159 : Tumeurs du sein : Différence entre versions
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Version actuelle en date du 6 septembre 2013 à 10:07
Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer une tumeur du sein
- Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Cancer du sein
Epidémiologie
- Le plus fréquent des cancers de la femme : 53000 nouveaux cas/an, 11500 décès/an
- 1 Française sur 9 concernée
Facteurs de risque
- Hormonaux :
- Cancer hormonodépendant → rôle de l'hyperestrogénie
- Puberté précoce, 1ère grossesse tardive
- Nulliparité, absence d'allaitement
- Ménopause tardive (> 52 ans)
- THS prolongé (> 5 ans)
- Obésité
- Contraception estroprogrestative : très faible augmentation du risque
- Familiaux :
- ATCD familiaux de cancer du sein
- Facteurs génétiques :
- BRCA 1 et 2
- Recherche de mutation justifiée si : ≥ 3 cancers du sein ou de l'ovaire chez des personnes apparentées entre elles au 1er (2ème par un homme) degré ; ou 2 cas de cancer chez des apparentés au premier degré avec 1 avant 40 ans ou 2 avant 50 ans, ou cancer de l'ovaire
- Voire un seul cancer si sein < 35 ans, ovaire < 70 ans, homme, bilatéral d'emblée, sein + pancréas
- Histologiques :
- Hyperplasies canalaires atypiques : prolifération anormale non-cancéreuse
- Néoplasie intralobulaire type 1 et 2
- Environnementaux :
- Niveau socio-économique élevé
- Augmentation de 2%/an dans les pays développés
Histoire naturelle
Anatomopathologie
- Carcinome intracanalaire (ou in situ) :
- Prolifération épithéliale maligne dans les canaux galactophoriques sans franchissement de la membrane basale → pas de risque métastatique
- En général, diagnostic radiologique sur des microcalcifications
- Atteinte multifocale possible
- Adénocarcinome canalaire infiltrant :
- Type anatomique le plus fréquent
- Prolifération maligne d'origine épithéliale franchissant la membrane basale pour envahir le tissu conjonctif
- Risque métastatique
- Adénocarcinome lobulaire infiltrant :
- Plus rare, cancers souvent bilatéraux ou multicentriques
- Formes rares : carcinome mucineux, carcinome médullaire, sarcome, lymphome malin...
Histoire naturelle d'un adénocarcinome canalaire
- Adénocarcinome = maladie diffuse de l'épithélium glandulaire
- Hyperplasie atypique → carcinome in situ → tumeur invasive
- Extension ganglionnaire axillaire puis vers le creux sus-claviculaire
- Sites métastatiques fréquents : ganglions axillaire, os, poumons, foie
Diagnostic
Dépistage[1]
- Dépistage organisé, de masse
- Recommandé de 50 à 74 ans
- Mammographie tous les 2 ans + examen clinique
- 2 incidences : oblique externe et crânio-caudale
- Lecture par 2 radiologues différents
- Résultats classés selon la classification ACR :
- ACR 0 : examen à refaire
- ACR 1 et 2 : examen normal ou montrant des lésions bénignes et/ou connues → poursuite du dépistage tous les 2 ans
- ACR 3 : anomalie probablement bénigne pour laquelle une surveillance à court terme est recommandée → examen clinique + contrôle radiologique avec échographie mammaire à 6 mois
- ACR 4 et 5 : anomalie suspecte ou évocatrice de malignité → nécessité d'une vérification histologique
Circonstances de découverte
- Dans le cadre du dépistage : autopalpation, examen clinique mammaire annuel ou mammographie
- Tuméfaction découverte par la patiente ou à l'examen clinique
- Anomalie mamelonnaire : rétraction, écoulement séro-sanglant, lésion inflammatoire (Paget)
- Sein inflammatoire
- Adénopathie ou métastase prévalente faisant rechercher un primitif (fracture +++)
Clinique
- Interrogatoire :
- Recherche des facteurs de risque
- ATCD familiaux, gynécologiques, obstétricaux
- Examen physique :
- Bilatéral et comparatif avec réalisation d'un schéma daté
- Patiente assise puis couchée
- Taille, siège, mobilité
- Palpation des aires ganglionnaires
- Recherche d'une irrégularité à l'inspection (ride, méplat, capiton, rétraction mamelonnaire)
- Palpation d'un nodule dur, irrégulier, indolore, recherche d'adhérence cutanée ou au muscle grand pectoral (manœuvre de Tillaux)
- Examen gynécologique complet
- Recherche de métastases
Paraclinique
- Mammographie bilatérale :
- Au moins 3 incidences
- Opacité dense, hétérogène, à contours irréguliers, spiculée, rétractile
- Ou microcalcifications punctiformes groupées en foyer
- Echographie mammaire (femmes jeunes +++) : nodule mal circonscrit, hypoéchogène, sans renforcement postérieur
- Autres examens non-systématiques :
- IRM mammaire : en cas de discordance radioclinique ou de choix thérapeutiques difficiles, parfois chez les femmes jeune
- Galactographie : en cas d'écoulement mammaire unipore
