque d'AES : gants, technique des gestes, réservoirs spéciaux pour aiguilles usagées
  • Traitement antirétroviral post-exposition

Transmission mère-enfant

  • Traitement antirétroviral efficace chez la mère : risque de transmission divisé par 100 si charge virale indétectable
  • Césarienne prophylactique si charge virale > 400 copies/mL
  • Traitement prophylactique de l'enfant pendant les 6 premières semaines de vie
  • Contre-indication à l'allaitement

Diagnostic

  • Diagnostic précoce → bénéfice sur la survie
  • Longtemps asymptomatique → dépistage devant toute situation à risque ou tout symptôme évocateur +++

Stades cliniques

Stade A

  • Primo-infection :
    • 2 - 6 semaines après la contamination
    • Réplication virale intense
    • Symptômes fréquents : fièvre, myalgies, éruption cutanée, ADP, ulcérations buccales et génitales, diarrhée
    • Manifestations rares : pneumopathie interstitielle, méningite, encéphalite, paralysie faciale, myélopathie, neuropathie périphérique
    • Signes biologiques associés : leuco-neutropénie, lymphopénie, thrombopénie, syndrome mononucléosique, cytolyse hépatique
  • Phase chronique asymptomatique :
    • Plusieurs années
    • Adénopathies superficielles
    • Parfois thrombopénie périphérique voire PTI
  • Peut rester strictement asymptomatique

Stade B

  • Manifestations cutanéo-muqueuses :
    • Dermite séborrhéique
    • Prurigo, folliculite
    • Zona
    • Verrues, condylomes, molluscum contagiosum
    • Candidose buccale ou génitale récidivante
    • Leucoplasie chevelue (EBV)
  • Signes généraux :
    • AEG
    • Fébricule persistante
    • Sueurs nocturnes abondantes
    • Syndrome constitutionnel : fièvre > 38,5 °C ou diarrhée > 1 mois
  • Angiomatose bacillaire
  • Dysplasie du col utérin
  • Purpura thrombopénique idiopathique
  • Neuropathie périphérique
  • Signes biologiques :
    • Leuco-neutropénie
    • Thrombopénie
    • Anémie
    • Hypergammaglobulinémie polyclonale

Stade C : SIDA

  • Présence d'un événement majeur classant SIDA : tumeur ou infection opportuniste
  • Infections opportunistes :
    • Candidose profonde
    • Cryptococcose extrapulmonaire
    • Cryptosporidiose (diarrhée > 1 mois)
    • Infection à CMV : rétine, viscère
    • Infection herpétique chronique : ulcérations cutanées, bronchiques, pulmonaires, oesophagienne
    • Histoplasmose extrapulmonaire
    • Isosporose intestinale chronique
    • Mycobactériose atypique généralisée
    • Tuberculose
    • Pneumocystose
    • Pneumopathie bactérienne récidivante
    • LEMP
    • Septicémie à Salmonella non-Typhi
    • Toxoplasmose cérébrale
  • Tumeurs :
    • Maladie de Kaposi : plaques cutanées infiltrées violacées, secondaire à une infection par HHV8
    • Lymphome (hodgkinien ou non)
    • Cancers invasifs du col utérin
  • Autres :
    • Encéphalite à VIH
    • Neuropathie périphérique à VIH
    • Syndrome cachectique

Biologique

  • Dépistage = test ELISA combiné à la détection de l'Ag p24 :
    • Si négatif → patient indemne sauf exposition < 6 semaines
    • Si positif → confirmation
  • Analyse de confirmation sur le même prélèvement = Western-Blot :
    • Si négatif → probable faux positif
    • Si positif → diagnostic confirmé mais nécessité de nouvelle analyse de dépistage pour éliminer une erreur d'identité
  • Si précoce : penser à répéter les tests négatifs
  • Chez le nouveau-né de mère séropositive : diagnostic direct par détection PCR à la naissance et à 1, 3 et 6 mois
  • Si diagnostic confirmé → déclaration anonyme obligatoire à l'ARS

