262 : Migraine et algies de la face
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Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer une migraine et une algie de la face
- Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Migraine
- Due à une hyperexcitabilité neuronale d'origine génétique et environnementale
Diagnostic
- Clinique
Migraine sans aura
- Critères IHS :
- A : au moins 5 crises répondant aux critères B et D
- B : durée de 4 à 72 h sans traitement
- C : céphalée ayant au moins 2 caractéristiques parmi :
- Unilatérale
- Pulsatile
- Modérée à sévère
- Aggravée par l'activité physique
- D : durant la crise, nausées/vomissements ou photo-phonophobie
- E : non-attribuable à une autre affection, examen clinique normal
- Diagnostic certain si 5/5, probable si 4/5
Migraine avec aura
- Critères IHS :
- A : au moins 5 crises répondant aux critères B et D
- B : aura comprenant au moins 1 symptôme (sans déficit moteur) parmi :
- Symptômes visuels entièrement réversibles (taches, lumières scintillantes, scotome, BAV)
- Symptômes sensitifs entièrement réversibles positifs ou négatifs
- Troubles du langage dysphasiques réversibles
- C : au moins 2 caractéristiques parmi :
- Symptômes visuels homonymes ou symptômes sensitifs unilatéraux
- Au moins 1 symptôme se développe progressivement en plus de 5 minutes ou les symptômes surviennent successivement en plus de 5 minutes = marche migraineuse
- Chaque symptôme dure plus de 5 minutes et moins d'1h
- D : céphalée remplissant les critères B et D de la migraine sans aura, débutant pendant l'aura ou dans les 60 minutes suivant
- E : non-attribuable à une autre affection, examen clinique normal
- Migraine avec auras motrices très rares (migraine hémiplégique familiale d'origine génétique), imposent une imagerie cérébrale
Autres éléments à rechercher
- Ancienneté : début avant 40 ans ++
- ATCD familiaux
- Association à d'autres types de céphalées :
- Céphalées de tension : suspicion en cas de persistance de céphalées de fond, personnalité anxieuse, tension musculaire douloureuse de la nuque
- Céphalées chroniques quotidiennes par abus médicamenteux
- Recherche de facteurs déclenchants :
- Anxiété : périodes de contrariété ou au contraire situation de détente brutale (migraine de week-end)
- Facteurs hormonaux : règles (migraine cataméniale), contraception orale
- Facteurs alimentaires
- Facteurs sensoriels : lumière clignotante, décor rayé, bruit, odeur...
- Conditions de vie : sommeil prolongé, hypoglycémie
- Facteurs climatiques
Diagnostic différentiel
- Migraine sans aura :
- Autres céphalées primaires évoluant par crises : algies vasculaires de la face, névralgie du trijumeau
- Affection organique
- Rarement, tumeur du 3ème ventricule
- Migraine avec aura :
Prise en charge
Mesures générales
- Suppression des facteurs déclenchants
- Rassurer sur la bénignité
- Estimer la gêne fonctionnelle
- Education du patient sur la pathologie et les différents traitements
- Tenue d'un agenda de migraines
- Arrêt du tabac
- Prévention du risque d'abus médicamenteux
Traitement de crise
- Principes :
- Traitement le plus précoce possible, inactif sur l'aura
- Antiémétique si nausées
- Ne pas dépasser les doses prescrites
- Mise au repos, au calme et dans l'obscurité
- AINS ou paracétamol souvent peu efficace
- Triptans :
- Agonistes 5-HT1 à action vasculaire
- Molécules : sumatriptan, zolmitriptan...
