219 : Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydro-électrolytiques

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Sommaire

Objectifs

  • Prescrire et interpréter un examen des gaz du sang et un ionogramme sanguin en fonction d’une situation clinique donnée
  • Savoir diagnostiquer et traiter :
    • Une acidose métabolique
    • Une acidose ventilatoire
    • Une dyskaliémie
    • Une dysnatrémie
    • Une dyscalcémie

Remarque : les dyscalcémies sont traitées dans l'item 319.

Troubles de l'hydratation

  • Eau = 60% du poids corporel, 40% en intracellulaire et 20% extracellulaire (15% interstitiel, 5% vasculaire)
  • Osmolalité normale des différents compartiments : 285 mOsm/kg
  • Mouvements d'eau régis par des gradients :
    • D'osmolalité à travers les membranes cellulaires
    • De pression hydrostatique et oncotique à travers la paroi capillaire

Déshydratation extra-cellulaire

  • Diminution du volume du compartiment extracellulaire secondaire à un bilan sodé négatif
  • Osmolalité et natrémie normales si DHEC pure

Diagnostic

Clinique

  • Diagnostic de DHEC est clinique
  • Perte de poids
  • Pli cutané
  • Hypotension artérielle orthostatique puis de décubitus, tachycardie, baisse de la PVC
  • Choc hypovolémique si pertes > 30%
  • Aplatissement des veines superficielles, sécheresse de la peau et des aisselles
  • Oligurie (avec concentration si réponse rénale adaptée)
  • Soif moins marquée qu'en cas de DHIC

Biologique

  • Aucun marqueur biologique spécifique
  • Témoins d'une hémoconcentration : ↑ protidémie (> 75 g/L), ↑ hématocrite (> 50%)
  • Signes d'insuffisance rénale aiguë fonctionnelle :
    • Elévation de la créatinine, de l'urée et de l'uricémie
    • Natriurèse effondrée < 20 mmol/24h si cause extrarénale
    • Alcalose métabolique de contraction

Etiologie

Causes

Pertes extrarénales
  • Caractérisées par une natriurèse adaptée < 20 mmol/24h
  • Digestives : vomissements prolongés, diarrhée profuse, aspirations digestives non-compensées, fistules, abus de laxatifs
  • Cutanée :
    • Sudation importante : fièvre prolongée, exercice physique intense
    • Exsudation cutanée : brûlure étendue, dermatose bulleuse diffuse
    • Anomalie qualitative de la sueur : mucoviscidose
Pertes rénales
  • Caractérisées par une natriurèse inadaptée
  • Maladie rénale intrinsèque :
    • Néphropathie interstitielle avec perte de sel obligatoire
    • Insuffisance rénale chronique sévère avec régime désodé
    • Syndrome de levée d'obstacle
  • Anomalie fonctionnelle = défaut de réabsorption tubulaire :
    • Polyurie osmotique : diabète sucré décompensé, perfusion de mannitol
    • Hypercalcémie
    • Diurétiques
    • Insuffisance surrénale aiguë
Troisième secteur
  • Péritonite
  • Pancréatite aiguë
  • Occlusion intestinale
  • Rhabdomyolyse traumatique

Diagnostic étiologique

  • Simple en général par le contexte et l'examen clinique
  • Mesure de la natriurèse pour distinguer l'origine rénale ou extrarénale
  • Pertes extrarénales :
    • Oligurie (< 400 mL/24h)
    • Natriurèse effondrée (< 20 mmol/L, Na/K urinaire < 1)
    • Urines concentrées : U/P(urée) > 10, U/P(créatinine) > 30, osmolalité urinaire > 500 mOsm/kg
  • Pertes rénales :
    • Diurèse normale ou augmentée (> 1L/24h)
    • Natriurèse élevée
    • Urines non-concentrées

