219 : Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydro-électrolytiques

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Objectifs

  • Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin en fonction d’une situation clinique donnée
  • Savoir diagnostiquer et traiter :
    • Une acidose métabolique
    • Une acidose ventilatoire
    • Une dyskaliémie
    • Une dysnatrémie
    • Une dyscalcémie

Troubles de l'hydratation

  • Eau = 60% du poids corporel, 40% en intracellulaire et 20% extracellulaire (15% interstitiel, 5% vasculaire)
  • Osmolalité normale des différents compartiments : 285 mOsm/kg
  • Mouvements d'eau régis par des gradients :
    • D'osmolalité à travers les membranes cellulaires
    • De pression hydrostatique et oncotique à travers la paroi capillaire

Déshydratation extra-cellulaire

  • Diminution du volume du compartiment extracellulaire secondaire à un bilan sodé négatif
  • Osmolalité et natrémie normales si DHEC pure

Diagnostic

Clinique

  • Diagnostic de DHEC est clinique
  • Perte de poids
  • Pli cutané
  • Hypotension artérielle orthostatique puis de décubitus, tachycardie, baisse de la PVC
  • Choc hypovolémique si pertes > 30%
  • Aplatissement des veines superficielles, sécheresse de la peau et des aisselles
  • Oligurie (avec concentration si réponse rénale adaptée)
  • Soif moins marquée qu'en cas de DHIC

Biologique

  • Aucun marqueur biologique spécifique
  • Témoins d'une hémoconcentration : ↑ protidémie (> 75 g/L), ↑ hématocrite (> 50%)
  • Signes d'insuffisance rénale aiguë fonctionnelle :
    • Elévation de la créatinine, de l'urée et de l'uricémie
    • Natriurèse effondrée < 20 mmol/24h si cause extrarénale
    • Alcalose métabolique de contraction

Etiologie

Causes

Pertes extrarénales
  • Caractérisées par une natriurèse adaptée < 20 mmol/24h
  • Digestives : vomissements prolongés, diarrhée profuse, aspirations digestives non-compensées, fistules, abus de laxatifs
  • Cutanée :
    • Sudation importante : fièvre prolongée, exercice physique intense
    • Exsudation cutanée : brûlure étendue, dermatose bulleuse diffuse
    • Anomalie qualitative de la sueur : mucoviscidose
Pertes rénales
  • Caractérisées par une natriurèse inadaptée
  • Maladie rénale intrinsèque :
    • Néphropathie interstitielle avec perte de sel obligatoire
    • Insuffisance rénale chronique sévère avec régime désodé
    • Syndrome de levée d'obstacle
  • Anomalie fonctionnelle = défaut de réabsorption tubulaire :
    • Polyurie osmotique : diabète sucré décompensé, perfusion de mannitol
    • Hypercalcémie
    • Diurétiques
    • Insuffisance surrénale aiguë
Troisième secteur
  • Péritonite
  • Pancréatite aiguë
  • Occlusion intestinale
  • Rhabdomyolyse traumatique

Diagnostic étiologique

  • Simple en général par le contexte et l'examen clinique
  • Mesure de la natriurèse pour distinguer l'origine rénale ou extrarénale
  • Pertes extrarénales :
    • Oligurie (< 400 mL/24h)
    • Natriurèse effondrée (< 20 mmol/L, Na/K urinaire < 1)
    • Urines concentrées : U/P(urée) > 10, U/P(créatinine) > 30, osmolalité urinaire > 500 mOsm/kg
  • Pertes rénales :
    • Diurèse normale ou augmentée (> 1L/24h)
    • Natriurèse élevée
    • Urines non-concentrées

Traitement

Symptomatique

  • Hypovolémie sévère → remplissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes
  • Apport de NaCl :
    • Par voie orale : augmentation de la ration de sel, gélules
    • Par voie IV : SSI (9 g/L de NaCl), éventuellement bicarbonate de sodium isotonique si acidose associée
  • Vitesse d'administration variable : en général correction de 50% du déficit dans les 6 premières heures ; à adapter à la fonction myocardique et à la surveillance hémodynamique et pulmonaire

$$ Deficit \; extracellulaire \; en \; litres \; = \; 20 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Hematocrite \; actuel \; - \; 45 \% }{ 45 \% } $$

Etiologique

  • Indispensable, associé au traitement symptomatique
  • Arrêt d'un traitement diurétique, instauration de minéralocorticoïdes, insulinothérapie, ralentisseurs du transit, correction d'une hypercalcémie...

