255 : Insuffisance surrénale
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Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer une insuffisance surrénale aiguë et une insuffisance surrénale chronique
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
Insuffisance surrénale lente
Physiopathologie
- Rare mais grave car risque d'insuffisance surrénale aiguë
- Cortisol :
- Sécrétion stimulée par l'ACTH hypophysaire
- Stimulation de la néoglucogenèse
- Stimulation du catabolisme protidique
- Stimulation de la lipogenèse
- Inhibition de la sécrétion d'ADH
- Stimulation du SNC
- Effet anti-inflammatoire et anti-pyrétique
- Stimulation du tonus vasculaire
- Effet minéralocorticoïde à forte dose
- Rythme nycthéméral : nadir à minuit, pic à 8h
- Aldostérone :
- Rétention sodée avec excrétion de potassium
- Sous dépendance de la rénine
- Angrogènes surrénaliens (DHEA ++) : rôle faible, trophique pour la pilosité
- Insuffisance surrénale périphérique :
- Causes surrénaliennes, = maladie d'Addison
- Déficit en cortisol et en aldostérone
- Hypotension, perte de sel, tendance à l'hyperkaliémie
- ACTH élevée → mélanodermie
- Insuffisance surrénale haute :
- Sécrétion d'aldostérone préservée
- Hyponatrémie par diminution de la sécrétion d'ADH
- ACTH normale, teint pâle
- Arrêt d'une corticothérapie +++
Diagnostic
Présentation
Atteinte | Insuffisance surrénale primaire | Insuffisance corticotrope |
---|---|---|
Générale | Fatigue, dépression, anorexie, perte de poids, hypotension (orthostatiqueà |
|
Cutanéo-muqueuse | Mélanodermie | Pâleur |
Troubles ioniques | Hyperkaliémie Hyponatrémie par perte de sel |
Kaliémie normale Hyponatrémie de dilution |
Symptômes associés | Pathologie autoimmune (hypothyroïdie, vitiligo...) Tuberculose |
Insuffisance hypophysaire : hypogonadisme, hypothyroïdie centrale, diabète insipide Céphalées, troubles visuels |
- Maladie d'Addison :
- Asthénie physique et psychique augmentant au cours de la journée
- Amaigrissement, anorexie, appétence pour le sel
- Hypotension artérielle ± orthostatique
- Nausées fréquentes, attention à l'ISRA
- Mélanodermie : zones photoexposées, zones de frottement, taches ardoisées de la muqueuse buccale
- Syndrome dépressif
- Femme : aménorrhée, dépilation axillaire et pubienne
- Anémie modérée normochrome normocytaire, leucopénie, éosinophilie
- Insuffisance corticotrope :
- Signes cliniques moins marqués
- Pas de déshydratation
- Syndrome tumoral +++ selon l'étiologie
- Pâleur
Confirmation diagnostique
- Cortisolémie :
- A 8h : ISR si < 3 µg/dL
- Inconstant +++ → tests dynamiques indispensables
- ACTH :
- A 8h
- Pour une insuffisance surrénalienne primaire +++ (élevée)
- Différenciation ISR primaire ou corticotrope
- Aldostérone :
- ISR primaire : normale ou basse en orthostatisme et en position couchée, activité rénine plasmatique augmentée
- ISR corticotrope : normale ou légère abaissée
- Test au Synacthène :
- Analogue de l'ACTH IV ou IM
- Dosage de la cortisolémie à 1h : test positif si > 21 µg/dL
- Réponse insuffisante affirme l'insuffisance surrénale
- Réponse normale élimine une maladie d'Addison mais pas une insuffisance corticotrope → si suspicion forte, test à la métopirone ou hypoglycémie insulinique
Diagnostic étiologique
Maladie d'Addison
- Auto-immune par rétraction corticale :
- Cause la plus fréquente
- Sex ration 3:1 f:h, ATCD familiaux de MAI
- Peut être associée à d'autres atteintes :
- Syndrome de Schmidt : Addison + thyroïdite de Hashimoto
- Polyendocrinopathie auto-immune type I : transmission AR, hypoparathyroïdie, candidose, ISR, hépatite, hypogonadisme, vitiligo, Biermer...
