66 : Thérapeutiques antalgiques, médicamenteuses et non médicamenteuses

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Objectifs

  • Argumenter la stratégie de prise en charge globale d’une douleur aiguë ou chronique chez l’adulte
  • Prescrire les thérapeutiques antalgiques médicamenteuses (P) et non médicamenteuses
  • Evaluer l’efficacité d’un traitement antalgique

Principes de prise en charge

  • Choix selon : cause, mécanisme (nociception, neuropathique), aigu/chronique, intensité et évolution dans le temps
  • Traitement multimodal : association de thérapeutiques antalgiques + traitement étiologique
  • Privilégier la voie orale quand possible
  • Toute douleur doit être traitée en urgence
  • Prévenir et traiter les effets secondaires
  • Réévaluation régulière de l'efficacité et de la nécessité du traitement avec méthode de mesure reproductible
  • En cas d'échec, rechercher un défaut d'observance

Traitements médicamenteux

Analgésiques

Palier 1

  • Douleurs aiguës ou chroniques d'intensité faible
  • Paracétamol :
    • Mode d'action : action centrale, activité uniquement antalgique et antipyrétique
    • Pharmacocinétique : absorption digestive quasi complète en 45 min, pas de liaison aux protéines plasmatiques, métabolisme hépatique
    • Posologie : 0,5 à 1 g par prise jusqu'à 4 fois par 24h
    • Effets indésirables : allergie rare, toxicité hépatique si > 150 mg/kg (antidote = N-acétyl-cystéine), toxicité rénale à fortes doses
  • Aspirine :
    • Mode d'action : action anti-inflammatoire périphérique, effet anti-agrégant plaquettaire
    • Pharmacocinétique : résorption rapide en 60 min, forte liaison aux protéines plasmatiques, élimination rénale
    • Posologie : 2 à 3 g/j
    • Effets indésirables : digestifs (nausées, douleurs, UGD, hémorragie digestive), hématologiques (hémorragie), allergies, syndrome de Reye (enfant), céphalées, acouphènes, hyperuricémie
  • AINS :
    • Mode d'action : anti-inflammatoires inhibant les cyclo-oxygénases
    • Pharmacocinétique : résorption rapide (1h), liaison protéique forte, élimination biliaire avec cycle entéro-hépatique
    • Ex : kétoprofène per os 150 mg ×2/j, kétoprofène IVL/IM 100 mg ×2/j
    • Effets indésirables : digestifs (UGD +++), allergiques, rénaux (IRA fonctionnelle ou immunoallergique), hématologiques (hémorragies)
    • Précautions chez le sujet âgé : réduire doses selon le poids, vérifier que DFG > 30 mL/min, coprescription d'IPP
  • Néfopam (Acupan) :
    • Mode d'action : antalgique central non morphinique
    • Pharmacocinétique : forte liaison aux protéines plasmatiques, élimination urinaire, action en 15 min et pendant 6h
    • Voie IM profonde ou IV lente : 20 mg/inj, 120 mg/j
    • Effets indésirables : douleur à l'injection, sueurs, nausées, vomissements, malaise, effets anticholinergiques (sécheresse buccale, tachycardie, vertiges, RAU)
    • Contre-indications : convulsions, troubles de la miction, GAFA, TdR, angor

Palier 2

  • Codéine :
    • Mode d'action : morphinique faible
    • Pharmacocinétique : absorption intestinale, métabolisme hépatique rapide en métabolites actifs (dont morphine)
    • Per os uniquement
    • Association avec le paracétamol +++ : paracétamol 500 mg + codéine 30 mg
    • Effets indésirables : nausées ++, somnolence +++, constipation
  • Tramadol :
    • Mode d'action : agoniste partiel des récepteurs opioïdes µ
    • Pharmacocinétique : absorption en 2h, faible liaison protéique, métabolisme hépatique +++ (± rénal)
    • Posologies :
      • Voie orale : 50 à 100 mg/6h en LI, 100 mg/12h en LP ; maximum 400 mg/j
      • IVL : 100 mg/4h jusqu'à 600 mg/j
    • Effets indésirables : nausées, vomissements, somnolence, malaise, constipation, risque d'épilepsie et de syndrome sérotoninergique si association aux antidépresseurs/sérotoninergiques

Palier 3

  • Prescription sur ordonnance sécurisée
  • Pour 7, 14 ou 28 jours
  • Rédaction en toutes lettres

