268 : Pancréatite aiguë
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Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer une pancréatite aiguë
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
Diagnostic
Positif
Clinique
- Douleur abdominale :
- Siège épigastrique, parfois diffuse
- Transfixiante, violente, d'aggravation rapide
- Irradiation dorsale
- Inhibe la respiration, position antalgique en chien de fusil
- Résiste aux antalgiques habituels
- Vomissements :
- Précoces
- Alimentaires puis bilieux
- Iléus réflexe (AMG, métérosime)
- Recherche de signes de gravité parfois isolés :
- Etat de choc
- Détresse respiratoire aiguë
- Oligurie
- Syndrome confusionnel
Paraclinique
- Lipasémie :
- Diagnostic certain si douleur typique + lipasémie > 3N (pas de corrélation avec la gravité)
- Possibilité de doser la lipase dans les liquides pleuraux ou péritonéaux en cas d'épanchement pour éliminer une fistule
- Imagerie :
- Inutile si diagnostic certain
- En cas de doute : TDM abdomino-pelvienne avec injection (en l'absence de défaillance rénale)
- Echographie abdominale systématique : pancréatite difficile à mettre en évidence mais recherche d'une étiologie lithiasique
De gravité
- 2 situations :
- Pancréatite aiguë bénigne œdémateuse (75%) → objectif : déterminer la cause pour prévenir la récidive
- Pancréatite aiguë grave nécrosante (25%) → objectif : assurer la survie à court terme
Clinique
- Gravité immédiate :
- Défaillance viscérale au stade initial : détresse respiratoire, choc, oligoanurie (rare et de mauvais pronostic, par SRIS)
- Syndrome de détresse respiratoire aiguë : hypoxémie majeure, nécessite souvent une assistance ventilatoire ; parfois épanchement pleural réactionnel nécessitant d'éliminer une fistule pancréatico-pleurale
- Insuffisance rénale (75% fonctionnelles, 25% organiques)
- Complications infectieuses :
- Fréquentes en cas de pancréatite aiguë nécrosante
- Principale cause de décès
- Le plus souvent, surinfection de coulées de nécrose non-collectées
- Parfois abcès pancréatiques
- Par translocation bactérienne favorisée par la fragilisation de la paroi intestinale (jeûne, instabilité hémodynamique)
- Souvent retardées → à suspecter en cas d'aggravation après 1 à 4 semaines
- Impose des prélèvements multiples (hémocultures, ECBU, ECBC) et une ponction sous contrôle scanographique
- Complications digestives : ulcères multiples duodénaux, colites ischémiques de choc, perforation duodénale, gastrique, grêlique, biliaire ou colique
- CIVD en phase aiguë
- Hémorragie par érosion artérielle : interne, intrapéritonéale ou intrakystique
- Encéphalopathie pancréatique : syndrome confusionnel, DTS
- Complications cutanées : tuméfactions sous-cutanées douloureuses, érythème diffus
- Maladie de Weber-Christian : cytostéatonécrose systémique avec atteinte articulaire et panniculite
- Complications tardives :
- Pseudokystes : organisation des foyers de nécrose ; apparition de J5 à J40 avec risque de douleur, de surinfection, de rupture, d'hémorragie ou de compression d'organes de voisinage
- Insuffisance pancréatique en cas de nécrose sévère
Biologique
- Marqueur simple et fiable : CRP > 150 mg/L
- Score de Ranson :
A l'admission | ||
---|---|---|
Paramètre | Valeur seuil | Moyen mnémotechnique |
Glycémie | > 11 mmol/L | G |
Age | > 55 | A |
Leucocytes | > 16 G/L | L |
LDH | > 1,5N | L |
ASAT | > 6N | A |
Avant la 48ème heure | ||
Diminution des bicarbonates | > 4 mEq/L | B |
PaO2 | < 60 mmHg | O |
Elévation de l'urée | > 1,8 mmol/L | U |
Calcémie | < 2 mmol/L | C |
Chute de l'hématocrite | > 10% | H |
Séquestration liquidienne (quantité à perfuser nécessaire dans les 48 premières heures) |
> 6 L | E (eau) |
Morphologique
- TDM injectée 48h après les premiers symptômes en l'absence d'insuffisance rénale
- Visualisation des coulées de nécrose, de la nécrose dans le pancréas et des complications (hémorragies, fistules, perforation d'organe creux)
- Score de Balthazar :
Scanner | |
---|---|
Paramètre | Points |
Stade A : pancréas normal | 0 |
Stade B : élargissement de la glande | 1 |
