253 : Insuffisance rénale chronique

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Objectifs

  • Diagnostiquer une insuffisance rénale chronique
  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
  • Décrire les principes de la prise en charge au long cours

Diagnostic

  • Maladie rénale chronique =
    • Anomalie rénale fonctionnelle ou structurelle d'évolution > 3 mois
    • Et/ou DGF < 60 mL/min/1,73m² depuis > 3 mois
  • Epidémiologie :
    • IRC terminale = 1'000 pour 1'000'000 d'habitants, incidence en augmentation
    • Fréquence × 3 chez l'homme par rapport à la femme
    • Principales causes d'IRT :
      • Néphropathie diabétique (30%)
      • Néphropathies vasculaires et hypertensives (25%)
      • Glomérulonéphrites chroniques (15%)
      • Néphropathies héréditaires (10%, PKRD+++)

Dépistage[1]

  • Dépistage ciblé annuel recommandé

Populations à risque

  • Diabète
  • Hypertension artérielle traitée ou non
  • Age > 60 ans
  • Obésité (IMC > 30 kg/m²)
  • Maladie cardio-vasculaire athéromateuse
  • Insuffisance cardiaque
  • Maladie de système ou auto-immune (lupus, vascularite, polyarthrite rhumatoïde...)
  • Affection urologique (uropathie obstructive, infections urinaires récidivantes...)
  • Antécédents familiaux de maladie rénale ayant évolué au stade d’insuffisance rénale chronique
  • Exposition à des toxiques professionnels (plomb, cadmium, mercure, solvants organiques)
  • Traitement néphrotoxique antérieur (AINS au long cours, chimiothérapie, radiothérapie...)

Moyens

  • Dépistage annuel
  • Dosage de la créatininémie avec estimation du DFG
  • Albuminurie sur échantillon urinaire (exprimé en rapport A/C)

Diagnostic d'une MRC

  • Démarche diagnostique en 6 étapes :
  1. Affirmer la MRC
  2. Préciser le stade et le rythme évolutifs
  3. Faire le diagnostic étiologique
  4. Identifier les facteurs de progression
  5. Rechercher le retentissement si DFG < 60 mL/min
  6. Rechercher les facteurs de risque cardio-vasculaires

Affirmer la MRC

  • Affirmer l'atteinte rénale :
    • Connaître le DFG
    • Rechercher une protéinurie ou une albuminurie
    • Rechercher une anomalie du sédiment urinaire (hématurie ou leucocyturie)
    • Rechercher une anomalie morphologique de l'appareil urinaire
  • Affirmer le caractère chronique (évolution > 3 mois) :
    • Critères anamnestiques : ATCD de maladie rénale, créatininémie antérieurement élevée
    • Critères morphologiques : diminution de la taille des reins (< 10 cm/3 vertèbres en ASP)
    • Critères biologiques : anémie normochrome normocytaire arégénérative, hypocalcémie (sauf situations particulières, cf item 310)
  • Répéter le dosage à 3 mois sauf si situations nécessitant une prise en charge urgente (GNRP +++)

Préciser le stade

DFG (mL/min) Description Stade
≥ 90 MRC avec fonction rénale normale 1
60 - 90 MRC avec insuffisance rénale légère 2
44 - 59
30 - 45
Insuffisance rénale modérée 3A
3B
15 - 29 Insuffisance rénale sévère 4
< 15 Insuffisance rénale terminale
(Ou traitement de suppléance)
5
  • Evaluation de l'évolutivité : formes rapidement progressives :
    • A/C > 70 mg/mmol
    • Albuminurie + hématurie
    • ↓ DFG > 5 mL/min/an
    • HTA non-contrôlée

Diagnostic étiologique

  • Plus facile à un stade précoce (atrophie aux stades tardifs cachant les lésions primitives)
  • Evaluation initiale[1] :
    • Clinique :
      • Recherche d'ATCD (rénaux, urinaires, cardiovasculaires, diabète, tabac, familiaux)
      • Recherche d'exposition à des produits néphrotoxiques : professionnelle (plomb, cadmium...), médicamenteuse, alimentaires (phytothérapie)
      • Mesures : poids, taille, IMC, tour de taille, PA
      • Auscultation cardiaque, pouls périphériques, recherche de souffle vasculaire
      • Recherche d'oedèmes, état d'hydratation, reins palpables, signes de maladie systémique ou d'obstacle urologique
    • Examens complémentaires systématiques :
      • Echographie rénale
      • Créatininémie et DFG : stade et évolutivité
      • Albuminurie, leucocyturie, hématurie, cytologie urinaire : évaluation de la MRC et recherche de glomérulopathie
      • Bilan métabolique : glycémie à jeun, EAL
      • Bilan initial des complications : Hémogramme, 25-OH-Vitamine D, uricémie
      • Recherche de troubles hydro-électrolytiques : Na+, K+, bicarbonate
    • Examens complémentaires non-systématiques :
      • Echographie vésicale pour la recherche étiologique
      • Recherche de complications à partir du stade 3 : urée et sodium urinaires, albuminémie et urémie, bilan phosphocalcique (PTH, Ca++, phosphore)

