143 : Agranulocytose médicamenteuse : conduite à tenir
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Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer une agranulocytose médicamenteuse
- Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
Physiopathologie
- Agranulocytose = neutropénie < 0,5 G/L
- Deux types d'agranulocytose médicamenteuse :
- Mécanisme toxique : altération de la production médullaire des granulocytes
- Hypo-/aplasie des lignées myéloïdes aboutissant à une pancytopénie
- La plupart du temps, événement attendu dans les jours suivant une chimiothérapie anti-mitotique
- Profondeur de l'aplasie = nadir, fonction de l'âge, des thérapeutiques, de la maladie causale, de la chimiothérapie...
- Très rarement, mécanisme imprévisible, idiosyncrasique, ne régressant pas spontanément
- Mécanisme immunoallergique :
- Uniquement la lignée granulocytaire
- Nécessite un premier contact sensibilisant (exposition antérieure ou traitement prolongé)
- Médicament joue le rôle d'haptène → se fixe à une protéine plasmatique/de la membrane granulocytaire → anticorps dirigés contre le complexe formé → activation du complément → destruction des neutrophiles
- Mécanisme toxique : altération de la production médullaire des granulocytes
Diagnostic
Présentations cliniques
Aplasie post-chimiothérapie
- Contrôles systématiques
- Si symptomatique : tableau infectieux ± syndrome anémique ± hémorragies cutanéo-muqueuses
Agranulocytose aiguë médicamenteuse
- Tableau infectieux +++ :
- Installation brutale
- Fièvre > 38,5°C
- Infection localisée (cutanée, ORL, pneumologique, urinaire) ou sepsis d'emblée (tachycardie, frissons, mauvaise tolérance hémodynamique...)
- Foyer infectieux local souvent absent car sans neutrophile pas de pus
- Lésions ulcéronécrotiques des muqueuses :
- Conséquence directe du déficit en neutrophiles
- Hyperalgiques, creusantes, risque de surinfection
- Prédominent au niveau buccal : angine ulcéro-nécrotique ; mais possibles sur toutes les muqueuses
Biologie
Hémogramme
- Neutrophiles < 0,5 G/L
- Si agranulocytose toxique : évaluation des autres lignées, recherche de pancytopénie
- Si agranulocytose immuno-allergique : vérifier l'absence d'atteinte des autres lignées et vérifier l'absence de cellules anormales (blastes, cellules lymphomateuses)
Myélogramme
- Agranulocytose toxique attendue → inutile
- Agranulocytose immuno-allergique → indispensable pour éliminer une hémopathie aiguë (frottis médullaire ; biopsie inutile)
- Résultats du frottis :
- Richesse diminuée atteinte isolée de la lignée granulocytaire, autres lignées épargnées
- Soit absence totale de lignée granulocytaire
- Soit présence de précurseurs immatures (myéloblastes/promyélocytes) et aspect de blocage de maturation au stade promyélocyte
- Résultats du frottis :
Etiologie
- Identification du(des) médicament(s) suspect(s) à l'interrogatoire, tout nouveau médicament est suspect
- Contact du centre de pharmacovigilance pour déclaration et critères d'imputabilité : imputabilité intrinsèque et extrinsèque
- Parfois examens biologiques sur demande du centre de pharmacovigilance :
- Culture de progéniteurs médullaires en présence de sérum du patient et du médicament
- Recherche d'anticorps anti-granulocytes en immunofluorescence ou par technique immunoenzymatique
Diagnostics différentiels
- Iatrogénie reste la cause la plus fréquente d'agranulocytose aiguë
- Leucémie aiguë → diagnostic par myélogramme
- Exceptionnellement : neutropénie virale, neutropénie conséquence d'un sepsis sévère
Prise en charge d'une agranulocytose fébrile
- Urgence thérapeutique
- Hospitalisation en chambre seule, isolement protecteur
- Risque immédiat = bactérien, notamment risque de choc septique à BGN
- Arrêt du médicament en cause
- Plusieurs séries d'hémocultures à 30 min d'intervalle + RXT + ECBU ± autre prélèvement orienté selon point d'appel, avant antibiothérapie
- Antibiothérapie probabiliste IV double, synergique à large spectre, active sur les BGN (E. coli, Klebsiella, Pseudomonas) : classiquement β-lactamine active sur Pseudomonas (uréidopénicilline, C3G/C4G, carbapénème) + aminoside
- Exemples[1] :
- Patient stable : Céfotaxime (Claforan) ou Ticarcilline + Ac clavulanique (Claventin)
- Sepsis sévère : Céfotaxime/Ticarcilline(+ Ac clavulanique) + Gentamicine (Lévofloxacine si CI aminosides)
- Secondairement adaptée aux germes retrouvés ou en l'absence d'apyrexie
- A arrêter en l'absence de fièvre et une fois la période d'agranulocytose révolue
- Exemples[1] :
Pronostic
- Aplasie médullaire post-chimiothérapie → durée d'agranulocytose variable, parfois prescription de G-CSF
- Agranulocytose aiguë médicamenteuse :
- Contre-indication à vie du médicament
- Neutrophiles > 0,5 G/L suffisent à contrôler une infection
- En général régression en 8-10 jours, possible myélémie et/ou polynucléose neutrophile de rebond
- Pas d'indication aux G-CSF a priori
- Remise au patient d'un certificat relatant l'incident