Stade C : infiltration de la graisse péripancréatique | 2 |
Stade D : 1 coulée de nécrose | 3 |
Stade E : plusieurs coulée de nécrose ou présence de bulles | 4 |
Scanner avec injection | |
Pas de nécrose | 0 |
Nécrose < ⅓ | 2 |
⅓ < nécrose < ½ | 4 |
Nécrose > ½ | 6 |
- Risque important de complication si Balthazar > 4 (très important si > 7)
Etiologique
- Causes par fréquence :
- Fréquentes : migration d'un calcul biliaire dans la VBP, alcoolisme chronique
- Rares : tumeur maligne (ou bénigne rarement) du pancréas, post-opératoire, post-CPRE
- Exceptionnelles : hypertriglycéridémie intense, hypercalcémie, médicamenteuse, infectieuses, auto-immune
- Idiopathique
- Origine biliaire :
- Diagnostic essentiel pour la prévention des récidives
- Arguments cliniques = FdR de lithiase : âge > 50, sexe féminin, surcharge pondérale, multiparité, ATCD familiaux
- Recherche systématique d'une lithiase vésiculaire au cours d'une pancréatite aiguë
- Pic d'élévation des transaminases précoce et transitoire, prédominant sur les ALAT, souvent important
- Rechercher une hyperbilirubinémie signant un calcul au niveau de l'ampoule de Vater
- Origine alcoolique :
- En général, poussée inaugurale de pancréatite chronique calcifiante
- Contexte : homme > 40 ans, consommation alcoolique excessive
- Marqueurs d'imprégnation alcoolique : VGM, GGT, atteinte hépatique
- Origine tumorale :
- Cause jusqu'à preuve du contraire en l'absence d'une origine biliaire ou alcoolique
- Adénocarcinome comprimant le canal pancréatique principal ++, autres tumeurs bénignes plus rares
- Dilatation des canaux pancréatiques en imagerie
- Hypertriglycéridémie majeure (> 10 mmol/L)
- Hypercalcémie rare, plutôt en contexte d'hyperparathyroïdie
- Médicaments :
- Les plus fréquents : azathioprine, 6-mercaptopurine, chlorothiazide, furosémide, tétracyclines, œstrogènes, valproate, cimétidine, méthyl-DOPA
- /!\ Une élévation isolée de la lipasémie n'est pas une pancréatite aiguë
- Infections : oreillons, CMV, HIV, HBV, entérovirus, parasitoses par migration à travers le sphincter d'Oddi
- Post-opératoire : chirurgie biliaire ou gastrique, CPRE
- Post-traumatique : traumatismes fermés de l'abdomen (automobile, vélo)
Différentiel
- Ulcère perforé : ATCD, début brutal, pneumopéritoine
- Infarctus mésentérique : terrain vasculaire, tableau rapidement sévère, TDM
- Péritonite biliaire
- IDM inférieur
- Rupture d'AAA
Traitement
Pancréatite aiguë bénigne
- Hospitalisation en médecine conventionnelle
- Mise à jeun stricte
- Rééquilibration IV des troubles hydro-électrolytiques
- Antalgiques adaptés à l'EVA avec recours facile aux morphiniques
- SNG en aspiration si vomissements
- Surveillance quotidienne à la recherche d'une aggravation
- Réalimentation orale classique après disparition des douleurs et vomissements (dizaine de jours)
Pancréatite aiguë sévère
- Hospitalisation en USI ou réanimation
- Mise à jeun stricte
- Antalgiques selon EVA
- SNG en aspiration si vomissements
- Rééquilibration des troubles hydro-électrolytiques nécessitant parfois la mise en place d'une VVC
- Prévention de l'ulcère de stress par IPP
- Antibiothérapie en cas d'infection avérée
- Nutrition entérale :
- Car jeûne prolongé prévisible et permet de diminuer le risque de translocation bactérienne
- En l'absence d'iléus réflexe (sinon, parentérale)
- Nécessite une SNG d'alimentation voire une gastrostomie
- Prise en charge des défaillances viscérales
- Surveillance renforcée, clinico-biologique (fonction rénale, CRP, hémogramme, TDM toutes les 2 semaines)
Prise en charge étiologique
- Cause doit être recherchée dès la prise en charge initiale
- Alcoolisme chronique :
- Recherche et prise en charge des autres complications de l'alcoolisme (et du tabagisme souvent associé)
- Expliquer le lien entre la pancréatite et l'alcoolisme
- Sevrage
- Lithiase biliaire :
- Si pancréatite aiguë bénigne : cholécystectomie avec exploration per-opératoire de la VBP rapidement
- Si angiocholite aiguë : sphinctérotomie endoscopique en urgence
- Prise en charge spécialisée pour les autres causes (tumeurs +++)