182 : Accidents des anticoagulants

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Objectifs

  • Diagnostiquer un accident des anticoagulants
  • Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Accidents liés aux héparines

Hémorragies

Epidémiologie

  • 1 à 2% des patients sous héparine
  • Facteurs de risque :
    • Age avancé
    • Sexe féminin
    • Faible poids corporel
    • Anticoagulation intense et prolongée
    • Pathologie digestive ou cérébrale à risque hémorragique
    • Insuffisance hépatocellulaire
    • Traumatisme ou chirurgie récente
    • Troubles congénitaux de la coagulation
    • Insuffisance rénale (HBPM)
    • Association à un autre traitement antithrombotique

Diagnostic

  • Surdosage biologique asyptomatique : TCA > 3 × témoin (ou anti-Xa élevé pour les HBPM)
  • Anémie sans hémorragie extériorisée
  • Hématome ou hémorragie extériorisée ± grave

Prévention

  • Règles de prescription :
    • Adaptation des doses en fonction du poids
    • Surveillance TCA si HNF
    • Pas d'HBPM en cas d'IRC sévère
    • Prudence avec les HBPM après 75 ans
  • Respect des contre-indications (hémorragiques +++)

Prise en charge

  • Evaluation de la gravité : clinique, signes de choc, Hémocue, hémogramme en urgence
  • Accident mineur : adaptation de posologie et surveillance clinico-biologique
  • Accident majeur :
    • Mise en balance du niveau de risque hémorragique et du niveau de risque entraîné par l'arrêt du traitement
    • Remplissage par macromolécules et transfusion si nécessaire
    • Evaluer l'intérêt d'une administration d'antidote : sulfate de protamine IVL, doses adaptées à l'héparinémie (HNF) ou l'anti-IIa (HBPM)
    • Effets secondaires du sulfate de protamine : hypotension, bradycardie, hypertension pulmonaire aiguë, choc anaphylactique

Thrombopénie induite par les héparines

Physiopathologie

  • 2 types :
    • TIH1 : thrombopénie précoce, bénigne, non-immunologique, régressant spontanément sans arrêt de l'administration
    • TIH2 : thrombopénie tardive, grave, d'origine immune
  • TIH2 due à la sécrétion d'anticorps anti-facteur plaquettaire 4 (PF4) modifié par l'héparine
  • Activation plaquettaire intense → risque thrombotique
  • Plus rare en cas de traitement par HBPM : 1% contre 3% environ pour les HNF
  • Délai : 5 à 8 jours après le début, ou en cas de réintroduction si exposition dans les 3 mois

Diagnostic

  • A évoquer systématiquement devant :
    • Plaquettes < 100 G/L sous héparine
    • Ou chute relative des plaquettes : 40% entre 2 numérations plaquettaires sous héparine
    • Apparition de thrombose veineuse ou artérielle sous héparine ou peu de temps après l'arrêt
  • Risque de CIVD : 10 à 20 %
  • 10% de complications neurologiques : AVC, AIT, TVC

Prise en charge

  • Diagnostique :
    • Confirmation de la thrombopénie sur tube citraté
    • Eliminer une autre cause de thrombopénie : infection, médicament, CEC
    • Recherche d'anticorps anti-PF4
    • Tests d'activation plaquettaire à la recherche d'IgG héparine-dépendants activant les plaquettes
  • Arrêt de l'héparine dès que la TIH est suspectée :
    • Arrêt immédiat sous toutes ses formes, même purge de cathéter
    • Supprimer tous les abords veineux pré-enduits d'héparine
    • Transfert en USIC ou réanimation
    • Contacter laboratoire d'hémostase spécialisé
    • Recherche de thrombose veineuse ou artérielle
  • Substitution :
    • Danaparoïde sodique (Orgaran) : débuté sans attendre, avec surveillance plaquettaire hebdomadaire initialement car risque faible de réactions croisées
    • Hirudines
  • Déclaration au centre régional de pharmacovigilance