- Polyendocrinopathie auto-immune type II : transmission AD, dysthyroïdie, diabète, ISR, myasthénie, vitiligo, Biermer
- Paraclinique :
- Auto-anticorps anti-21-hydroxylase
- Atrophie des surrénales au scanner
- Signes d'hypothyroïdie ou d'autre MAI associée
- Tuberculose bilatérale des surrénales :
- Dissémination hématogène, en général symptomatique plusieurs années après la tuberculose initiale
- Terrain : sujet transplantés, pays d'endémie, immunodéprimés, ATCD de TB
- Paraclinique :
- Scanner des surrénales → hypertrophie puis atrophie avec calcifications
- RXT et TDM thoracique à la recherche de la localisation première
- Bilan des autres localisations
- Infection par le HIV :
- Stade avancé de la maladie
- Mécanismes :
- Localisation surrénalienne d'une infection opportuniste (CMV, toxoplasmose, BK, ...) ou d'une pathologie maligne (lymphome ++)
- Iatrogène : mitotane, kétoconazole, rifampicine...
- Atteinte hypophysaire : lymphome, CMV...
- Risque de cortisol faussement normal en cas de dénutrition par déficit de protéine porteuse (CBG)
- Causes génétiques chez l'enfant
- Adrénoleucodystrophie :
- Maladie récessive liée à l'X, accumulation d'acides gras très longue chaîne
- Sexe masculin, enfance ou début de l'âge adulte
- Adrénomyéloneuropathie : ISRL + troubles neurologiques d'aggravation progressive
- Hyperplasie congénitale des surrénales :
- Maladie génétique AR, gène de la 21-hydroxylase en général
- Accumulation des précurseurs → ambiguïté sexuelle chez la fille
- Formes complètes : diagnostic néonatal, déshydratation avec perte de sel et troubles digestifs (dépistage ++)
- Formes partielles : révélation tardive, hirsutisme et signes d'androgénie chez la femme
- Autres :
- Iatrogènes : surrénalectomie bilatérale, anticortisolique de synthèse, kétoconazole
- Métastases bilatérales : cancer du poumon +++, éliminer un phéochromocytome avant toute biopsie surrénalienne
- Lymphome bilatéral
- Maladie infiltrative : sarcoïdose, amylose
- Causes vasculaires : nécrose sur état de choc, thrombose des veines surrénaliennes
Insuffisance corticotrope
- Interruption d'une corticothérapie longue durée > 7 mg d'équivalent prédnisone pendant 3 semaines
- Adénome hypophysaire
- Hypophysite auto-immune
- Granulomatose (sarcoïdose ++)
- Traumatisme
- Chirurgie hypophysaire
- Radiothérapie
- Syndrome de Sheehan
Prise en charge
- Sans attendre le résultat des dosages hormonaux
- Traitement substitutif
- Glucocorticoïde : hydrocortisone 20 à 30 mg/j, 2/3 le matin et 1/3 à midi
- Minéralocorticoïde : fludrocortisone, inutile si insuffisance corticotrope
- Traitement étiologique si possible
- Education thérapeutique :
- Régime normosodé
- Pas d'automédication
- Doubler la dose d'hydrocortisone si fièvre ou pathologie intercurrente
- Augmenter la dose en cas de grossesse
- Connaître les signes d'ISRA
- Avoir une ampoule d'hydrocortisone injectable à domicile (100 mg) à injecter en IM si vomissements, malaise ou décompensation surrénalienne
- Traitement à vie sauf si réversible
- Carte de traitement
- Prévenir tout médecin
- Surveillance :
- Clinique +++
- Adaptation des doses sur la sensation de fatigue, le poids, la TA
- Signes de surdosage en hydrocortisone (gonflement/rougeur du visage, prise de poids, HTA) et fludrocortisone (OMI, HTA)
- Pas de dosage de l'ACTH pour le suivi
- Surveillance régulière du ionogramme
Insuffisance surrénale aiguë
- Pathologie grave, aucun retard au traitement
Signes d'appel
- Tableau clinique aigu :
- Déshydratation extra-cellulaire : pli cutané, hypotension... Voire choc
- Confusion, crises convulsives sur hyponatrémie ou hypoglycémie
- Troubles digestifs : anorexie, N/V, douleurs abdominales, diarrhée
- Douleurs diffuses
- Fièvre (suspecter une infection)
- Biologie :
- Hémoconcentration
- Insuffisance rénale fonctionnelle
- Hyponatrémie, hyperkaliémie
- Hypoglycémie
- Natriurèse conservée
- ± Hypercalcémie
Confirmation diagnostique
- Cortisolémie effondrée
- ACTH très élevée si ISR primitive, normale inadaptée ou basse si ISR corticotrope
- A distance : test au Synacthène, aldostérone, ARP
- Ne pas attendre les résultats pour traiter
Etiologie
- La plus fréquente : ISR lente connue ou non, décompensation spontanée ou sur pathologie intercurrente
- ISRA d'emblée :
- Bloc enzymatique complet chez le nouveau-né
- Hémorragie bilatérale des surrénales
- Rechercher la cause de la décompensation : infecitons +++, IDM, chirurgie, anesthésie...