Annoncer les résultats d'une sérologie VIH

Consultation pré-test

  • Information du patient avant toute sérologie VIH :
    • Motif de la demande (signes d'appel, facteurs de risque)
    • Signification d'une séropositivité
  • Consentement du patient doit être systématiquement recueilli
  • Mesures de prévention de la transmission en attente des résultats

Consultation post-test

  • Résultat rendu par le médecin qui a prescrit le test, consultation dédiée
  • Test négatif → renforcer les mesures de prévention
  • Annonce franche, sincère, non-brutale, pas de moralisme
  • Préciser :
    • Situation du patient dans l'histoire naturelle
    • Suivi, traitement, pronostic
    • Transmission et sa prévention
    • Conséquences dans la vie du patient
  • Inciter au dépistage de l'entourage
  • Pas de traitement antirétroviral en urgence

Prise en charge

Bilan préthérapeutique

Clinique

  • Mode de vie
  • ATCD médicaux et chirurgicaux
  • FdRV, alcool, substances illicites
  • Médicaments, traitements de substitution
  • Statut vaccinal
  • Examen clinique complet

Paraclinique

  • Systématiquement :
    • Typage lymphocytaire CD4/CD8
    • ARN HIV plasmatique quantitatif
    • Génotypage VIH
    • Hémogramme
    • Bilan hépatique complet
    • Fonction rénale
    • Glycémie à jeun
    • Bilan lipidique
    • Sérologies hépatites : B (Ag HBs, AC anti-HBs, AC anti-HBc), C, A
    • Sérologie syphilis : TPHA, VDRL
    • Sérologie toxoplasmose
    • Sérologie CMV
    • Dosage 25-OH-Vitamine D3
    • Recherche de protéinurie
  • Selon les cas :
    • RXT : ATCD respiratoires, CD4 < 200 /mm3
    • IDR tuberculine et QuantiFERON : originaire d'une zone de forte endémie
    • ECG
    • Ostéodensitométrie : FdR d'ostéoporose
    • Consultation gynécologique avec FCU
    • Examen proctologique si condylome/pratiques sexuelles anales
    • Recherche de co-infections

Traitement

  • Par ordre d'importance et d'urgence

Traitement curatif des infections opportunistes

Vide infra

Prophylaxie des infections opportunistes

  • Pneumocystose et toxoplasmose :
    • Pour tous les patients si CD4 < 200/mm3
    • Cotrimoxazole à dose préventive + acide folinique
    • Si allergie aux sulfamides : atovaquone
  • Mycobactérioses atypiques :
    • Si CD4 < 50/mm3
    • Par azithromycine
  • Poursuivies jusqu'à ce que CD4 > 200/mm3 vérifié à 2 reprises à 3 mois d'intervalle

Traitement antirétroviral

  • Objectifs :
    • CD4 > 500
    • Charge virale < 50 cp/mL (indétectable)

Indications

  • Pas en urgence
  • Désormais toujours indiqué, pas d'arrêt à la réasciension des CD4
  • Chez la femme enceinte : objectif = charge virale indétectable au 3ème trimestre

Molécules

  • Inhibiteurs nucléosidiques ou nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI) : lamivudine, emtricitabine, ténofovir...
  • Inhibiteurs non-nucléosidiques de la RT (NNTI) : éfavirenz, névirapine
  • Inhibiteurs de la protéase : lopinavir, atazanavir
  • Inhibiteurs de fusion : enfuvirtide
  • Inhibiteurs de l'intégrase : raltégravir
  • Inhibiteurs du CCR5 : maraviroc

Modalités

  • Schéma de 1ère intention :
    • Selon le génotype de résistance
    • Trithérapie
    • 2 inhibiteurs nucléos(t)idiques
    • + NNTI ou inhibiteur de protéase
  • Premier traitement = celui qui a le plus de chances de fonctionner
  • En cas de persistance d'une réplication à 6 mois, rechercher :
    • Traitement insuffisamment puissant
    • Concentrations plasmatiques insuffisantes : interaction médicamenteuse, mauvaise observance, anomalie d'absorption digestive
    • Résistance du VIH

