248 : Hypothyroïdie

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Objectifs

  • Diagnostiquer une hypothyroïdie
  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Diagnostic positif

  • Hypothyroïdie primaire (périphérique) la plus fréquente :
    • TSH élevée (> 4 mUI/L)
    • Si FT4 normale (4 - 10 mUI/L) → hypothyroïdie fruste
    • Si FT4 basse → hypothyroïdie patente
  • Hypothyroïdie secondaire (atteinte hypophysaire) :
    • FT4 basse
    • TSH normale inadaptée ou basse : origine hypothalamo-hypophysaire
    • TSH légèrement haute : TSH biologiquement inactive, atteinte hypothalamique

Séméiologie

  • Fonction de la profondeur et de l'ancienneté
  • Pas de symptômes myxœdèmateux si insuffisance thyréotrope
  • Syndrome d'hypométabolisme : asthénie physique et psycho-intellectuelle, somnolence, hypothermie, frilosité, constipation acquise, bradycardie, prise de poids contrastant avec anorexie
  • Atteinte cutanéo-phanérienne :
    • Peau pâle, jaunâtre, sèche
    • ↓ transpiration, dépilation (axillaire, pubienne, queue des sourcils)
    • Cheveux secs et cassants
    • Cyanose des lèvres
  • Myxœdème cutanéomuqueux :
    • Infiltration face dorsale mains et pieds, paupières (matin ++), faciès lunaire
    • Infiltration laryngée → voix rauque, trompe d'Eustache → hypoacousie, langue → macroglossie, ronflements
    • Canal carpien
  • Atteinte neuromusculaire :
    • Enraidissement, crampes, myalgies
    • Tendinites, arthralgies, neuropathie périphérique, syndrome cérébelleux
  • Retentissement endocrinien :
    • Galactorrhée rare
    • Anomalies du cycle menstruel : oligoménorrhée, spanioménorrhée, aménorrhée
    • Baisse de la libido

Formes cliniques

  • Forme cardiovasculaire :
    • Atteinte fonctionnelle : ↓ activité myocardique, bradycardie sinusale, ↓ force de contraction ; rarement, insuffisance cardiaque et troubles du rythme
    • Atteinte infiltrative : épanchement péricardique parfois accompagné d'épanchement pleural ou péritonéal
    • Coronaropathie : hypercholestérolémie induite +++, risque de démasquage à l'instauration du traitement substitutif
  • Formes neuromusculaires et neuropsychiques :
    • Etat dépressif, syndrome confusionnel (sujet âgé)
    • Myopathie proximale
    • Apnée du sommeil
  • Coma myxœdèmateux :
    • Hypothyroïdie primaire profonde et ancienne, facteur déclenchant (infection, chirurgie)
    • Coma calme, bradycardie, bradypnée, hypothermie, hypotension, ROT lents
    • Pas de signe de focalisation, parfois crises convulsives avec EEG aspécifique et hyperprotéinorachie
    • Hyponatrémie constante
    • Mauvais pronostic

Hypothyroïdie pendant la grossesse

  • Complications maternelles : HTA, prééclampsie, fausse couche, hémorragie du post-partum
  • Complications fœtales : si hypothyroïdie présente au 1er trimestre, risque de trouble du développement intellectuel ± retard de croissance
  • Particularités biologiques : baisse physiologique de la FT4 durant la grossesse, utiliser la TSH +++ (la plupart du temps, hypothyroïdie primaire)

Biologie

  • Anomalies hématologiques :
    • Anémie en général macrocytaire
    • Possible maladie de Biermer associée
    • Troubles de l'hémostase primaire et de la coagulation
  • Anomalies métaboliques :
    • Hypercholestérolémie à LDL constante
    • ↑ CPK, ASAT, LDH
    • Hyponatrémie de dilution

Etiologie

Hypothyroïdie primaire

Thyroïdites chroniques lymphocytaires

  • = causes auto-immunes

Thyroïdite de Hashimoto

  • Goitre + AC anti-TPO à taux élevé ou anti-thyroglobuline si anti-TPO négatifs)
  • Infiltration lymphocytaire de la thyroïde d'origine auto-immune avec prédisposition génétique ± facteurs environnementaux
  • Hypothyroïdie par destruction progressive des thyréocytes
  • Fréquemment associée à d'autres atteintes auto-immunes : vitiligo, diabète type 1, insuffisance surrénale, insuffisance ovarienne, polyarthrite rhumatoïde, Biermer → polyendocrinopathie auto-immunes
  • Croissance rapide du goitre ou zone hyperplasique pseudonodulaire hyperéchogène → suspicion de lymphome
  • Paraclinique :
    • Echographie systématique : goitre hypoéchogène, zones hyperplasiques pseudonodulaires hyperéchogènes, vascularisation hétérogène, rétraction parenchymateuse prédominant à la face postérieure
    • Scintigraphie : ne doit pas être réalisée sauf thyrotoxicose à la phase initiale pour diagnostic différentiel avec Basedow

Thyroïdite atrophique

  • Thyroïdite auto-immune mais sans goitre
  • Anticorps en général moins élevés
  • Période post-ménopausique +++
  • Echographie : volume normal ou petit, hypoéchogénicité diffuse, hétérogénicité

Thyroïdite auto-immune du post-partum

  • Mêmes mécanismes auto-immuns + petit goitre
  • Thyrotoxicose initiale vers 2 mois post-partum, hypothyroïdie en 3 à 6 mois
  • En général récessive dans l'année, parfois définitive
  • 5% des grossesses, sous-diagnostiquée