Facteurs de progression

  • Pression artérielle et protéinurie
  • Episodes d'insuffisance rénale aiguë :
    • Déshydratation extra-cellulaire : diurétiques, diarrhée, vomissements
    • Médicaments à effets hypovolémiques : AINS, IEC, ARAII (surtout si IRC rénovasculaire)
    • Obsacle sur les voies urinaires
    • Nephrotoxicité : produits de contraste iodés, médicaments
    • Pathologie surajoutée : PNA, néphropathie vasculaire
  • Nécessité de restreindre les apports protidiques modérément
  • Contrôle d'un éventuel diabète
  • Sevrage tabagique

Complications

  • Apparaissent en général quand le DFG est < 60 mL/min/1,73m²

Cardio-vasculaires

  • HTA :
    • Précoce, surtout si néphropathie vasculaire ou glomérulaire, ou PKRD
    • Complication et facteur de progression majeur
    • Volo-dépendante => régime hyposodé et diurétiques +++ (en plus des bloqueurs du SRAA)
  • Lésions artérielles (artério- et athérosclérose) :
    • Facteurs de risque communs (HTA, dyslipidémie, diabète, âge, tabac) mais aussi spécifiques : troubles du métabolisme phospho-calcique (médiacalcose), anémie, insulino-résistance...
    • Risque vasculaire très élevé chez les IRC => risque d'IDM, d'AVC et d'AOMI
  • Atteintes cardiaques :
    • Hypertrophie ventriculaire gauche (anémie et HTA)
    • Calcifications valvulaires et coronariennes
    • Cardiopathie urémique
    • Exceptionnelle péricardite hyperurémique

Métabolisme phospho-calcique

Complications PCa IRC.jpg
  • Troubles métaboliques :
    • Hyperparathyroïdie secondaire
    • Déficit en vitamine D active
    • Hypocalcémie (tardive)
    • Hyperphosphatémie (tardive)
    • Acidose métabolique
  • Conséquences = Ostéodystrophie rénale :
    • Ostéomalacie : diminution de la formation osseuse => douleurs osseuses, déminéralisation en radiologie, diminution de la 1,25-OH-vitamine D3
    • Ostéite fibreuse : destruction osseuse accélérée => douleurs et fractures pathologiques, résorption des extrémités osseuses et lacunes en radiologie, augmentation de la PTH
    • Acidose métabolique aggrave les lésions osseuses

Equilibre acido-basique

  • Acidose métabolique chronique par perte de bicarbonates
  • Conséquences :
    • Catabolisme protéique excessif
    • Majoration du risque d'hyperkaliémie et des lésions osseuses

Métaboliques et endocriniennes

  • Hyperuricémie : fréquente, la plupart du temps asymptomatique (donc à ne pas traiter)
  • Hyperlipidémie : deux profils
    • Hypertryglicéridémie + ↓ HDL-C
    • Hypercholestérolémie majeure en cas de néphropathie glomérulaire
    • A traiter même si efficacité non-démontrée :
      • MHD
      • Statines, attention à la toxicité musculaire
      • Fibrates contre-indiqués chez l'insuffisant rénal et en association aux statines
  • Hormones sexuelles :
    • Homme : impuissance, diminution de la fertilité
    • Femme : aménorrhée, diminution de la fertilité, augmentation du risque materno-fœtal
  • Dénutrition protéino-énergétique :
    • Secondaire à : réduction spontanée des apports alimentaires, augmentation du catabolisme protéique secondaire à l'acidose, diminution des synthèses protéiques par insulinorésistance
    • Bilan nutritionnel (albumine, pré-albumine) est un marqueur pronostic important
    • Prise en charge diététique indispensable