Vaccinations

  • Quand : charge virale indétectable et CD4 > 200
  • Vaccination antitétanique et antidiphtérique selon calendrier général
  • Vaccination contre l'hépatite B
  • Vaccination contre hépatite A en l'absence d'immunité si :
    • Co-infection HBV/HCV
    • Hépatopathie chronique
    • Homosexuels/toxicomanes IV
    • Voyage en zone d'endémie
  • Vaccination anti-pneumococcique
  • Vaccination anti-grippale
  • Contre-indication au BCG
  • Vaccins vivants si CD4 < 200

Suivi

Education thérapeutique systématique

  • Prévention de la transmission
  • Prévention des complications :
    • Arrêt du tabac
    • Mesures hygiéno-diététiques
    • Activité physique régulière
  • Observance

Examens systématiques

  • Femmes :
    • Examen gynécologique avec frottis annuel
    • Contraception (attention aux interactions)
  • Patients homo-/bisexuels : examen proctologique annuel
  • Patients avec CD4 < 100 :
    • PCR CMV, Ag cryptocoque plasmatique, hémoculture mycobactéries / 3 mois
    • FO : dépistage de la rétinite à CMV
  • Sérologie toxoplasmose et CMV négatives : réévaluation annuelle
  • Conduites à risque : sérologies hépatites et syphilis régulières

Surveillance sous traitement antirétroviral

  • Réévaluation 4 semaines après initiation puis tous les 3 à 6 mois
  • Evaluer et motiver l'observance à chaque consultation
  • Efficacité :
    • Charge virale < 400 cp/mL à 3 mois
    • Charge virale indétectable à 6 mois
  • Surveillance biologique :
    • Charge virale, CD4
    • Hémogramme à chaque bilan
    • Bilan hépatique et rénal à chaque bilan
    • Bilan lipidique et glycémie à jeun annuels
    • Sérologies :
      • Syphilis annuelle
      • CMV/Toxo : annuelles si antérieurement négatives
      • Hépatites : annuelles (sauf C en l'absence de risque de transmission)
  • FCV/anuscopie
  • Tolérance :
    • Biologique (vide supra)
    • Syndrome inflammatoire de restauration immunitaire (IRIS) : symptômes généraux quelques semaines après la mise sous traitement, traitement = symptomatique (paracétamol, AINS, antalgiques)
    • Syndrome de lipodystrophie : anomalie de répartition des graisses (lipoatrophie/lipohypertrophie)
    • Troubles métaboliques lipidiques ou glucidiques (inhibiteurs de la protéase +++)
    • Risque cardiovasculaire : contrôle des FdRV ++

Infections opportunistes et pathologies malignes

  • Remarque : principale mesure thérapeutique pour toutes les affections opportunistes = restauration immunitaire

Tuberculose

  • Absence de seuil de CD4
  • Fréquence des atteintes extra-pulmonaires
  • Diagnostic par mise en évidence de BK ou lésion histologique évocatrice (granulome avec nécrose caséeuse)
  • Traitement = quadrithérapie si possible
  • Risque élevé d'IRIS et d'interaction médicamenteuse avec le traitement ARV

Pneumocystose pulmonaire

  • Infection à Pneumocystis jirovecii
  • Risque si CD4 < 200
  • La plus fréquente des infections opportunistes en France
  • Diagnostic :
    • Clinique : toux sèche, dyspnée, fébricule, cyanose ; apparition progressive
    • Pneumopathie interstitielle
    • Paraclinique :
      • Dissociation clinicobiologique : hypoxémie plus importante que les signes de gravité cliniques
      • Syndrome interstitiel bilatéral radiologique avec prédominance péri-hilaire
      • Kystes ou trophozoïtes à l'examen direct du LBA
  • Traitement :
    • 1ère intention = cotrimoxazole fortes doses 3 semaines ± corticothérapie si PaO2 < 75 mmHg
    • Si allergie : atovaquone per os