Thyroïdites non-auto-immunes

  • Thyroïdite subaiguë de De Quervain :
    • Inflammation du parenchyme thyroïdien → douleurs cervicales intenses, thyrotoxicose initiale
    • Destruction des follicules en histologie d'où thyrotoxicose puis hypothyroïdie en général transitoire
  • Thyroïdite du post-partum sans anticorps
  • Thyroïdites iatrogènes :
    • Tableau similaire au De Quervain, thyrotoxicose puis hypothyroïdie, souvent silencieuses
    • Réaction inflammatoire suite à la prise d'interféron (hépatite virale, SEP) ou de traitements iodés (amiodarone, PdC)
  • Autres : thyroïdite infectieuse (bactérienne ou parasitaire), thyroïdite de Riedel

Causes iatrogènes

  • Surcharge iodée : amiodarone +++
  • Antithyroïdiens de synthèse : troubles cèdent à l'arrêt du traitement
  • Iode 131 : thyroïdite tardive, plusieurs années après → surveillance TSH
  • Radiothérapie cervicale : cancer du larynx, lymphome... → surveillance TSH
  • Lithium : hypothyroïdie rare, goitre fréquent

Autres

  • Carence iodée sévère : crétinisme goitreux (forme grave)
  • Causes rares : amylose, hémochromatose juvénile/post-transfusionnelle, sarcoïdose
  • Hypothyroïdie congénitale : ectopie thyroïdienne (base de langue +++), athyréose, anomalies de l'hormonogenèse

Démarche diagnostique

  • Première intention : TSH
  • 2ème intention :
    • FT4 : déterminer la profondeur de l'hypothyroïdie
    • Bilan étiologique :
      • Echographie thyroïdienne
      • Anticorps anti-TPO (anti-Tg si anti-TPO négatifs)
  • Examens inutiles : FT3, thyroglobuline, cholestérol, scintigraphie

Insuffisance thyréotrope

  • Compression par une tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire : adénome, craniopharyngiome, méningiome...
  • Iatrogène : post-chirurgie, post-radiothérapie
  • Séquellaire : méningite, traumatisme crânien, hémorragie méningée, apoplexie d'adénome hypophysaire, syndrome de Sheehan, hypophysite lymphocytaire (post-partum)
  • Rares causes génétiques
  • IRM systématique : recherche de cause curable, évaluer le risque compressif

Traitement

Cas général

  • Principal traitement : LT4 (Levothyrox, L-Thyroxine), rarement T3+T4 ou T3 ; dose adaptée à la profondeur de l'hypothyroïdie
  • Objectifs en cas d'hypothyroïdie primaire :
    • Situation standard : TSH < 4 mUI/L et si possible entre 0,5 et 2,5 mUI/L
    • Sujet fragile (coronaropathie non-contrôlée, personne âgée) : TSH < 10 mUI/L
    • Grossesse : TSH < 2,5 mUI/L
  • Risques du surdosage : risques osseux et cardiovasculaires +++
  • TSH contrôlée 4 à 8 semaines après initiation du traitement puis contrôle tous les 6 mois à l'équilibre
  • Pour insuffisance thyréotrope : normaliser la FT4 avec FT3 normale

Situations particulières

  • Hypothyroïdie patente :
    • Sujet sain jeune : commencer aux doses substitutives (50-150 µg/j)
    • Sujet âgé/coronarien : débuter à faible dose, augmentation progressive par palier
    • Surveillance : consulter en cas de douleur thoracique, ECG hebdomadaire chez le coronarien grave, hospitalisation si SCA récent
    • Parfois association de β-bloquants
  • Hypothyroïdie fruste[1] :
    • En dehors de la grossesse :
      • Risque élevé d'hypothyroïdie patente (TSH > 10 et/ou anti-TPO +) : traitement recommandé
      • Risque faible (TSH < 10, anti-TPO -) : surveiller la TSH à 6 mois puis tous les ans
      • Risque intermédiaire (TSH < 10 mais anti-TPO+ ou hypercholestérolémie) : discussion de traitement
    • Pendant la grossesse : traitement possible dès que TSH < 4, objectif de TSH < 2,5 mUI/L
  • Survenue d'une grossesse chez une hypothyroïdienne connue : ↑ posologies pour TSH < 2,5 mUI/L
  • Traitements nécessitant une augmentation des posologies de T4  :
    • Interférence avec l'absorption intestinale : sulfate de fer, carbonate de calcium, hydroxyde d'alumine, cholestyramine
    • Augmentation de la clairance : phénobarbital, carbamazépine, rifampicine, phénytoïne, sertraline, chloroquine
    • Augmentation de la liaison aux protéines porteuses (TBG) : estrogènes +++

Dépistage[1]

  • Population générale → dépistage ciblé si situation à risque :
    • Femme > 60 ans avec ATCD thyroïdien
    • Pésence d'AC anti-thyroïdiens
    • ATCD de chirurgie/irradiation cervicale
    • Traitement à risque : amiodarone, lithium, IFN
  • Grossesse et post-partum → dépistage ciblé devant :
    • Signes cliniques évocateurs (goitre +++)
    • Contexte auto-immun (diabète type 1 +++)
    • Contexte thyroïdien personnel ou familial : ATCD de dysthyroïdie, chirurgie thyroïdienne, AC anti-thyroïdiens

StrategieHypothyroidieFruste.PNG


Sources

  1. 1,0 et 1,1 Recommandations HAS 2007 : Hypothyroïdie fruste chez l'adule