Hématologiques

  • Anémie normochrome normocytaire arégénérative :
    • Défaut de synthèse rénale d'EPO à partir d'un DFG < 60 mL/min
    • Conséquences :
      • Asthénie, fatigabilité à l'effort et dyspnée, diminution de la libido
      • Voire angor fonctionnel
      • Augmentation du débit cardiaque → HVG → facteur de morbi-mortalité
  • Troubles de l'hémostase primaire : défaut d'agrégation plaquettaire avec risque hémorragique en cas d'IRC avancée
  • Déficit immunitaire : modéré, réponse atténuée aux vaccinations => vaccination contre HBV doit être précoce

Troubles hydro-électrolytiques

  • Bilan hydro-sodé :
    • Rétention hydrosodée contribuant à l'HTA, modérée
    • Diminution des capacités d'adaptation rénale en cas de déplétion ou surcharge (=> éviter les évènements pourvoyeurs)
  • Potassium = risque d'hyperkaliémie
    • Facteurs favorisants : acidose métabolique, prise de médicaments hyperkaliémiants (IEC, ARAII, AINS, diurétiques épargneurs de potassium)
    • Fréquente à partir du stade 4

Autres

  • Digestives :
    • Nausées, vomissements = signes d'hyperurémie (envisager le traitement de suppléance)
    • Risque majoré de gastrite et d'ulcère à cause de l'anémie => à rechercher en cas de signes fonctionnels
    • Pas de contre-indication aux IPP
  • Neurologiques :
    • Crampes fréquentes, favorisées par : dyskaliémies, hypocalcémie, hypomagnésémie
    • Risque d'encéphalopathie hypertensive si HTA non-équilibrée
    • Rares complications d'hyperurémie extrême : polynévrite urémique, encéphalopathie urémique

Prise en charge[1]

A tous les stades

Education du patient

  • Connaissance de la maladie et des traitements
  • Apprentissage de la néphroprotection, connaissance des néphrotoxiques (médicaments, automédication, radiologie, phytothérapie, exposition professionnelle : plomb, mercure, cadmium)
  • Arrêt du tabac
  • Autosurveillance : poids, PA
  • Mesures hygiéno-diététiques :
    • Activité physique régulière et alimentation équilibrée
    • Apports caloriques : 30 à 40 kcal/kg/j
    • Apports en sel < 6 g/j
    • Apports hydriques normaux : ~1,5 L/j, ni restreint ni forcé
    • Apports protéiques normaux sans excès
  • Autres : consultation diététique, accompagnement psychosocial, prise en charge en réseau
  • ALD

Médicaments et vaccinations

  • Objectif principal = diminuer la PA et la protéinurie
  • Traitement par bloqueur du SRAA : IEC ou ARAII si HTA ou albuminurie
  • Objectifs thérapeutiques :
    • PA < 140/90 en l'absence de diabète et/ou d'albuminurie
    • PA < 130/80 si diabète et/ou albuminurie
  • Prévention du risque vasculaire et prise en charge des FdRV
  • Vaccination anti-grippale

A partir du stade 3

  • Préservation du capital veineux
  • Normaliser les apports protéiques : 0,8 à 1 g/kg/j
  • Sérologie et vaccination contre l'hépatite B
  • Traitement des complications :
    • Anémie :
      • Prévenir, rechercher et corriger une carence martiale
      • Substitution en EPO si Hb < 11 g/dL (objectif 11-12)
      • Pas de transfusion (sauf situations d'urgence)
    • Troubles phosphocalciques :
      • Apports calciques ≥ 1 g/j
      • Restriction des apports en phosphore ± complexants du phosphore
      • Apports de vitamine D3 si carence avérée
      • Objectifs de traitement : calcémie normale, phosporémie < 1,5 mmol/L, PTH < 3N
    • Métaboliques :
      • Eviter les apports sodés excessifs sauf néphropathie avec perte de sel
      • Eviter les apports hydriques excessifs
      • Prévention de l'hyperkaliémie : limiter les apports, corriger une acidose métabolique, résines échangeuses d'ions (Kayexalate)
      • Prévention de l'acidose métabolique : objectif de HCO3- > 22 mEq/L, gélules de bicarbonates de sodium ou eau de Vichy

A partir du stade 4

  • DFG < 30 mL/min
  • Préparer au traitement de suppléance 1 an avant la date prévisible de nécessité

Traitement de suppléance

Techniques

Transplantation rénale

  • Meilleure méthode lorsqu'elle est possible : meilleure qualité de vite, morbidité cardio-vasculaire moindre, espérance de vie supérieure et coût inférieur dès la première année
  • Voir item 127