Traitement

Symptomatique

  • Hypovolémie sévère → remplissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes
  • Apport de NaCl :
    • Par voie orale : augmentation de la ration de sel, gélules
    • Par voie IV : SSI (9 g/L de NaCl), éventuellement bicarbonate de sodium isotonique si acidose associée
  • Vitesse d'administration variable : en général correction de 50% du déficit dans les 6 premières heures ; à adapter à la fonction myocardique et à la surveillance hémodynamique et pulmonaire

$$ Deficit \; extracellulaire \; en \; litres \; = \; 20 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Hematocrite \; actuel \; - \; 45 \% }{ 45 \% } $$

Etiologique

  • Indispensable, associé au traitement symptomatique
  • Arrêt d'un traitement diurétique, instauration de minéralocorticoïdes, insulinothérapie, ralentisseurs du transit, correction d'une hypercalcémie...

Préventif

  • Utilisation prudente des diurétiques (personnes âgées ++)
  • Régime normosodé en cas de néphropathie interstitielle, d'insuffisance surrénale chronique substituée ; en l'absence d'insuffisance cardiaque

Hyperhydratation extracellulaire

  • Œdèmes généralisés +++
  • Bilan sodé positif
  • 2 mécanismes :
    • Diminution de la pression oncotique intracapillaire :
      • Hypoprotidémie sévère soit par défaut de synthèse (insuffisance hépatocellulaire), d'apport (cachexie), soit par fuite (digestive ou rénale)
      • → Passage d'eau et de sodium dans la secteur interstitiel
      • → Hypovolémie efficace → réabsorption rénale de sodium
    • Augmentation de la pression hydrostatique intracapillaire :
      • Hypervolémie et augmentation du secteur interstitiel
      • Insuffisance cardiaque ou rétention de sel d'origine primitivement rénale
  • Association des 2 mécanismes possibles

Diagnostic

  • Essentiellement clinique
  • Œdèmes périphériques généralisés :
    • Œdèmes blancs mous indolores prenant le godet
    • Epanchements des séreuses : péricardique, pleural, ascite
    • Secteur interstitiel pulmonaire : œdème aigu du poumon
  • Surcharge du secteur vasculaire : HTA, OAP
  • Prise de poids
  • Biologiquement, hémodilution inconstante (anémie, hypoprotidémie)
  • Diagnostic étiologique selon le contexte clinique

Etiologie

  • Conséquences rénales :
    • De l'insuffisance cardiaque
    • De la cirrhose ascitique
    • Du syndrome néphrotique
  • Maladies primitives rénales :
    • Glomérulonéphrites aiguës
    • Insuffisance rénale aiguë ou chronique avec excès d'apport en sel
  • Autres causes :
    • Hypoprotidémie (dénutrition, entéropathie exsudative)
    • Vasodilatation périphérique excessive (FAV, maladie de Paget, grossesse, traitement vasodilatateur)

Traitement

  • Symptomatique : induire un bilan sodé négatif
    • Régime désodé (< 2 g/24h)
    • Réduction modérée des apports hydriques
    • Repos au lit pour diminuer l'hyperaldostéronisme
    • Diurétiques d'action rapide :
      • Diurétiques de l'anse, actifs sur la branche ascendante de la anse de Henlé (action en 2 minutes IV, 30 min per os), actifs 4 à 6 heures
      • Diurétiques thiazidiques, actifs sur le tube contourné distal, moins puissants mais de durée d'action plus longue
      • Epargneurs de potassium : amiloride et anti-aldostérones, utilisés en association avec les autres si syndrome œdémateux résistant

Déshydratation intracellulaire

  • Diminution du volume intracellulaire avec mouvement d'eau vers le secteur extracellulaire secondaire à une hyperosmolalité plasmatique
  • Le plus souvent par bilan hydrique négatif
  • Caractérisée par une hypernatrémie
  • Osmolalité plasmatique :

ωpl = (Na+ × 2) + Glycémie (mmol/L)

N = 285 mOsm/L

  • Equilibre de l'eau grâce :
    • A la soif pour la régulation des entrées
    • Au rein pour la régulation des sorties, sous l'influence de l'ADH sécrétée par l'hypothalamus (→ incorporation d'aquaporines à la membrane des cellules du tube collecteur)
    • Sécrétion d'ADH régulée finement par les variations d'osmolalité plasmatique et grossièrement par les variations de volume plasmatique
  • DHIC ne survient que lorsque la soif est inopérante

