237 : Fractures chez l’enfant

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Objectifs

  • Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des fractures de l’enfant, en insistant sur celles qui sont liées à la croissance

Particularités épidémiologiques

  • 1ère cause de consultation chirurgicale
  • Fréquence des fractures au niveau des cartilages de croissance, surtout là où ils sont le plus actifs = près du genou, loin du coude
  • Périoste permet de constituer rapidement un cal osseux et permet le remodelage osseux
  • Circonstances habituelles :
    • Os mécaniquement moins résistant que chez l'adulte
    • Mais entorses graves plus rares (os moins résistant que les structures périarticulaires)
    • Sièges habituels : poignet, coude, main, cheville, jambe
    • Contexte fréquents (traumatismes peu violents) : activités sportives, accidents domestiques
    • Polytraumatismes rares
  • Circonstances particulières :
    • Fragilité osseuse constitutionnelle (maladie de Lobstein) : fractures diaphysaires, caractère familial, sclérotique bleue
    • Fractures pathologiques : fracture métaphysaire sur lésion kystique, fracture sur lésion lytique (voir tumeur osseuse)
    • Maltraitance : fracture chez un très jeune enfant, syndrome de Silverman (lésions osseuses et fractures multiples, âges différents, cals osseux, arrachements métaphysaires, décollements périostés) → RX squelette entier + FO

Particularités diagnostiques

Cliniques

  • A l'interrogatoire :
    • ATCD familiaux : pathologie de l'hémostase, fractures dans la fratrie
    • ATCD personnels : côté dominant, statut vaccinal
    • Circonstances : mécanisme, contexte
  • Examen physique : attitude antalgique, impotence fonctionnelle, déformation osseuse, signes locaux, complications (ouverture cutanée, atteinte vasculonerveuse)

Paracliniques

  • Radiographies standards systématiques, F+P, articulation sus- et sous-jacente
  • Signes indirects de fracture : refoulement des liserés graisseux périarticulaires (hémarthrose), modification des rapports articulaires, œdème des parties molles
  • Risque de méconnaissance d'une fracture épiphysaire chez le jeune enfant car cartilagineuse
  • Fracture en cheveu (1/3 inférieur du tibia ++)
  • Fracture de fatigue : tibia/métatarsiens, enfant sportif, évoquée en scintigraphie et confirmée en TDM
  • Formes particulières :
    • Fracture sous-périostée : fracture de l'os, intégrité du périoste
    • Fracture en bois-vert : rupture de l'os dans le versant convexe, persistance d'une continuité corticale/périoste dans la concavité
    • Fracture en motte de beurre : tassement métaphysaire par impaction de la diaphyse
    • Déformation plastique : incurvation pathologique sans rupture corticale
    • Décollement épiphysaire : atteinte du cartilage de croissance
Classification de Salter et Harris
  • Classification de Salter et Harris :
    • Type I (Slip) : décollement épiphysaire pur
    • Type II (Above) : décollement + fracture métaphysaire
    • Type III (Lower) : décollement + fracture épiphysaire
    • Type IV (Through) : décollement + fracture métaphyso-épiphysaire
    • Type V (Rammed) : écrasement du cartilage de croissance


Moyen mnémotechnique : Classification de Salter et Harris

SALTR : Slip, Above, Lower, Through, Rammed

Particularités thérapeutiques

  • Délais de consolidation et de décharge variables selon l'âge
  • Particularités :
    • Présence du cartilage de croissance
    • Potentiel de correction spontanée de cals vicieux
    • Durée de consolidation d'autant plus courte que l'enfant est jeune
    • Faible risque d'enraidissement articulaire
  • Traitement de la douleur = urgence
  • En général, traitement orthopédique en première intention, sauf pour fractures épiphysaires → chirurgie