Préventif

  • Utilisation prudente des diurétiques (personnes âgées ++)
  • Régime normosodé en cas de néphropathie interstitielle, d'insuffisance surrénale chronique substituée ; en l'absence d'insuffisance cardiaque

Hyperhydratation extracellulaire

  • Œdèmes généralisés +++
  • Bilan sodé positif
  • 2 mécanismes :
    • Diminution de la pression oncotique intracapillaire :
      • Hypoprotidémie sévère soit par défaut de synthèse (insuffisance hépatocellulaire), d'apport (cachexie), soit par fuite (digestive ou rénale)
      • → Passage d'eau et de sodium dans la secteur interstitiel
      • → Hypovolémie efficace → réabsorption rénale de sodium
    • Augmentation de la pression hydrostatique intracapillaire :
      • Hypervolémie et augmentation du secteur interstitiel
      • Insuffisance cardiaque ou rétention de sel d'origine primitivement rénale
  • Association des 2 mécanismes possibles

Diagnostic

  • Essentiellement clinique
  • Œdèmes périphériques généralisés :
    • Œdèmes blancs mous indolores prenant le godet
    • Epanchements des séreuses : péricardique, pleural, ascite
    • Secteur interstitiel pulmonaire : œdème aigu du poumon
  • Surcharge du secteur vasculaire : HTA, OAP
  • Prise de poids
  • Biologiquement, hémodilution inconstante (anémie, hypoprotidémie)
  • Diagnostic étiologique selon le contexte clinique

Etiologie

  • Conséquences rénales :
    • De l'insuffisance cardiaque
    • De la cirrhose ascitique
    • Du syndrome néphrotique
  • Maladies primitives rénales :
    • Glomérulonéphrites aiguës
    • Insuffisance rénale aiguë ou chronique avec excès d'apport en sel
  • Autres causes :
    • Hypoprotidémie (dénutrition, entéropathie exsudative)
    • Vasodilatation périphérique excessive (FAV, maladie de Paget, grossesse, traitement vasodilatateur)

Traitement

  • Symptomatique : induire un bilan sodé négatif
    • Régime désodé (< 2 g/24h)
    • Réduction modérée des apports hydriques
    • Repos au lit pour diminuer l'hyperaldostéronisme
    • Diurétiques d'action rapide :
      • Diurétiques de l'anse, actifs sur la branche ascendante de la anse de Henlé (action en 2 minutes IV, 30 min per os), actifs 4 à 6 heures
      • Diurétiques thiazidiques, actifs sur le tube contourné distal, moins puissants mais de durée d'action plus longue
      • Epargneurs de potassium : amiloride et anti-aldostérones, utilisés en association avec les autres si syndrome œdémateux résistant

Déshydratation intracellulaire

  • Diminution du volume intracellulaire avec mouvement d'eau vers le secteur extracellulaire secondaire à une hyperosmolalité plasmatique
  • Le plus souvent par bilan hydrique négatif
  • Caractérisée par une hypernatrémie
  • Osmolalité plasmatique :

ωpl = (Na+ × 2) + Glycémie (mmol/L)

N = 285 mOsm/L

  • Equilibre de l'eau grâce :
    • A la soif pour la régulation des entrées
    • Au rein pour la régulation des sorties, sous l'influence de l'ADH sécrétée par l'hypothalamus (→ incorporation d'aquaporines à la membrane des cellules du tube collecteur)
    • Sécrétion d'ADH régulée finement par les variations d'osmolalité plasmatique et grossièrement par les variations de volume plasmatique
  • DHIC ne survient que lorsque la soif est inopérante

Diagnostic

  • Signes cliniques d'orientation :
    • Troubles neurologiques aspécifiques corrélés au degré et à la rapidité d'installation de la DHIC : somnolence, asthénie, irritabilité, crise convulsive, coma, hémorragie méningée, TVC
    • Soif
    • Sécheresse des muqueuses (face interne des joues +++)
    • Syndrome polyuro-polydipsique si origine rénale
    • Perte de poids
  • Signes biologiques :
    • Osmolalité plasmatique élevée (> 300 mOsm/kg)
    • Hypernatrémie (> 145 mEq/L)