- Pas de marqueurs tumoraux au diagnostic
Preuve histologique
- Par biopsie transcutanée avec analyse anatomopathologique
- Mibrobiopsies pour les tumeurs palpables et repérables en échographie, sous guidage échographique
- Macrobiopsies au mammotome pour les lésions non-palpables (microcalcifications +++), sous guidage radiologique
Bilan d'extension
- Clinique : palpation osseuse, palpation hépatique, examen neurologique
- Bilan réservé aux patientes ayant un point d'appel clinique ou une tumeur T3 ou T4 :
- Bilan hépatique
- TDM TAP
- Scintigraphie osseuse au 99m Tc
- Marqueur tumoral = CA 15.3 pour le suivi
Classification
- cTNM
- T :
- T1 : ≤ 2 cm dans sa plus grande dimension
- T2 : entre 2 et 5 cm
- T3 : > 5 cm
- T4 : extension à la paroi thoracique (a) ou à la peau (b), aux deux (c) ou tumeur inflammatoire (d)
- N :
- N1 : axillaires ipsilatéraux suspects mobiles
- N2 : axillaires ipsilatéraux suspects fixés
- M1 : Métastase, adénopathie sus-claviculaire incluse
- T :
- pTNM :
- T identique
- N :
- Technique du ganglion sentinelle : pour diminuer la morbidité liée au curage axillaire et permettre une ultrastadification ganglionnaire
- N1 : métastases ganglionnaires dans 1 à 3 ganglions axillaires
- N2 : 4 à 9 ganglions
- N3 : au moins 10 ganglions ou atteinte sus-claviculaire
Formes cliniques
- Cancers canalaires in situ :
- Prolifération néoplasique intra-galactophorique isolée ou associée à un cancer infiltrant
- Souvent révélé par des microcalcifications
- Traitement : exérèse chirurgicale avec marges saines : soit conservateur + radiothérapie, soit radicale si lésions étendues
- Maladie de Paget du mamelon :
- Invasion néoplasique par les canaux galactophoriques du mamelon
- Lésion eczématiforme du mamelon, avec lésions sous-jacentes fréquentes
- Diagnostic par biopsie
- Cancer inflammatoire du sein :
- Mastite carcinomateuse
- Sein érythémateux, œdémateux, peau d'orange
- Croissance très rapide → risque de métastase précoce
- Mauvais pronostic
- Diagnostic par biopsie chirurgicale emportant un fragment cutané, recherche d'emboles lymphatiques dans le derme
- Traitement : chimiothérapie néoadjuvante, mastectomie et curage axillaire, radiothérapie ± hormonothérapie
- Métastases prévalentes
- Cancer du sein chez l'homme : < 1% de tous les cancers du sein, rechercher une mutation génétique et examiner la prostate +++
Prise en charge
Techniques
Chirurgie
- Traitement local mammaire : exérèse tumorale complète passant en tissu sain :
- Traitement conservateur :
- Tumorectomie pour les tumeurs unifocales, fonction du rapport volume tumoral/volume mammaire
- Importance du repérage préopératoire, notamment pour les tumeurs infracliniques, avec mise en place de clips de repérage
- Possibilité de chimiothérapie néo-adjuvante pour réduire le volume tumoral et permettre un traitement conservateur
- Traitement radical :
- Mastectomie pour les tumeurs volumineuses ou multifocales
- Reconstruction mammaire à distance
- Traitement conservateur :
- Traitement régional ganglionnaire :
- Systématique en cas de cancer infiltrant, dans le même temps opératoire que l'ablation de la tumeur
- Ganglion sentinelle axillaire = gold-standard pour les tumeurs unifocales < 3 cm (lymphadénectomie sélective des premiers relais lymphatiques, par injection préalable d'un marqueur radioactif ou colorimétrique)
- Sinon, curage ganglionnaire axillaire ipsilatéral
- Complications :
- Per-opératoires : plaie de la veine axillaire, du pédicule vasculo-nerveux grand dorsal ou du nerf du grand dentelé
- Post-opératoires précoces : hématome, lymphœcèle, troubles neurologiques sensitifs ou moteurs, algodystrophie
- Post-opératoires tardives : cicatrice douloureuse, enraidissement de l'épaule, lymphœdème
- Prise en charge du lymphœdème : manche de compression, kinésithérapie de drainage lymphatique, prévention des lymphangites (antisepsie précoce des plaies, pas de ponction veineuse sur ce bras)
- Mesures hygiéno-diététiques : ne pas dormir sur ce bras, prise de tension à l'autre bras, limiter les efforts sur ce bras, éviter le soleil et la chaleur, éviter le tabac et l'alcool
Radiothérapie externe
- Post-opératoire
- But = éviter les récidives locorégionales
- Si traitement conservateur → irradiation du sein restant + complément sur le lit tumoral
- Si traitement radical → irradiation de la paroi thoracique sous-jacente
- Jamais d'irradiation du creux axillaire après curage ganglionnaire
- Complications :
- Mineures : œdème cutané, sclérose cutanée, télangiectasies, douleurs thoraciques, fractures costales