- 1ère intention en cas de crises sévères
- A prendre au plus vite mais actifs longtemps
- Ne pas reprendre le même médicament en cas d'échec lors d'un même accès
- Dérivés de l'ergot de seigle = 2ème intention car effets indésirables ++
- Cas particuliers :
- Migraine avec aura : AINS et antalgiques dès l'aura, mais triptan uniquement quand la céphalée a débuté
- Migraine cataméniale : estradiol percutané pendant 8 j débuté la veille des règles
- En cas d'efficacité insuffisante : co-prescription d'AINS et de triptan, prendre l'AINS d'abord puis le triptan en cas d'inefficacité après 2h
Traitement de fond
- But = diminuer la fréquence des crises
- Indications : crises fréquentes (≥ 3/mois), sévères, longues, répondant mal au traitement de crise
- Première intention :
- Propranolol ou métoprolol, contre-indications : BPCO, asthme, trouble de conduction, insuffisance cardiaque décompensée
- Oxétorone (Nocertone), contre-indications : glaucome, adénome prostatique, prévenir du risque de prise de poids
- Amitryptiline, contre-indication : glaucome, adénome prostatique
- Autres molécules : pizotifène, méthysergide, flunarizine, dihydroergotamine, topiramate
- Doses progressivement croissantes, efficacité jugée après 2 mois à dose efficace (agenda de migraine)
Etat de mal migraineux
- Crise > 72h ou plusieurs crises successives
- Retentissement général important
- Souvent favorisé par un abus médicamenteux ou un syndrome anxiodépressif
- Traitement :
- Sumatriptan SC (contre-indication : dérivé ergotés dans les 24h précédentes)
- En cas d'échec : hospitalisation, réhydratation, perfusion de tricycliques
Algies de la face
Algie vasculaire de la face
Diagnostic clinique
- Terrain : homme jeune (20-40 ans)
- Douleur :
- Extrême, maximale en quelques minutes
- A type d'arrachement ou de brûlure
- Strictement unilatérale, péri-orbitaire
- Durant 15 à 180 minutes
- Manifestations neurovégétatives ipsilatérales : larmoiement, congestion nasale, sudation cutanée, voire syndrome de Claude-Bernard-Horner
- Plusieurs crises quotidiennes survenant par périodes de 2 à 8 semaines volontiers saisonnières, souvent déclenchées par l'alcool
- Rarement évolution chronique
- Diagnostic clinique mais en cas de Claude-Bernard-Horner, imagerie pour éliminer une dissection carotidienne
Traitement
- Eradication de l'alcool
- Traitement de l'accès :
- Sumatriptan sous-cutané
- Ou oxygénothérapie > 6 L/min
- Traitement de fond en période de crises :
- Vérapamil (première intention)
- Corticoïdes 1 mg/kg pendant 7 jours (risque de rebond à l'arrêt)
- Méthysergide
- Lithium pour les formes chroniques
Névralgie du trijumeau
Névralgie essentielle
- Terrain : femme > 50 ans
- Douleur :
- Siège : unilatéral, souvent les branches V2 ou V3 (rarement V1, jamais les 3 en même temps)
- Type : décharges électriques fulgurantes de durée brève
- Survenue en salves sur quelques minutes avec intervalles libres, répétition pluriquotidiennes
- Spontanée ou déclenchée par des activités spécifiques ou la stimulation de zones gâchettes (risque de comportements d'évitement type anorexie)
- Reste de l'examen clinique normal : pas d'hypoesthésie, pas de déficit moteur, réflexe cornéen normal ; sinon → IRM cérébrale
Névralgie symptomatique
- Caractéristiques particulières :
- Douleur moins intense
- Territoire du V1 +++
- Fond douloureux entre les accès
- Anomalies à l'examen clinique : hypoesthésie, déficit moteur V3 (masséters, ptérygoïdiens), atteinte d'autres nerfs crâniens
- Causes :
- Intra-axiales : SEP, syringobulbie, tumeur, infarctus latérobulbaire
- Angle ponto-cérébelleux : neurinome du VIII, tumeurs, anévrisme de l'artère basilaire, zona du ganglion de Gasser
- Base du crâne : tumeur, méningite (carcinomateuse ou infectieuse), fracture de la base, thrombose du sinus caverneux, microangiopathie
Traitement
- Etiologique en cas de névralgie secondaire
- Médical :
- Toujours indiqué
- 1ère intention : carbamazépine, dose augmentée progressivement jusqu'à dose minimale efficace, surveiller les effets indésirables et arrêt entre les périodes d'accès
- Autres : oxcarbazépine, baclofène, clonazépam, lamotrigine, gabapentine, ATD tricycliques
- Chirurgical :
- En cas de résistance au traitement médical
- Thermocoagulation percutanée du ganglion de Gasser : AG courte avec réveil en cours d'intervention, action ciblée, préserve la sensibilité dans 80% des cas et peut être renouvelée en cas de récidive
- Décompression vasculaire microchirurgicale du trijumeau
Autres algies faciales essentielles
- Hémicrânie paroxystique : femme, douleurs très intenses orbitaires avec signes végétatifs, crises brèves et fréquentes disparaissant sous indométacine
- Névralgie essentielle du glossopharyngien (rare)
- Névralgie essentielle occipitale (d'Arnold) : douleur de la région occipitale irradiant vers le vertex par atteinte de la branche postérieure de C2, déclenchée par pression à l'émergence des cheveux, sensible aux AINS (parfois clonazépam ou infiltrations corticoïdes)