Toxoplasmose cérébrale

  • Risque si CD4 < 200
  • Clinique :
    • Déficit neurologique focal
    • Fièvre inconstante
    • A évoquer devant tout tableau neurologique dans ce contexte d'immunodépression
  • Paraclinique :
    • Imagerie cérébrale en urgence : abcès cérébraux multiples, aspect en cocarde à l'injection de PdC
    • Sérologie : si négative, rend le diagnostic peu probable
    • PCR T. gondii dans le PCR peu sensible mais spécifique +++
    • Diagnostic de certitude = biopsie cérébrale stéréotaxique, uniquement en cas d'échec du traitement d'attaque
  • Traitement :
    • D'attaque : pyriméthamine + sulfadiazine 6 semaines + acide folinique
    • Alternative : cotrimoxazole IV forte dose + acide folinique

Candidose œsophagienne

  • Risque si CD4 < 200
  • Clinique : candidose orale + dysphagie, nausées, vomissements, anorexie, amaigrissement
  • Diagnostic : prélèvements oraux et FOGD positif à Candida
  • Traitement : Fluconazole 10 j

Cryptococcose

  • Risque si CD4 < 100
  • Infection à Cryptococcus neoformans
  • Clinique : méningite/méningo-encéphalite d'installation progressive avec fièvre, syndrome méningé, syndrome d'HTIC
  • Rarement atteinte multiviscérale
  • Paraclinique :
    • LCR : faible cellularité, hyperprotéinorachie, hypoglycorachie, examen direct à l'encre de Chine + culture
    • Recherche d'Ag dans le sang et le LCR
    • IRM cérébrale : peut être normale ou atteintes variables (méningée, encéphalique, granulomateuse)
  • Traitement :
    • 1ère intention : amphotéricine B IV + flucytosine (IV ou per os) ≥ 2 semaines
    • Relais : fluconazole 8 semaines (quand prélèvements et clinique négatifs)
    • Traitement d'entretien par fluconazole jusqu'à CD4 > 200

Leuco-encéphalopathie multifocale progressive

  • Risque si CD4 < 100
  • Agents : virus JC, virus BK, virus SV 40
  • Clinique : troubles neurologiques d'apparition progressive
  • Paraclinique :
    • IRM cérébrale : lésions de la substance blanche sous-corticale
    • Détection du virus JC par PCR dans le LCR
  • Traitement : restauration immunitaire...

Infection à CMV

  • Risque si CD4 < 50
  • Atteintes :
    • Rétinite : nécrose hémorragique avec troubles visuels ± importants
    • Digestives : oesophagite, gastro-duodénite, colite, cholangite
    • Neurologiques : encéphalite, ventriculite, névrite, myéloradiculite, méningite
  • Diagnostic paraclinique :
    • Virémie à CMV : PCR/Ag pp65
    • Rétinite : FO
    • Atteinte digestive : endoscopie avec biopsies (inclusions virales intranucléaires)
    • Atteinte neurologique : PCR CMV dans le LCR

Mycobactérioses atypiques

  • Risque si CD4 < 50
  • Infections disséminées : fièvre, AEG, sueurs nocturnes, anémie, localisations viscérales diverses
  • Diagnostic par isolement sur milieu de culture spécifique ou mise en évidence de granulome en histologie
  • Traitement : clarithromycine + éthambutol + rifabutine 3 à 6 mois

Tumeurs

  • Sarcome de Kaposi :
    • Homosexuels masculins
    • Lié à HHV8
    • Lésions cutanées infiltrées, violacées, nodulaires ou en plaques ± lésions muqueuses
    • Diagnostic clinique et histologique : prolifération angiomateuse et fibroblastique
    • Traitement = restauration immunitaire si forme cutanée uniquement, sinon chimiothérapie systémique
  • Lymphomes non-hodgkiniens liés à EBV ++ (Burkitt) ou maladie de Hodgkin
  • Cancers invasifs du col utérin
  • Risque augmenté pour tous les cancers bien que moins spécifiques