Modalités

  • Traitement orthopédique :
    • Majorité des cas : réduction sous sédation + contention sous plâtre
    • Possibilité de correction spontanée d'une déviation fonction :
      • Du type de déviation (frontal/sagittal ++)
      • Age de l'enfant (jeune ++)
      • Proximité d'un cartilage de croissance à fort potentiel (près du genou loin du coude)
  • Traitement chirurgical :
    • Indications :
      • Fractures ouvertes → parage de la plaie, fixateur externe
      • Fractures avec déplacement important irréductibles par manœuvre externe
      • Fractures articulaires (dont Salter III et IV) → réduction parfaite pour éviter décalage articulaire (risque d'arthrose précoce)
      • Fractures diaphysaires après un certain âge pour réinsertion sociale/scolaire plus rapide
    • Etapes : réduction sous sédation, contention par ostéosynthèse
    • Aucun matériel de synthèse ne doit traverser ou ponter le cartilage de croissance : risque d'épiphysiodèse avec retentissement sur la croissance
    • Immobilisation en plus de la fixation (enfant bougera !)
    • Autorisation parentale d'opérer
  • Mesures adjuvantes :
    • Traitement de la douleur (IV si chirurgie)
    • Pas d'anticoagulation
    • Pas de kinésithérapie

Evolution

  • Surveillance sous plâtre :
    • Œdème, mobilité, coloration, chaleur cutanée, points d'appuis du plâtre
    • Radiographie systématique à J8 : dépistage de déplacement secondaire
  • Consolidation plus rapide que chez l'adulte
  • Bon pronostic fonctionnel
  • Complications :
    • Immédiates : ouverture cutanée, lésions vasculonerveuses
    • Secondaires : déplacement sous plâtre, syndrome des loges/Volkmann
    • A distance : inégalité de longueur des membres, pont d'épiphysiodèse (Salter III, IV, V) avec risque d'arrêt de croissance ou de désaxation, cal vicieux

Situations cliniques

Traumatisme crânien

  • Objectif : repérer les rares situations de gravité

Diagnostic

  • Interrogatoire :
    • Terrain : âge, traumatismes antérieurs, maltraitance, trouble de l'hémostase, prise de médicaments
    • Au moment du TC : heure, mécanisme, cinétique, hauteur, nature du sol, pleurs immédiats, perte de connaissance, amnésie
    • Au décours : somnolence, troubles du contact, troubles du comportement, vomissements, convulsions, céphalées, troubles visuels
  • Examen physique :
    • Evaluation des fonctions vitales (ABC : Airway, Breathing, Circulation)
    • Examen neurologique rigoureux : GCS, PC, palpation des fontanelles, examen du crâne et de la face (embarrure ++), réflexe pupillaire
    • Recherche de lésions associées : palpation abdominale, inspection des urines, palpation des reliefs osseux
  • Imagerie cérébrale :
    • TDM cérébrale uniquement en cas de TC à risque élevé
    • Pas de radiographies de crâne sauf suspicion de maltraitance

Prise en charge

  • Thérapeutiques urgentes :
    • Décubitus dorsal 30°, monitoring cardiorespiratoire, 1 VVP
    • Libération des VAS, oxygénothérapie
    • Mannitol IV si signes d'HTIC (pas de prophylaxie anticonvulsivante systématique)
  • Evaluation du niveau de risque :
    • Risque élevé :
      • Critères :
        • Perte de connaissance ≥ 1 min, altération de la conscience, irritabilité
        • Convulsions, signes neurologiques focaux, céphalées intenses persistantes
        • Vomissements répétés/persistants
        • Fontanelle bombée, ↑ PC
        • Embarrure, fracture de la base du crâne
        • Contexte évocateur de maltraitance
      • Principes : maintien des fonctions vitales, TDM cérébrale en urgence, surveillance prolongée
    • Risque intermédiaire :
      • Critères :
        • Perte de connaissance < 1 min
        • Amnésie de l'accident
        • Age < 3 mois, mécanisme violent
        • Signes neurologiques focaux transitoires
        • Céphalées modérées
        • Vomissements isolés non répétés
      • Principes : surveillance aux urgences ± TDM cérébrale
    • Risque faible :
      • Aucun critère de risque présent
      • Principes : consignes de surveillance à domicile :
        • Entourage fiable
        • Document écrit
        • Reconsultation si : troubles de conscience, irritabilité, convulsions, troubles de l'équilibre, céphalées intenses, anisochorie, vomissements répétés

Fracture de la palette humérale

  • Fracture métaphyso-épiphysaire de l'extrémité distale de l'humérus
  • Le plus souvent : fractures supra-condyliennes, trait de fracture au niveau de la fosse olécranienne