Diagnostic

  • Signes cliniques d'orientation :
    • Troubles neurologiques aspécifiques corrélés au degré et à la rapidité d'installation de la DHIC : somnolence, asthénie, irritabilité, crise convulsive, coma, hémorragie méningée, TVC
    • Soif
    • Sécheresse des muqueuses (face interne des joues +++)
    • Syndrome polyuro-polydipsique si origine rénale
    • Perte de poids
  • Signes biologiques :
    • Osmolalité plasmatique élevée (> 300 mOsm/kg)
    • Hypernatrémie (> 145 mEq/L)

Etiologie

  • Principal élément d'orientation = natrémie

DHIC avec hypernatrémie

Perte d'eau non-compensée
  • Réponse rénale normale : pas de polyurie, U/P osm > 1
    • Perte cutanée : coup de chaleur, brûlure
    • Perte respiratoire : polypnée, hyperventilation prolongée, hyperthermie
  • Origine rénale :
    • Polyurie hypotonique
    • Polyurie osmotique : diabète, mannitol
    • Diabète insipide :
      • Diabète insipide central :
        • Traumatisme hypophysaire
        • Chirurgie des adénomes hypophysaires
        • Ischémique
        • Néoplasique : pinéalome, métastases, craniopharyngiome
        • Granulome hypophysaire : sarcoïdose, histiocytose
        • Infectieuse : encéphalite, méningite
        • Idiopathique
      • Diabète insipide néphrogénique :
        • Médicamenteux : lithium, déméclocycline, amphotéricine B
        • Insuffisance rénale
        • Néphropathie interstitielle : amylose, syndrome de Gougerot-Sjögren, néphrocalcinose
        • Syndrome de levée d'obstacle, diurétiques
        • Métabolique : hypercalcémie, hypokaliémie
        • Héréditaire : lié à l'X +++, autosomique récessif
  • Origine digestive : diarrhée osmotique infectieuse, diarrhée induite par lactulose
Apport massif de sodium
  • Utilisation de soluté bicarbonaté hypertonique après réanimation d'un arrêt cardio-circulatoire, notamment chez l'enfant
  • Utilisation d'un bain de dyalise trop riche en sodium
Déficit d'apport d'eau
  • Anomalie hypothalamique : hypodypsie primitive
  • Pas d'accès libre à l'eau : nourrissons, vieillards, coma

DHIC sans hypernatrémie

  • Présence d'un soluté osmotiquement actif responsable d'un trou osmotique : différence entre osmolalité mesurée et osmolalité calculée
  • Ex : mannitol, éthylène glycol

Démarche diagnostique

Devant une hypernatrémie

DiagrammeHypernatremie.gif

Devant un syndrome polyuro-polydipsique

  • Epreuves fines en milieu spécialisé :
    • Test de restriction hydrique pendant 12h → Surveillance du poids, de la diurèse, de la natrémie et de l'osmolalité plasmatique et urinaire ; but = stimuler une réponse de l'ADH
    • Injection de ddAVP (Minirin = ADH exogène) si le test de restriction oriente vers un diabète insipide
  • Résultat :
    • Diabète insipide néphrogénique complet → ωu ne se modifie pas
    • Diabète insipide néphrogénique partiel → ωu augmente un peu, mais n'est pas modifiée par la ddAVP
    • Diabète insipide central → ωu n'augmente qu'après injection de ddAVP

Traitement

  • Etiologique (arrêt d'un médicament, traitement d'un diabète sucré), préventif si pas d'accès à l'eau, et symptomatique
  • Hypernatrémie aiguë symptomatique → abaissement de 1 mEq/L/h jusqu'à 145 mEq/L
  • Hypernatrémie chronique → pas plus de 10 mEq/L/jour pour ne pas induire d’œdème cérébral
  • Quantité d'eau à administrer :

$$ Deficit \; en \; eau \; = \; 60 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Natremie \; actuelle \; - \; 140 }{ 140 } $$