Etiologie

  • Principal élément d'orientation = natrémie

DHIC avec hypernatrémie

Perte d'eau non-compensée
  • Réponse rénale normale : pas de polyurie, U/P osm > 1
    • Perte cutanée : coup de chaleur, brûlure
    • Perte respiratoire : polypnée, hyperventilation prolongée, hyperthermie
  • Origine rénale :
    • Polyurie hypotonique
    • Polyurie osmotique : diabète, mannitol
    • Diabète insipide :
      • Diabète insipide central :
        • Traumatisme hypophysaire
        • Chirurgie des adénomes hypophysaires
        • Ischémique
        • Néoplasique : pinéalome, métastases, craniopharyngiome
        • Granulome hypophysaire : sarcoïdose, histiocytose
        • Infectieuse : encéphalite, méningite
        • Idiopathique
      • Diabète insipide néphrogénique :
        • Médicamenteux : lithium, déméclocycline, amphotéricine B
        • Insuffisance rénale
        • Néphropathie interstitielle : amylose, syndrome de Gougerot-Sjögren, néphrocalcinose
        • Syndrome de levée d'obstacle, diurétiques
        • Métabolique : hypercalcémie, hypokaliémie
        • Héréditaire : lié à l'X +++, autosomique récessif
  • Origine digestive : diarrhée osmotique infectieuse, diarrhée induite par lactulose
Apport massif de sodium
  • Utilisation de soluté bicarbonaté hypertonique après réanimation d'un arrêt cardio-circulatoire, notamment chez l'enfant
  • Utilisation d'un bain de dyalise trop riche en sodium
Déficit d'apport d'eau
  • Anomalie hypothalamique : hypodypsie primitive
  • Pas d'accès libre à l'eau : nourrissons, vieillards, coma

DHIC sans hypernatrémie

  • Présence d'un soluté osmotiquement actif responsable d'un trou osmotique : différence entre osmolalité mesurée et osmolalité calculée
  • Ex : mannitol, éthylène glycol

Démarche diagnostique

Devant une hypernatrémie

DiagrammeHypernatremie.gif

Devant un syndrome polyuro-polydipsique

  • Epreuves fines en milieu spécialisé :
    • Test de restriction hydrique pendant 12h → Surveillance du poids, de la diurèse, de la natrémie et de l'osmolalité plasmatique et urinaire ; but = stimuler une réponse de l'ADH
    • Injection de ddAVP (Minirin = ADH exogène) si le test de restriction augmente vers un diabète insipide
  • Résultat :
    • Diabète insipide néphrogénique complet → ωu ne se modifie pas
    • Diabète insipide néphrogénique partiel → ωu augmente un peu, mais n'est pas modifiée par la ddAVP
    • Diabète insipide central → ωu n'augmente qu'après injection de ddAVP

Traitement

  • Etiologique (arrêt d'un médicament, traitement d'un diabète sucré), préventif si pas d'accès à l'eau, et symptomatique
  • Hypernatrémie aiguë symptomatique → abaissement de 1 mEq/L/h jusqu'à 145 mEq/L
  • Hypernatrémie chronique → pas plus de 10 mEq/L/jour pour ne pas induire d’œdème cérébral
  • Quantité d'eau à administrer :

$$ Deficit \; en \; eau \; = \; 60 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Natremie \; actuelle \; - \; 140 }{ 140 } $$

  • Mode d'administration :
    • Eau pure par voie orale ou en SNG
    • SG5% ou 2,5% IVL
    • NaCl hypo-osmotique (0,45%)
  • Indications :
    • Déshydratation globale → NaCl 4,5 g/L
    • DHIC pure → eau pure per os
    • DHIC + HHEC → diurétique + eau pure per os ou soluté hypotonique IV

Hyperhydratation intracellulaire

  • Transfert d'eau du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire secondaire à une hypo-osmolalité plasmatique
  • Traduction biologique = hyponatrémie (< 135 mEq/L)

Diagnostic

  • Clinique :
    • Troubles neurologiques aspécifiques, corrélés à la rapidité d'installation : nausées, vomissements, anorexie, céphalées, obnubilation, coma, crises convulsives
    • Prise de poids modérée
    • Dégoût de l'eau
  • Biologiques :
    • Hyponatrémie < 135 mEq/L
    • Osmolalité plasmatique diminuée < 270 mOsm/kg

