296 : Aménorrhée

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Objectifs

  • Devant une aménorrhée, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents

Aménorrhée primaire

  • Absence de ménarche chez une fille de plus de 16 ans

Démarche diagnostique

Interrogatoire

  • Age +++
  • ATCD personnels médicaux (infectieux, endocriniens, chimiothérapie), chirurgicaux (du petit bassin ++)
  • ATCD gynécologiques : activité sexuelle, possibilité d'une grossesse
  • ATCD familiaux : âge de la puberté chez les parents
  • Prise médicamenteuse (neuroleptiques+++)
  • Signes fonctionnels associés : anosmie, céphalées, troubles visuels, galactorrhée, douleurs pelviennes cycliques
  • Contexte nutritionnel et psychologique

Examen physique

  • Général : poids, taille, BMI, courbe de croissance
  • Recherche d'une dysmorphie (Turner...)
  • Evaluation des caractères sexuels secondaires, stade de Tanner : pilosité, développement mammaire
  • Recherche de signes d'hyperandrogénie : hirsutisme, acné
  • Examen gynécologique (attention si vierge) :
    • Inspection des OGE → pilosité, signes de virilisation, examen de l'hymen
    • Examen au spéculum de vierge : existence du vagin et du col de l'utérus
    • Examen des seins bilatéral et comparatif avec recherche de galactorrhée

Paraclinique

  • En l'absence de caractères sexuels secondaires → Age osseux (RX main + poignet gauche)
  • Courbe de température si les caractères secondaires sont présents
  • Echographie pelvienne : visualisation et mesure de l'utérus et des annexes
  • Dosages hormonaux : FSH, LH, estradiol, prolactine
  • hCG au moindre doute
  • Examens de seconde intention :
    • Tests olfactifs
    • Dosages hormonaux : testostérone, 17-OH-Progestérone, DHEAS
    • IRM hypophysaire
    • Caryotype

Etiologie

  • Premier élément d'orientation = Présence ou non des caractères sexuels secondaires

Absence de caractères sexuels secondaires

  • = Retard pubertaire
  • Simple ou impubérisme organique
  • Estradiol systématiquement bas, gonadotrophines distinguent les causes centrales et périphériques

Hypogonadisme hypergonadotrope

  • Causes périphériques → LH et FSH ↑↑, impubérisme
  • Causes constitutionnelles :
    • Dysgénésie gonadique dans le carde d'une anomalie chromosomique : syndrome de Turner (45 X0) +++
    • Autres dysgénésies gonadiques d'origine génétique (ex : femme 46 XY avec absence de gêne SRY)
  • Causes acquises :
    • Chimiothérapie (agents alkylants +++)
    • Radiothérapie pelvienne

Hypogonadisme hypogonadotrope

  • FSH et LH normales ou ↓↓
Causes congénitales
  • Origine génétique
  • Syndrome de Kallman-De Morsier : anosmie + hypogonadisme hypogonadotrope par anomalie de migration des neurones à GnRH vers l'hypothalamus
  • Causes familiales ou sporadiques : syndrome de résistance aux androgènes (testicule féminisant, récessif lié à l'X), syndrome de Prader-Willi
Causes acquises
  • Tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire :
    • Cranioparyngiome +++, adénome hypophysaire, lésion infiltrative/inflammatoire (sarcoïdose, tuberculose)
    • Soit par hyperprolactinémie (par prolactinome ou de déconnexion), soit par déficit gonadotrope lésionnel
  • Toute cause d'hyperprolactinémie :
    • Tumeur hypothalamo-hypophysaire
    • Iatrogène par prise de neuroleptiques +++
    • Hypothyroïdie sévère
  • Radiothérapie encéphalique
Causes fonctionnelles
  • Troubles alimentaires, notamment l'anorexie
  • Hypercorticisme (Cushing ou iatrogène)
  • Malabsorption (maladie cœliaque, Crohn)
  • Maladie chronique : insuffisance rénale, maladie cardio-respiratoire
Retard pubertaire simple
  • Cause la plus fréquente mais diagnostic d'élimination
  • Elements évocateurs :
    • ATCD familiaux de retard pubertaire
    • Ralentissement statural modéré et progressif (pas de cassure de courbe)
    • Absence de démarrage pubertaire
    • Examen clinique normal (pas d'anosmie, pas de troubles visuels, pas d'HTIC, pas d'autres déficits hormonaux)
    • Age osseux < âge chronologique < 11 ans
  • Biologie : FSH et LH basses, PRL normale, test de stimulation à la LHRH positif
  • Echographie pelvienne : normale avec caractéristiques prépubertaires
  • Selon le contexte, discuter IRM hypothalamo-hypophysaire pour éliminer une cause haute
  • Rassurer la patiente et les parents sur un retard simple, avec une puberté future normale
  • Prise en charge :
    • Abstention thérapeutique
    • Ou traitement hormonal estroprogestatif pour pallier les difficultés psychologiques