  • Mode d'administration :
    • Eau pure par voie orale ou en SNG
    • SG5% ou 2,5% IVL
    • NaCl hypo-osmotique (0,45%)
  • Indications :
    • Déshydratation globale → NaCl 4,5 g/L
    • DHIC pure → eau pure per os
    • DHIC + HHEC → diurétique + eau pure per os ou soluté hypotonique IV

Hyperhydratation intracellulaire

  • Transfert d'eau du secteur extracellulaire vers le secteur intracellulaire secondaire à une hypo-osmolalité plasmatique
  • Traduction biologique = hyponatrémie (< 135 mEq/L)

Diagnostic

  • Clinique :
    • Troubles neurologiques aspécifiques, corrélés à la rapidité d'installation : nausées, vomissements, anorexie, céphalées, obnubilation, coma, crises convulsives
    • Prise de poids modérée
    • Dégoût de l'eau
  • Biologiques :
    • Hyponatrémie < 135 mEq/L
    • Osmolalité plasmatique diminuée < 270 mOsm/kg

Etiologie

  • 1ère étape : Eliminer une pseudo-hyponatrémie
    • Hyponatrémie mais osmolalité normale ou élevée
    • Eliminer une hyperprotidémie ou une hyperlipidémie
    • Hyperglycémie majeure ou intoxication au méthanol/à l'éthanol : hyponatrémie secondaire à l'hyperosmolalité plasmatique entraînant un mouvement d'eau vers le secteur extracellulaire mais DHIC
  • 2ème étape : Evaluer le compartiment extra-cellulaire :
    • HHIC + DHEC = déficit en eau et en sel mais compensation avec de l'eau donc excès d'eau → mesurer la natriurèse
      • < 20 mEq/L = pertes extra-rénales : digestives, cutanées, ou 3èmesecteur
      • > 20 mEq/L = pertes rénales : insuffisance surrénalienne ++
    • HHIC pure = excès d'eau pure → mesurer l'osmolalité urinaire
      • ωu < 100 mOsm/kg → potomanie
      • ωu > 100 mOsm/kg → sécrétion inappropriée d'ADH (vide infra)
    • Hyperhydratation globale : insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale avancée

Causes de SIADH

  • Sécrétion hypothalamique :
    • Affections du SNC : infectieuses (méningo-encéphalite, méningite), AVC ischémique ou hémorragique, SEP, PRN, traumatisme crânien
    • Affections pulmonaires : infectieuses (bactériennes ou virales), insuffisance respiratoire aiguë, tuberculose, cancer, asthme, ventilation assistée avec PEP
    • Période post-opératoire
    • Syndrome nauséeux important
    • Médicaments : carbamazépine, psychotropes (ex : halopéridol, phénothiazines, IRS, ATD tricycliques, IMAO, drogues), médicaments émétisants (cyclophosphamide, vincristine, vinblastine)
  • Sécrétion tumorale ectopique : carcinomes bronchiques, cancers prostatiques/gastriques, lymphomes...
  • Endocrinopathies : hypothyroïdie, insuffisance cortico-surrénalienne, adénome à prolactine
  • Potentialisation de l'ADH par des médicaments : sulfamides hypoglycémiants, théophylline, clofibrate
  • Apport exogène : ddAVP, ocytocine

Traitement

  • Symptomatique et étiologique

$$ Exces \; en \; eau \; = \; 60 \% \; × \; Poids \; actuel \; × \; \frac{ Natremie \; actuelle \; - \; 140 }{ 140 } $$

Hyponatrémie asymptomatique

  • Restriction hydrique (500 - 700 cc/j) pour corriger progressivement
  • Quantité de sodium selon l'hydratation extra-cellulaire
  • Possible à compléter par un inhibiteur pharmacologique de l'ADH : Déméclocycline