Etiologie

  • 1ère étape : Eliminer une pseudo-hyponatrémie
    • Hyponatrémie mais osmolalité normale ou élevée
    • Eliminer une hyperprotidémie ou une hyperlipidémie
    • Hyperglycémie majeure ou intoxication au méthanol/à l'éthanol : hyponatrémie secondaire à l'hyperosmolalité plasmatique entraînant un mouvement d'eau vers le secteur extracellulaire mais DHIC
  • 2ème étape : Evaluer le compartiment extra-cellulaire :
    • HHIC + DHEC = déficit en eau et en sel mais compensation avec de l'eau donc excès d'eau → mesurer la natriurèse
      • < 20 mEq/L = pertes extra-rénales : digestives, cutanées, ou 3èmesecteur
      • > 20 mEq/L = pertes rénales : insuffisance surrénalienne ++
    • HHIC pure = excès d'eau pure → mesurer l'osmolalité urinaire
      • ωu < 100 mOsm/kg → potomanie
      • ωu > 100 mOsm/kg → sécrétion inappropriée d'ADH (vide infra)
    • Hyperhydratation globale : insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale avancée

Causes de SIADH

  • Sécrétion hypothalamique :
    • Affections du SNC : infectieuses (méningo-encéphalite, méningite), AVC ischémique ou hémorragique, SEP, PRN, traumatisme crânien
    • Affections pulmonaires : infectieuses (bactériennes ou virales), insuffisance respiratoire aiguë, tuberculose, cancer, asthme, ventilation assistée avec PEP
    • Période post-opératoire
    • Syndrome nauséeux important
    • Médicaments : carbamazépine, psychotropes (ex : halopéridol, phénothiazines, IRS, ATD tricycliques, IMAO, drogues), médicaments émétisants (cyclophosphamide, vincristine, vinblastine)
  • Sécrétion tumorale ectopique : carcinomes bronchiques, cancers prostatiques/gastriques, lymphomes...
  • Endocrinopathies : hypothyroïdie, insuffisance cortico-surrénalienne, adénome à prolactine
  • Potentialisation de l'ADH par des médicaments : sulfamides hypoglycémiants, théophylline, clofibrate
  • Apport exogène : ddAVP, ocytocine

Traitement

  • Symptomatique et étiologique

$$ Exces \; en \; eau \; = \; 60 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Natremie \; actuelle \; - \; 140 }{ 140 } $$

Hyponatrémie asymptomatique

  • Restriction hydrique (500 - 700 cc/j) pour corriger progressivement
  • Quantité de sodium selon l'hydratation extra-cellulaire
  • Possible à compléter par un inhibiteur pharmacologique de l'ADH : Déméclocycline

Hyponatrémie symptomatique

  • Correction prudente car risque de myélinolyse centro-pontine (risque augmenté si contexte d'hypoxie, de malnutrition ou d'éthylisme)
  • Perfusion de sérum salé hypertonique (10%)
  • Ne pas corriger la natrémie de plus de 2 mEq/L/h dans les 4 premières heures et 10 mEq/L dans les 24 premières heures
  • Secondairement, traitement d'une hyponatrémie asymptomatique

Anomalies du potassium

  • Ion principalement intracellulaire
  • N = [3,5 ; 5] mEq/L
  • Transferts régulés par : équilibre acido-basique, insuline, catécholamines, aldostérone

Hyperkaliémie

Diagnostic

  • [K+] > 5 mEq/L
  • Si constitution brutale → engage le pronostic vital → urgence
  • Eliminer une fausse hyperkaliémie :
    • Hémolyse si prélèvement long avec garrot serré
    • centrifugation tardive du tube
    • hyperleucocytose majeure ou thrombocytémie
  • Signes cardiaques :
    • Réalisation systématique d'un ECG en cas de suspicion d'hyperkaliémie
    • Troubles de la repolarisation : ondes T amples, pointues et symétriques
    • Anomalies de la conduction auriculaire : diminution puis disparition de l'onde P, allongement du PR
    • Anomalies de la conduction intraventriculaire : élargissement des QRS
    • A l'extrême : tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire


Moyen mnémotechnique : Signes ECG d'hyperkaliémie

La Tête pointue de mon grand-père élargit le curé

  • Signes neurologiques (aspécifiques) :
    • Paresthésies des extrémités et péri-buccales
    • Faiblesse musculaire
    • A l'extrême, paralysie