Caractères sexuels secondaires normaux

Anomalies utéro-vaginales

  • Fréquentes dans ce contexte
  • Courbe de température normale, biphasique
  • Imperforation de l'hymen :
    • Fausse aménorrhée avec hématocolpos et hématométrie
    • Douleurs pelviennes cycliques
    • Diagnostic clinique : bombement de l'hymen, palpation de l'hématocolpos
    • Confirmation échographique
    • Traitement chirurgical : incisions radiaires de l'hymen
  • Cloison vaginale transverse :
    • Tableau similaire à une imperforation hyménéale
    • Cliniquement : vagin court, col utérin non-visible
    • Diagnostic échographique (hématocolpos + hématométrie + absence d'anomalie anatomique)
    • Traitement chirurgical : exérèse de la cloison
  • Aplasie vaginale :
    • Vagin absent, mais les organes génitaux internes sont présents normalement
    • Traitement chirurgical : création d'une cavité vaginale
  • Syndrome de Rokitansky-Kuster-Hauser :
    • Aplasie vaginale et utérine mais trompes et ovaires normaux
    • Rechercher une malformation rénale associée
    • Caryotype normal

Tuberculose génitale prépubertaire

  • Rarissime
  • Aménorrhée due à une synéchie utérine totale
  • Courbe de température biphasique
  • Diagnostic par hystéroscopie avec biopsies d'endomètre
  • Traitement médical par antituberculeux
  • Mauvais pronostic car synéchie rarement réversible

Signes d'hyperandrogénie

  • Origine ovarienne ou surrénalienne
  • Hyperplasie congénitale des surrénales :
    • Bloc enzymatique incomplet en 21-hydroxylase de révélation tardive
    • Augmentation de la 17-OH-Progestérone en base et après Synacthène
  • SOPK
  • Cause tumorale :
    • Signes de virilisation importants, d'apparition récente
    • Tumeurs ovariennes ou surrénaliennes (corticosurrénalome)

Aménorrhée secondaire

  • Absence de règles depuis plus de 3 mois chez une femme jusque-là normalement réglée
  • Plus fréquente que l'aménorrhée primaire

Démarche diagnostique

Interrogatoire

  • ATCD généraux
  • ATCD gynécologiques : accouchement, avortement spontané, IVG (curetage ++), infections génitales, chirurgie
  • ATCD familiaux de ménopause précoce, de maladie génétique, de maladies auto-immunes
  • Historique des règles : âge de la ménarche, caractéristiques des cycles antérieurs, mode d'installation de l'aménorrhée (brutalement ou après spanioménorrhée)
  • Prise médicamenteuse (neuroleptiques, contraception)
  • Mode de vie : régime alimentaire, (sur)activité sportive, choc psycho-affectif récent
  • Signes fonctionnels associés : perte/prise de poids, douleurs, signes de carence estrogénique (bouffées de chaleur ++), galactorrhée, signes d'hyperandrogénie

Examen physique

  • Général : poids, taille, BMI
  • Examen gynécologique :
    • Spéculum, TV, seins
    • Recherche de : masse latéro-utérine, galactorrhée
  • Signes d'imprégnation estrogénique : trophicité vaginale, glaire cervicale
  • Signes d'hyperandrogénie (hirsutisme, acné)

Paraclinique

Première intention

  • hCG systématique
  • Courbe de température sur 3 mois
  • Test aux progestatifs : progestatif (Duphaston) pendant 10 jours :
    • Permet de rechercher une imprégnation estrogénique car la progestérone n'a d'action que sur l'endomètre imprégné
    • Si hémorragie de privation à l'arrêt du traitement → Témoigne d'une sécrétion estrogénique suffisante
  • Bilan hormonal : LH, FSH, estradiol, prolactine
  • Echographie pelvienne notamment en cas de cause basse évoquée

Seconde intention

  • Bilan hormonal en cas de signes d'hyperandrogénie : testostérone totale, sulfate de DHEA, 17-OH-Progestérone
  • IRM hypothalamo-hypophysaire, notamment si FSH normale ou basse ou PRL ↑