Hyponatrémie symptomatique

  • Correction prudente car risque de myélinolyse centro-pontine (risque augmenté si contexte d'hypoxie, de malnutrition ou d'éthylisme)
  • Perfusion de sérum salé hypertonique (10%)
  • Ne pas corriger la natrémie de plus de 2 mEq/L/h dans les 4 premières heures et 10 mEq/L dans les 24 premières heures
  • Secondairement, traitement d'une hyponatrémie asymptomatique

Anomalies du potassium

  • Ion principalement intracellulaire
  • N = [3,5 ; 5] mEq/L
  • Transferts régulés par : équilibre acido-basique, insuline, catécholamines, aldostérone

Hyperkaliémie

Diagnostic

  • [K+] > 5 mEq/L
  • Si constitution brutale → engage le pronostic vital → urgence
  • Eliminer une fausse hyperkaliémie :
    • Hémolyse si prélèvement long avec garrot serré
    • Centrifugation tardive du tube
    • Hyperleucocytose majeure ou thrombocytémie
  • Signes cardiaques :
    • Réalisation systématique d'un ECG en cas de suspicion d'hyperkaliémie
    • Troubles de la repolarisation : ondes T amples, pointues et symétriques
    • Anomalies de la conduction auriculaire : diminution puis disparition de l'onde P, allongement du PR
    • Anomalies de la conduction intraventriculaire : élargissement des QRS
    • A l'extrême : tachycardie ventriculaire, fibrillation ventriculaire


Moyen mnémotechnique : Signes ECG d'hyperkaliémie

La Tête pointue de mon grand-père élargit le curé

  • Signes neurologiques (aspécifiques) :
    • Paresthésies des extrémités et péri-buccales
    • Faiblesse musculaire
    • A l'extrême, paralysie

Etiologie

Excès d'apport

  • Rare sauf en cas d'insuffisance rénale
  • Risque augmenté en cas d'administration rapide, et chez l'enfant

Transfert

  • Du compartiment intracellulaire au compartiment extracellulaire
  • Acidose métabolique : élévation de la kaliémie de 0,5 mEq/L par diminution de 0,1 du pH artériel
  • Catabolisme cellulaire accru : rhabdomyolyse, écrasement musculaire, brûlure étendue, hémolyse massive, lyse tumorale (spontanée/chimiothérapie), syndrome de revascularisation post-opératoire, hémorragie digestive sévère, hypothermie
  • Exercice physique intense
  • Causes médicamenteuses et toxiques :
    • β-bloquants non-sélectifs : facteur favorisant mais pas cause (en cas d'insuffisance rénale ++)
    • Intoxication aux digitaliques
    • Agonistes α-adrénergiques
    • Succinylcholine (anesthésie)
    • Monohydrochloride d'arginine
    • Intoxication aux fluorures ou aux ions cyanures

Réduction de l'excrétion rénale

  • Insuffisance rénale :
    • Aiguë → hyperkaliémie rapide mettant en jeu le pronostic vital, surtout si anurie
    • Chronique → en général homéostasie tenue jusqu'à un stade avancé → si n'est pas à un stade pré-terminale, rechercher une autre cause
  • Déficit minéralocorticoïde :
    • Insuffisance surrénalienne (Addison, déficits enzymatiques)
    • Syndrome hyporéninisme-hypoaldostéronisme : hyperkaliémie + acidose métabolique hyperchlorémique. Néphropathie diabétique, néphropathies interstitielles, HIV...
    • Causes iatrogènes (les plus fréquentes) : AINS, ciclosporine, tacrolimus, héparines, IEC et ARAII surtout si hypovolémie efficace (insuffisance cardiaque, DHEC)
    • Résistance à l'aldostérone : médicaments +++ (diurétiques épargneurs de potassium +++, anti-aldostérones +++, triméthoprime, pentamidine)

Traitement

  • Dépend de la vitesse d'installation, du niveau de l'hyperkaliémie, du retentissement ECG, de l'état clinique
  • > 7 mEq/L ou troubles de la conduction intraventriculaire = hyperkaliémie menaçantetraitement en extrême urgence