Prise en charge
- Urgence vitale immédiate
A domicile
- Administration de 100 mg d'hydrocortisone IM ou IV
- Transport médicalisé en soins intensifs
A l'hôpital
- En soins intensifs/réanimation
- Réanimation médicale
- Rééquilibration hydroélectrolytique :
- Rétablir un stock hydrosodé pour lutter contre l'hypovolémie → SSI ++
- Initialement, adjonction de glucose pour corriger l'hypoglycémie (G5 + 9 g NaCl)
- Pas de potassium (hyperkaliémie)
- Hormonothérapie substitutive :
- Hydrocortisone IV : 200 mg IVSE/24h
- Décroissance à partir du lendemain jusqu'à 20 mg/j per os
- Pas de minéralocorticoïdes à la phase aiguë (action minéralocorticoïde du cortisol à fortes doses)
- Fludrocortisone dans un second temps
- Rechercher et traiter une facteur déclenchant
- Surveillance : pouls, PA, température, conscience, diurèse, ionogramme, ECG si hyperkaliémie
Traitement préventif
- Education du patient : augmentation des doses si pathologie intercurrente
- Informer le médecin traitant : doses nécessaires, signes d'ISRA, débuter le traitement à domicile
- Hydrocortisone IV si prise orale impossible
- En cas de chirurgie : dose de charge puis d'entretien /6h selon la lourdeur de l'acte
Arrêt d'une corticothérapie
- Freination de l'axe corticosurrénalien en cas de corticothérapie à doses supraphysiologiques
- Arrêt d'une corticothérapie expose :
- Au rebond de la maladie causale
- A l'insuffisance corticotrope
- A un syndrome de sevrage en corticoïdes
Signes cliniques
- Signes d'insuffisance corticotrope : fatigue, douleurs musculaires, troubles digestifs
- Risque de confusion avec des signes de rechute de la maladie causale
- Possibilité de dépendance psychogène à la corticothérapie : fatigue, troubles de l'humeur, etc. mais sans insuffisance corticotrope = syndrome de sevrage
Conduite à tenir
- Tout patient ayant été traité ≥ 3 semaines par une ≥ 20 mg d'équivalent prédnisone ou tout patient ayant présenté un syndrome de Cushing iatrogène est à risque
- Pas d'insuffisance clinique au-dessus de 5-7 mg d'équivalent prédnisone, sauf stress majeur pouvant imposer la supplémentation
- Si < 5 mg prednisone → substitution : hydrocortisone 20 mg le matin, patient considéré comme insuffisant surrénalien
- Après 2-4 semaines de traitement substitutif, évaluation hormonale : test au Synacthène immédiat
- Cortisolémie à 8h ou pic après Synacthène > 21 µg/dL : fonction surrénalienne normale
- Sinon, maintien du traitement substitutif
- Dosage du cortisol à 8h et test au Synacthène tous les 6 mois pour évaluer le récupération (en général avant 12 mois)
- Si signes cliniques d'ISR à l'arrêt de l'hydrocortisone après test au Synacthène positif → test à la métopirone ou hypoglycémie insulinique en milieu spécialisé
- Quelques cas d'insuffisance corticotrope définitive