- Majeures : sclérose du pectoral, plexite post-radique, fracture de la clavicule, pneumonie radique, cardiopathies ischémliques, cancer radio-induit
Chimiothérapie adjuvante
- Indiquée en cas de haut risque de métastase occulte :
- Envahissement ganglionnaire
- Facteurs de risque de métastase : pT ≥ 2, grade SBR III (vide infra), phénotype triplonégalif (pas de récepteurs hormonaux ni à HER2), âge < 35 ans, SBR II proliférant
- Thérapie ciblée : Trastuzumab (Herceptin) :
- Anticorps monoclonal anti-HER2
- Indications :
- Surexpression de HER2, après la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie
- Ou cancer métastatique avec surexpression de HER2
Hormonothérapie
- Indiquée systématiquement en cas de tumeur hormonosensible : expression des récepteurs à l’œstrogène ou à la progestérone ; pendant 5 ans
- Classes :
- Anti-œstrogènes : Tamoxifène
- Chez la femme non-ménopausée
- Bloquent les récepteurs aux œstrogènes
- Contre-indications : ATCD de cancer de l'endomètre, ACTD de MTEV
- Effets secondaires : cancer de l'endomètre (→/!\ Biopsie devant toute métrorragie), complications thrombo-emboliques, bouffées de chaleur, prise de poids
- Anti-aromatases : Anastrazole (Arimidex)
- Chez la femme ménopausée
- Effets secondaires : arthralgies, myalgies, risque d'aggravation d'une ostéoporose préexistante
- Agonistes de la LHRH
- Progestatif
- Anti-œstrogènes : Tamoxifène
Indications
- T1 : Chirurgie + radiothérapie ± hormonothérapie selon récepteurs ± chimiothérapie si haut risque ± Herceptin si HER2+
- T4 : Chimiothérapie néoadjuvante puis chirurgie ± radiothérapie et souvent chimiothérapie post-opératoire
Mesures associées
- Plan cancer
- Prothèse mammaire externe en silicone en l'absence de reconstruction
- Prothèse capillaire si chimiothérapie
- Kinésithérapie en cas de curage axillaire
- ALD 100%
- Contre-indication absolue à tout traitement estroprogestatif : arrêter une éventuelle POP ou un THS
- Surveillance à vie
Facteurs pronostiques
- But = évaluer le risque de métastases occultes pour adapter le traitement (chimiothérapie)
Facteurs de risque métastatique
- Statut ganglionnaire : envahissement ganglionnaire axillaire et rupture capsulaire
- Taille de la tumeur
- Tumeur inflammatoire (T4d)
- Grade histopronostique de Scarff, Bloom et Richardson (SBR) : risque +++ si grade III
- 3 caractères cotés de 1 à 3 :
- Degré de différenciation
- Pléïomorphisme des noyaux
- Nombre de mitoses
- 3 caractères cotés de 1 à 3 :
- Présence d'emboles vasculaires péritumoraux
- Absence de récepteurs hormonaux (synonyme de tumeur indifférenciée)
- Surexpression de HER2
- Age < 35 ans
- Grossesse
Facteurs de risque de récidive locale
- Limites d'exérèse chirurgicale non-saines
- Marges insuffisantes
Lésions bénignes du sein
- Nécessitent un examen clinique rigoureux pour ne pas méconnaître une lésion maligne associée
- Examen bilatéral et comparatif
- Palpation des aires ganglionnaires
- Au moindre doute → Mammographie ± échographie mammaire
Lésions bénignes solides
- Fibroadénome :
- Prolifération mixte épithéliale et conjonctive
- Tumeur solide la plus fréquente
- Femme jeune (20-30 ans), nodule mammaire bien limité, mobile, de consistance élastique
- Mammographie : opacité homogène bien limitée
- Echographie : lacune hypoéchogène homogène bien limitée sans cône postérieur
- Conduite à tenir :
- Confirmation diagnostique : histologique → cytoponction ou microbiopsie
- Exérèse chirurgicale si doute ou gêne esthétique
- Evolution :
- Augmentation de volume lors des événements hormonaux (grossesse +++)
- Involution spontanée à la ménopause
- Papillome intra-galactophorique
- Papillomatose juvénile
- Hamartome
- Tumeur phyllode bénigne
- Cytostéatonécrose
Lésions bénignes kystiques
- Kyste :
- Tumeur ronde, bien limitée, rénitente
- Mammographie : opacité arrondie bien limitée
- Echographie : lacune anéchogène bien limitée avec cône d'ombre postérieur
- Conduite à tenir : cytoponction à but diagnostique et thérapeutique en cas de gêne esthétique
- Maladie fibro-kystique :
- Mastopathie fréquente associant des éléments kystiques et une fibrose conjonctive avec hyperplasie des cellules épithéliales galactophoriques
- En péri-ménopause (40-50 ans), sur terrain d'hyperestrogénie relative, mastodynies cycliques prémenstruelles et palpation de kystes multiples
- Mammographie : larges opacités floues (= fibrose) + opacités kystiques
- Echographie : kystes au sein d'une fibrose
- Conduite à tenir :
- Microbiopsies en cas de doute diagnostique
- Traitement par progestatifs en 2ème partie de cycle
- Disparition spontanée en post-ménopause