Moyens

  • Antagonistes membranaires directs :
    • Gluconate de calcium à 10%, 10 mL IV sur 3 minutes, renouvelée à 5 minutes si inefficace
    • But = améliorer les anomalies de conduction cardiaque (actif en 3 minutes)
    • Contre-indiqués si traitement par digitaliques
  • Transfert vers le compartiment intracellulaire :
    • Insuline + sérum glucosé, diminue la kaliémie de 0,5 à 1 mEq/L/h
    • Agonistes β-adrénergiques : salbutamol +++, effet additif avec l'insuline, à éviter chez le coronarien
    • Alcalinisation plasmatique : chez les sujets en acidose métabolique seulement, par bicarbonate isotonique IV (1,4%), action en 30 minutes mais risque de surcharge hydro-sodée et de toxicité veineuse
  • Elimination de la surcharge potassique :
    • Diurétiques de l'anse : action en 1 à 4 heures, nécessite un DFG suffisant
    • Résines échangeuses d'ions : Kayexalate
      • Per os = action lente, agit en quelques heures
      • En lavement, agit en 1h
      • ↓ 0,5 à 1 mEq/L/h de la kaliémie
    • Epuration extra-rénale par hémodialyse : le plus rapide et le plus efficace, impérative si insuffisance rénale anurique ou hyperkaliémie menaçante à l'ECG

Principes

  • Arrêter tout médicament hyperkaliémiant
  • Hyperkaliémie menaçante :
    • Urgence absolue
    • Gluconate de Ca IV hors intoxication aux digitaliques
    • SG10% + insuline IV ± salbutamol
    • Soluté bicarbonaté si acidose métabolique associée
    • Si OAP → furosémide fortes doses + Kayexalate en lavement en attente d'une EER ; soluté bicarbonaté contre-indiqué
  • Hyperkaliémie modérée sans retentissement :
    • Diminution des apports potassiques
    • Résines échangeuses d'ions per os
    • Apports de bicarbonate si acidose
  • Intoxication par digitaliques → antidote = anticorps spécifiques (Digidote)
  • Hyperkaliémie avec hypoaldostéronisme (insuffisance surrénalienne) → fludrocortisone

Hypokaliémie

Diagnostic

  • [K+] < 3,5 mEq/L
  • Fausses hypokaliémies : malades leucémiques très hyperleucocytaires
  • Signes cardiaques :
    • Allongement du PR
    • Aplatissement puis inversion des ondes T
    • Augmentation de l'onde U physiologique
    • Sous-décalage du ST
    • A l'extrême : élargissement des QRS puis TdRSV ou TdRV avec risque de torsades de pointe et FV


Moyen mnémotechnique : Signes ECG d'hypokaliémie

T'aplatis Hugh Grant sous cette tornade :
T aplaties/U/sous-décalage ST/torsade de pointes

  • Signes musculaires : crampes, myalgies, faiblesse musculaire, paralysie ; parfois rhabdomyolyse
  • Signes digestifs : constipation, iléus paralytique, retard à la reprise du transit post-opératoire
  • Signes rénaux : hypokaliémie sévère prolongée peut entraîner une néphropathie hypokaliémique : résistance tubulaire à l'ADH (syndrome polyuro-polydipsique), alcalose métabolique, néphropathie interstitielle chronique

Etiologie

Carence d'apports

  • Exceptionnellement responsable mais peut faciliter
  • Anorexie mentale → rechercher vomissements, prise de laxatifs ou de diurétiques
  • Nutrition artificielle exclusive sans apport de potassium maintenu

Transfert excessif

  • De l'EC vers l'IC
  • Alcalose métabolique ou respiratoire : -0,5 mEq/L par élévation de 0,1 du pH
  • Hyperinsulinisme aigu : administration d'insuline en cas d'acido-cétose ou hyperinsulinisme réactionnel après perfusion de sérum glucosé
  • Agonistes β-adrénergiques :
    • Endogènes : phéochromocytome, stress aigu intense
    • Exogènes : salbutamol, dobutamine, intoxication à la théophylline
  • Forte stimulation de l'hématopoïèse : administration d'acide folique/vitamine B12, anémie mégaloblastique, leucémie d'évolution rapide, traitement par G-CSF
  • Paralysie périodique familiale : affection autosomique dominante, apparition brutale de paralysie des membres inférieurs, favorisée par les repas riches en glucose et l'exercice physique. Diagnostic différentiel = thyrotoxicose