Diagnostic

  • Terrain : garçon 5-10 ans
  • Contexte :
    • Accident domestique ou sportif
    • Traumatisme indirect : le plus fréquent, chute sur la paume de la main coude en extension → fracture en extension, déplacement postérieur de la palette
    • Traumatisme direct : rare, traumatisme postérieur par chute sur un coude en flexion → fracture en flexion, déplacement antérieur
LagrangeRigault.jpg
  • Classification de Lagrange et Rigault :
    • Stade I : fracture non-déplacée, fracture en bois-vert
    • Stade II : déplacement en bascule postérieure uniquement, périoste postérieur intact
    • Stade III : translation postérieure, fragments épiphysaires et métaphysaires en contact, périoste postérieur intact
    • Stade IV : perte de contact entre fragment épiphysaire et métaphysaire → bascule + translation postérieure + rotation interne
  • Interrogatoire :
    • Terrain : ATCD médico-chirurgicaux, traitement habituel, carnet de santé, main dominante
    • Traumatisme : heure, coude en extension, craquement audible, impotence fonctionnelle totale, douleurs vives à la face postérieure du coude
    • Heure du dernier repas
  • Examen physique :
    • Attitude des traumatisés du MS
    • Déformation :
      • De face : coude demi-fléchi en pronation
      • De profil : élargissement antéro-postérieur, coup de hache postérieur, saillie de l'olécrane, avant-bras raccourci
    • Douleur exquise à la palpation locale, conservation des rapports osseux normaux de l'articulation si fracture supra-condylienne
    • Recherche de complication immédiate :
      • Musculaires : fréquentes, atteinte du muscle brachial antérieur +++
      • Nerveuses : nerf médian (stade III/IV), rarement nerf radial → à rechercher avant réduction, examen daté signé
      • Vasculaires : exceptionnelles, palpation des pouls périphériques, schéma daté signé
      • Cutanées : ouverture exceptionnelle (en général Cauchoix I), phlyctènes secondaires à l’œdème, ecchymose
  • Radiographies standard F+P ± ¾, classification par Lagrange et Rigault

Traitement

Indications

  • Fractures en flexion :
    • Déplacement → réduction sous AG + ostéosynthèse + BABP 90° 4 semaines
    • Sans déplacement → BABP 60° 4 semaines
  • Fractures en extension :
    • Stade I : BABP 90° 4 semaines
    • Stade II : réduction sous AG, méthode de Blount 4 semaines
    • Stade IV : réduction sous AG + ostéosynthèse + BABP 90° 4 semaines
    • Stade III : choix entre traitement du stade II ou du stade IV

Traitement orthopédique

  • Réduction :
    • En urgence, sous AG, par manœuvres externes sous contrôle scopique
    • Contrôle radiologique : rétablissement de l'axe de Baumann (axe de l'humérus - jonction condyle externe/palette) 70°, restauration de l'antépulsion physiologique de profil
  • Immobilisation :
    • Plâtre brachio-antébrachio-palmaire, coude à 90° ou 60° selon le déplacement
    • Immobilisation par méthode de Blount : immobilisation du coude en hyperflexion à 120° par manchette plâtrée + écharpe, surveillance médicale et parentale +++

Traitement chirurgical

  • Autorisation parentale
  • Réduction
  • Contention par ostéosynthèse à foyer fermé (embrochage percutané) ou ouvert
  • Immobilisation

Pronostic

  • Evolution favorable : consolidation en 6 semaines
  • Complications secondaires :
    • Déplacement secondaire : reproduit le déplacement initial → famille prévenue, surveillance radiologique à J2, J8, J15, J21
    • Complications post-opératoires : infection de matériel, ostéite profonde, migration de broche
    • Syndrome de Volkman : syndrome des loges musculaires de l'avant-bras → rétraction ischémique des muscles fléchisseurs → griffes irréductibles → surveillance, famille prévenue, chirurgie en urgence
  • Complications tardives :
    • Cals vicieux : en cubitus varus, par insuffisance thérapeutique +++
    • Raideur : rare chez l'enfant

Diagnostic différentiel

  • Fractures de l'épicondyle médial : disparition des repères anatomiques normaux du coude, risque de lésion du nerf ulnaire, traitement orthopédique si non-déplacée (BABP 45 j)
  • Fractures du condyle externe : mécanisme indirect en valgus forcé, prédominance latérale de la symptomatologie, traitement orthopédique si non-décplacée