Prévention

  • Prévention primaire :
    • Utilisation d'héparines uniquement dans les indications validées
    • Durée d'utilisation la plus courte possible, relais AVK précoce
    • Préférer les HBPM et le fondaparinux quand possible
  • Prévention secondaire : numération plaquettaire bihebdomadaire
  • Prévention tertiaire : remise d'un certificat médical attestant du diagnostic de TIH

Accidents liés aux antivitamines K

Hémorragies

Epidémiologie

  • 20% de surdosages asymptomatiques chez les patients traités
  • 15'000 hospitalisations par an

Conduite à tenir[1]

Surdosage asymptomatique

  • Prise en charge le plus souvent en ambulatoire
  • Conduite à tenir :
INR mesuré INR cible
2,5 ≥ 3
< 4 Adaptation de la posologie -
4 ≤ INR < 6 Saut d'une prise
Adaptation posologie
Adaptation de la posologie
6 ≤ INR < 10 Arrêt AVK
2 mg de vitamine K per os
Adaptation posologie à la reprise
Saut d'une prise
Avis spécialisé pour discuter vitamine K per os
Adaptation posologie à la reprise
INR ≥ 10 Arrêt AVK
5 mg vitamine K per os
Adaptation posologie à la reprise
Avis spécialisé en urgence en hospitalisation
  • Recherche et prise en compte de la cause
  • Contrôle INR à 24h → répétition de la conduite à tenir jusqu'à normalisation

Hémorragie ou traumatisme

  • Hémorragie grave :
    • Critères de gravité :
      • Saignement abondant avec retentissement hémodynamique
      • Localisation engageant le pronostic vital ou fonctionnel
      • Absence de contrôle par les moyens usuels
      • Nécessité de transfusion ou de geste hémostatique en milieu hospitalier
    • Hospitalisation
    • Objectif : INR < 1,5
    • Arrêt des AVK et mesure de l'INR en urgence
    • Administration de concentré de complexe prothrombinique (CCP ou PPSB) IV, doses adaptées à l'INR si disponible sinon 25 UI/kg
    • + 10 mg de vitamine K en privilégiant la voie orale
    • Contrôle INR à 30 min
    • Si INR > 1,5, nouvelle administration de CCP selon INR avec contrôle à 6h
  • Hémorragie non grave :
    • Prise en charge ambulatoire
    • Rechercher et corriger la cause du surdosage
    • Rechercher la cause de l'hémorragie
  • Traumatisme crânien :
    • Hospitalisation systématique pour 24h de surveillance
    • TDM cérébrale, immédiatement si signes neurologiques, sinon à 6h
  • Dans le délai de réintroduction, relais HNF ou HBPM jusqu'à équilibre INR, sous surveillance hospitalière rapprochée

Prévention

  • Respect des contre-indications aux AVK
  • Education du patient et des soignants aux interactions médicamenteuses et alimentaires
  • Respect de la durée de traitement recommandée
  • Adaptation des posologies
  • En cas de gestes invasifs[1] :
    • Saignement facilement contrôlé → réalisable sous AVK :
      • Actes : chirurgie cutanée, de la cataracte, actes rhumatologiques à faible risque, chirurgie bucco-dentaire, endoscopie digestive
      • Conditions : INR contrôlé avant le geste entre 2 et 3, absence d'autres sources de risque hémorragique
    • Acte programmé :
      • Arrêt AVK 48h avant
      • Mesure INR la veille si chirurgie → 5 mg vitamine K per os si INR > 1,5
      • Avec relais héparine
      • Reprise à 24-48h (ou héparine prolongée)
    • Acte non programmé :
      • INR à l'admission
      • Vitamine K 5 mg
      • Si nécessité d'intervention en urgence et INR reste élevé : CCP
      • Puis prise en charge comme actes programmés

Autres

  • Nécrose cutanées rares mais graves en début de traitement en cas de déficit en protéine C ou S
  • Complications immuno-allergiques :
    • Insuffisance rénale aiguë
    • Insuffisance hépatique
    • Insuffisance médullaire

Sources

  1. 1,0 et 1,1 Recommandations HAS 2008 : Prise en charge des surdosages en AVK