Augmentation des pertes

  • Orientation selon la kaliurèse
Pertes extra-rénales
  • Kaliurèse < 20 mEq/L
  • Causes digestives :
    • Diarrhée aiguë : associée à une acidose métabolique par perte digestive de bicarbonates
    • Diarrhée chronique : VIPomes, tumeurs villeuses, maladie des laxatifs
Pertes rénales
  • Kaliurèse > 20 mEq/L

Arbre diagnostique

Traitement

  • Etiologique +++
  • Apprécier le retentissement → ECG

Hypokaliémie modérée asymptomatique

  • Supplémentation potassique orale :
    • Aliments riches en potassium : fruits frais et secs, légumes, viandes, chocolat
    • Prise de sels de potassium, en sirop ou en capsule (Kaleorid, Diffu-K)

Hypokaliémie sévère

  • Avec troubles cardiaques
  • KCl IV :
    • Débit ne doit pas dépasser 1,5 g/h
    • Rétablir rapidement une kaliémie > 3 mEq/L
    • Surveillance de la kaliémie, de l'ECG et de la veine perfusée (veinotoxicité)

Troubles de l'équilibre acido-basique

  • Normes gaz du sang artériel :
    • pH = 7,38 - 7,42
    • P(CO2) = 36 - 44 mmHg
    • HCO3- = 22 - 26 mEq/L

$$pH \; = \; pK_a \; + \; \log_{10} \left ( \frac{HCO_3^-}{0,03 \times pCO_2} \right )$$

Acidoses métaboliques

  • pH ↓ et HCO3- ↓ avec diminution compensatoire de la P(CO2)

Démarche diagnostique

  • Evoquée devant un contexte évocateur : insuffisance rénale, diarrhée sévère...
  • Ou des anomalies biologiques (vide supra)
  • Manifestations cliniques :
    • Acidose aiguë sévère → hyperventilation, détresse respiratoire, bas débit cardiaque, coma
    • Acidose chronique → lithiase et néphrocalcinose, amyotrophie, retard de croissance, ostéomalacie, fractures pathologiques
  1. Rechercher un désordre complexe par calcul de la réponse attendue : $$\Delta pCO_2 \; (mmHg) = \Delta [HCO_3^-] \times 1,2$$
  2. Déterminer le trou anionique : $$ TA = [Na^+] \; - \; [Cl^- + HCO_3^-] = 12 \pm 4 \; mmol/L $$

Acidose métabolique à trou anionique normal

  • = Acidose hyperchlorémique
  • Perte de bicarbonates dont l'origine est calculée par le trou anionique urinaire
  • Excrétion rénale d'acide diminuée : TAU > 0 → acidoses tubulaires distales (hypoaldostéronisme +++)
  • Pertes de bicarbonates : TAU < 0 → digestive (diarrhée) ou rénale (acidose tubulaire proximale)

Acidose métabolique à trou anionique augmenté

  • = due à la présence d'anions indosés
  • Causes :
    • Acido-cétose : diabétique/alcool/jeûne prolongé
    • Insuffisance rénale (défaut d'élimination d'acides : sulfates, phosphates)
    • Intoxication aux salicyles (aspirine)
    • Intoxication au méthanol
    • Intoxication à l'éthylène glycol (antigel)
    • Acidose lactique : hypoxie tissulaire (choc), biguanides, insuffisance hépatocellulaire