Hémodialyse

  • Technique la plus utilisée en France
  • Durées de vie dans la technique les plus longues, mais technique la plus coûteuse
  • Différents niveaux de structure d'hémodialyse selon les besoins médicaux (du centre d'hémodialyse lourd à l'hémodialyse à domicile par patient autonome)
  • Principe : 2 types d'échanges :
    • Transferts diffusifs selon le gradient de concentration
    • Transferts convectifs par ultrafiltration selon un gradient de pression, permettant une soustraction liquidienne chez les patients anuriques
  • En pratique :
    • 3 séances de 4 à 6 heures par semaine
    • Nécessite : circulation extra-corporelle, générateur d'hémodialyse et dialyseur, installation du traitement de l'eau
    • → Abord vasculaire (fistule artério-veineuse de préférence) + anticoagulation efficace du circuit extra-corporel
  • Objectifs :
    • Contrôler les volumes liquidiens → poids idéal théorique et PA normale
    • Soustraire les molécules à élimination urinaire (urée, créatinine...)
    • Corriger les anomalies hydro-électrolytiques
  • Régime alimentaire spécifique :
    • Restriction hydrique : 500 mL + diurèse résiduelle
    • Alimentation hyposodée
    • Apports protéiques : 1,2 g/kg/j
    • Apports caloriques : 35 kcal/kg/j

Dialyse péritonéale

  • Permet un traitement à domicile, mieux tolérée hémodynamiquement
  • Performances d'épuration moindres, durée d'utilisation limitée à 5 ans (altération du péritoine)
  • Utilisation de la membrane péritonéale comme membrane de dialyse
  • En pratique :
    • Cathéter posé chirurgicalement : une extrémité dans le Douglas, l'autre tunnelisée à la la peau
    • Système de connexion aseptique
    • Poches de dialysat stériles, ~2 L
    • Deux techniques : manuelle (3 à 5 échanges de quelques heures) ou automatisée (par une machine pendant la nuit)
  • Objectifs : contrôler les volumes liquidiens, soustraire les molécules à élimination urinaire, corriger les anomalies hydro-électrolytiques
  • Régime alimentaire comparable à celui de l'hémodialyse, mais restriction hydrique moins sévère car diurèse souvent conservée

Mise en route

  • Information du patient sur les techniques
  • Prise en charge à 100%
  • Etudier l'opportunité d'un reclassement professionnel
  • Précautions :
    • Préserver le réseau veineux d'un membre supérieur (de préférence non-dominant)
    • Vaccination contre l'hépatite B : risque d'hépatite B nosocomiale en hémodialyse
  • Début :
    • Au stade 4 ou 5
    • Fistule artério-veineuse doit être créée plusieurs mois avant le début
    • Inscription sur liste de transplantation au stade 5
    • Choix entre hémodialyse et DP : selon degré de rétention hydrosodée, d'asthénie, nausées, dénutrition, perte de poids, rétention azotée, troubles hydro-électrolytiques non contrôlés
  • Il vaut mieux commencer un peu trop tôt qu'en urgence

Suivi[1]

Clinique

  • A tous les stades :
    • Implication du patient dans la prise en charge : autosurveillance, néphroprotection, sevrage tabagique, mesures hygiéno-diététiques
    • Poids, PA, diurèse, signes de rétention hydro-sodée ou de DHEC, troubles mictionnels
    • Evaluation des traitements : efficacité, observance, tolérance
    • Qualité de vie, retentissement psychosocial
  • A partir du stade 3B :
    • Dépistage des complications
    • Dépistage des facteurs de progression
    • Protection du capital vasculaire
  • A partir du stade 4 : préparer l'EER
  • Suivi complémentaire : cardiologue, diabétologue, diététicien, infirmier, psychologue, tabacologue

Biologique

Fréquence de contrôle des paramètres :

Stade 1 à 3A 3B 4 5 avant EER
EAL et glycémie 1/an
AgHBs (non-vacciné)
AC anti-HBs (vacciné)
- 1/3 ans 1/an
Créatininémie 1/an 1/6 mois 1/3-6 mois 1/1-3 mois
Albuminurie 1/an 1/6 mois
Ionogramme
Hémogramme avec réticulocytes
Bilan martial
- 1/an 1/6 mois 1/3 mois
Albuminémie - 1/an 1/6 mois
25-OH-Vitamine D 1/an en l'absence de carence
PTH - - 1/6 mois 1/3 mois
Phosphatase alcaline - 1/3 mois

Sources

  1. 1,0, 1,1, 1,2 et 1,3 Points critiques HAS Février 2012 - Parcours personnalisé de soin : Maladie Rénale Chronique