Etiologie

Causes périphériques

Origine utérine

  • Evoquée devant :
    • ATCD gynéco-obstétricaux (chirurgie endo-utérine +++)
    • Test au progestatif négatif
    • Courbe thermique biphasique
    • Dosages hormonaux normaux
    • ± douleurs pelviennes cycliques
  • Diagnostic sera affirmé par l'échographie et l'hystéroscopie
Synéchie utérine
  • Accolement entre les parois utérines
  • Compliquant un geste traumatique endo-utérin +++, exceptionnellement une tuberculose génitale
  • Traitement (difficile) par hystéroscopie
Sténose cicatricielle du col utérin
  • Secondaire à un traumatisme local (conisation +++)
  • Obstacle complet à l'écoulement de sang → hématométrie + douleurs pelviennes cycliques
  • Diagnostic échographique
  • Traitement chirurgical de dilatation cervicale
Iatrogène
  • Contraception par progestatif seul (Cerazette ou DIU à la progestérone)
  • Due à une atrophie de l'endomètre
  • Bilan diagnostique inutile sauf hCG éventuellement

Origine ovarienne

Insuffisance ovarienne précoce
  • Survenue de la ménopause avant 40 ans
  • Epuisement prématuré de la réserve folliculaire (parfois d'origine génétique, ex : X fragile)
  • Diagnostic :
    • Souvent, ATCD familiaux de ménopause précoce
    • Signes de carence estrogénique : bouffées de chaleur ++
    • Test au progestatif négatif
    • Courbe thermique monophasique
    • Hypogonadisme hypergonadotrope → FSH ↑↑, estradiol ↓↓
    • Echographie pelvienne : atrophie de l'endomètre, absence de petits follicules antraux de réserve au niveau ovarien
  • Causes :
    • Génétiques (ex : X fragile)
    • Iatrogène : ovariectomie, chimiothérapie, radiothérapie pelvienne
    • La plupart du temps, inconnue
  • Traitement : substitution hormonale
Syndrome des ovaires polykystiques
  • Hyperactivité sécrétoire avec synthèse d'androgènes à l'origine d'un surrecrutement folliculaires mais absence de sélection de follicule dominant
  • + Insulinorésistance et hyperinsulinisme
  • Diagnostic par critères de Roterdam 2003 (au moins 2/3):
    • Anovulation ou oligoanovulation → aménorrhée ou spanioménorrhée
    • Hyperandrogénie clinique ou biologique
    • Echographie pelvienne : ≥ 12 petits follicules < 10 mm / ovaire, disposés en couronne
  • Signes associés :
    • Morphotype : obésité gynoïde
    • Syndrome métabolique
    • Test au progestatif positif
    • Bilan hormonal normal, androgènes augmentés
Autres
  • Exceptionnels
  • Hypoplasie ovarienne
  • Syndrome des ovaires résistants aux gonadotrophines

Causes centrales

Origine hypophysaire

Hyperprolactinémie
  • Aménorrhée + galactorrhée
  • Impose une IRM hypothalamo-hypophysaire sauf cause iatrogène évidente
  • Causes :
    • Adénome à prolactine : traitement médical (agonistes dopaminergiques) ou chirurgical (résection transsphénoïdale)
    • Hyperprolactinémie de déconnexion : par compression de la tige pituitaire par une autre tumeur hypophysaire
    • Hyperprolactinémie non-tumorale : causes iatrogènes (neuroleptiques, opiacés, ATD), hypothyroïdie périphérique, fonctionnelle (= idiopathique), allaitement
Tumeurs hypophysaires
  • Inhibition de la fonction gonadotrope par compression ou destruction par une tumeur
  • Rechercher un syndrome tumoral (céphalées, hémianopsie bitemporale) associé
  • Diagnostic à l'IRM hypothalamo-hypophysaire
Syndrome de Sheehan
  • Rare
  • Nécrose ischémique de l'anté-hypophyse secondaire à un choc hémorragique, souvent dans le cadre d'une hémorragie de la délivrance
  • Tableau d'insuffisance hypophysaire globale : insuffisance corticotrope, lactotrope (absence de montée laiteuse), gonadotrope (absence de retour de couches) et thyréotrope
  • Traitement : hormonothérapie substitutive
Hypophysite auto-immune
  • Céphalées frontales + troubles du cycle ± galactorrhée
  • Diagnostic évoqué sur l'IRM hypothalamo-hypophysaire : hypophyse augmentée de volume, hyperintense, hétérogène, sans adénome
  • Absence d'anticorps spécifiques

Origine hypothalamique

  • Due à une diminution de la pulsatilité de sécrétion de GnRH
  • Cause la plus fréquente
  • Causes :
    • Aménorrhée post-pilule : classique mais discutée
    • Aménorrhée psychogène : suite à un choc psycho-affectif, bilan étiologique normal (diagnostic d'élimination)
    • Aménorrhée des sportives de haut niveau liée à une diminution de la masse grasse
    • Anorexie mentale

Autres causes

  • Endocriniennes :
    • Hypothyroïdie sévère
    • Maladie de Cushing
    • Maladie d'Addison
  • Pathologie générale sévère : cirrhose, cancer, tuberculose