Moyen mnémotechnique : Causes d'acidose métabolique avec TA augmenté

KUSMAL : Ketosis, Urea, Salicylates, Methanol, Antigel, Lactate

Traitement

  • Acidose métabolique aiguë :
    • Urgence vitale si pH < 7,10 ou [HCO3-] < 8 mEq/L (risque de troubles du rythme et de coma)
    • Traitement étiologique +++
    • Elimination du CO2 : correction d'un bas débit, ventilation artificielle
    • Alcalinisation :
      • Discutée dans les acidoses lactiques, les acidocétoses (insuline + réhydratation)
      • Indispensable dans les acidoses hyperchlorémiques ou certaines intoxications → bicarbonate de sodium IV pour remonter rapidement au-dessus de 7,20 ou 10 mEq/L
      • Epuration extra-rénale si insuffisance rénale organique associée
  • Acidose chronique d'origine rénale :
    • But = prévenir la fonte musculaire, la lithiase rénale, la néphrocalcinose, la déminéralisation osseuse
    • Acidose tubulaire proximale (syndrome de Fanconi +++) → bicarbonate de potassium (car hypokaliémie aggravée par l'apport de sels alcalins)
    • Acidose tubulaire distale de type 1 (kaliémie basse) → bicarbonate de sodium (hypokaliémie corrigée par l'apport alcalin)
    • Acidose tubulaire distale de type 4 (hypoaldostéronisme, hyperkaliémie) → résines échangeuses d'ions (Kayexalate), furosémide, fludrocortisone si insuffisance surrénale
    • Insuffisance rénale → apport de bicarbonate de sodium pour [HCO3-] > 25 mEq/L

Alcaloses métaboliques

  • pH ↑ et HCO3- ↑ avec augmentation compensatoire de la P(CO2)

Diagnostic

  • Contexte évocateur : prise de diurétique, abus de laxatif, vomissements
  • Anomalies biochimiques : ↑ [HCO3-], hypokaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie, hypophosphatémie
  • Manifestations cliniques rares aspécifiques : crise de tétanie, faiblesse musculaire, hypoventilation, arythmie, crise comitiale, coma
  • Rechercher un trouble complexe → calcul de la réponse attendue : $$ \Delta pCO_2 = 0,75 \times \Delta [HCO_3^-] $$

Etiologie

Arbre diagnostique

Alcalose par contraction volémique

  • D'origine extra-rénale :
    • Pertes digestives hautes : vomissements, aspiration par SNG
    • Adénome villeux du rectum, achlorhydrie congénitale
  • Perte en sel rénales :
    • Diurétiques
    • Tubulopathies congénitales : Bartter, Gitelman
    • Hypomagnésémie, hypocalcémie
    • Elimination urinaire d'anions non-réabsorbables

Alcalose avec expansion volémique

  • HTA et excès de minéralocorticoïdes
  • Hyperaldostéronisme primaire : HTA, aldostérone élevée, rénine basse
    • Adénome de Conn
    • Hyperplasie bilatérale des surrénales
    • Cancer des surrénales
  • Aldostérone et rénine basses :
    • Glycyrrhizine +++ (réglisse)
    • Déficit en 17α- ou 11β-hydroxylase/tumeur sécrétant un précurseur
    • Syndrome de Liddle (augmentation du TCD à l'aldostérone)
  • Hyperaldostéronisme secondaire : HTA, aldostérone et rénine augmentées
    • HTA rénovasculaire (sténose d'artère(s) rénale(s))
    • HTA maligne

Alcalose post-hypercapnique

  • Hypercapnie chronique avec mise en route d'une ventilation assistée → pCO2 s'abaisse plus rapidement que le rein ne s'adapte

Excès d'apports alcalins

  • En cas d'administration rapide et massive de sels alcalins
  • Risque augmenté en cas d'insuffisance rénale

Traitement

  • Il est étiologique
    • Correction d'une contraction volémique = expansion volémique par SSI
    • Correction d'une carence en Mg++ ou en K+
    • Suppression d'une source de minéralocorticoïdes (surrénalectomie/traitement d'un Cushing) ou traitement symptomatique = spironolactone/amiloride
    • Arrêt d'un diurétique ou d'une aspiration naso-gastrique
  • pH > 7,60 engage le pronostic vital