Agonistes purs

  • Conditions de prescription particulières :
    • Titration initiale
    • Pas d'effet plafond, possibilité d'augmentation indéfinie des doses
    • Possibilité d'administration autocontrôlée par PCA
    • Si effets indésirables importants, possibilité de rotation des opioïdes
    • Prévention systématique des effets secondaires : antiémétique + laxatif
    • Effets indésirables communs : nausées, vomissements, constipation, dépression respiratoire, prurit, RAU, pharmacodépendance
  • Morphine (1ère intention) :
    • Pharmacocinétique : absorption rapide par voie orale, 1/3 de biodisponibilité (premier passage hépatique ++), 1/2-vie 2 à 4h selon fonction rénale
    • Schéma en 2 prises de forme LP/j + interdoses (1/6 à 1/10 de la dose de fond) toutes les 4h
    • Titration initiale :
      • 1 mg/kg/j en 2 prises par jour (ou 30 mg×2/j)
      • Interdoses : 10 à 15 % (5 à 10 mg/j)
    • En PCA : dose de fond 0,04 mg/kg/h, interdoses de 0,05 mg/kg, période réfractaire 10 min
    • Risque de syndrome de sevrage à l'arrêt si prolongé → diminution par paliers de 30 à 50%/semaine
    • Equivalences morphine :
Molécule/voie Dose
Morphine per os 60 mg/j
Morphine SC 30 mg/j
Morphine IV 20 mg/j
Fentanyl patch 25 µg/h ×72h
Oxycodone per os 30 mg/j
Hydromorphone per os 8 mg/j
  • Hydromorphone (Sophidone) :
    • Agoniste pur µ
    • 7,5 × puissance de la morphine
    • Elimination urinaire
    • Douleurs intenses d'origine cancéreuse en relais de la morphine si résistance ou intolérance
  • Oxycodone (Oxycontin) :
    • Agoniste pur µ et κ
    • 2 fois la puissance de la morphine
    • Pharmacocinétique : actif en 1h et pendant 12h
    • Indication : traitement des douleurs intenses d'origine cancéreuse en cas de résistance ou intolérance à la morphine
    • Contre-indications : insuffisance rénale, insuffisance hépatique sévère
  • Fentanyl (Durogésic) :
    • Patch laissé en place 72h, changer régulièrement l'emplacement
    • Existe en application buccale (interdoses) : Actiq 200 à 1600 µg

Agonistes-antagonistes

  • Association contre-indiquée avec les agonistes purs (risque de sevrage)
  • Nalbuphine (Nubain) :
    • Agoniste κ, antagoniste µ
    • Pharmacocinétique : action en 5 min IV, 20 min IM ; et pendant 6h
    • Disponible en IV, SC, IM
    • Posologie : 20 µg/kg/6h
    • Douleur aiguë postopératoire de l'enfant ++
  • Buprénorphine :
    • Pharmacocinétique : actif en 30 min par voie orale, 15 min par voie parentérale
    • Douleurs chroniques uniquement
    • Posologies : 0,4 mg/4h en glossettes sublinguales
    • Problème : effet dépresseur respiratoire non antagonisé par la naltrexone

Autres

Antidépresseurs

  • Mécanisme d'action mal connu, central, indépendant de l'effet thymique
  • Analgésie seulement après 5 à 10 jours de traitement
  • Molécules :
    • Antidépresseurs tricycliques : amitriptyline ou clomipramine, 75 à 150 mg/j
    • ISRS : paroxétine 20 à 40 mg/j, venlafaxine 75 à 150 mg/j
  • Indications : douleurs neuropathiques, céphalées, migraines, algies vasculaires de la face, douleurs rhumatologiques chroniques, douleurs cancéreuses
  • Effets secondaires : sédation, hypotension orthostatique, TdR, effets anticholinergiques

Antiépileptiques

  • Effet antalgique par action GABAergique
  • Action sur la composante paroxystique et allodynique des douleurs chroniques +++
  • Molécules :
    • Carbamazépine (Tégrétol) 10 mg/kg/j, augmentation par paliers
    • Gabapentine (Neurontin) 300 mg/j à augmenter par paliers de 10 jours jusqu'à 1200 mg/j max
  • Indications : douleurs neuropathiques périphériques (névralgies trigéminales, douleurs post-zostériennes, neuropathie diabétique), douleurs centrales post-AVC, migraines
  • Effets indésirables : somnolence, troubles de l'équilibre, troubles hématologiques, hépatiques, cardiovasculaires

Traitements spécifiques

  • Antimigraineux spécifiques : triptans +++ (voir migraine)
  • Psychotropes : sédatifs/anxiolytiques utilisés pour traiter les effets psychologiques de la douleur mais risque de potentialisation des effets dépresseurs respiratoires
  • Myorelaxants et antispasmodiques :
    • Contracture musculaire douloureuse : thiocolchicoside
    • Contractures douloureuses d'origine neurologique centrale (SEP, AVC) : baclofène
    • Spasme digestif, utérin ou urinaire : phloroglucinol
  • Biphosphonates : maladie de Paget, ostéoporose, hypercalcémies majeures, métastases osseuses
  • Corticothérapie locale et générale

Traitements non médicamenteux

Neurochirurgicaux

  • Interruption des voies de la nociception :
    • Douleurs par excès de nociception chroniques (cancer +++) mal contrôlées par les morphiniques
    • Radicellectomie postérieure sélective : en cas de douleur limitée, respecte la sensibilité profonde
    • Cordotomie spinothalamique cervicale ou dorsale : douleurs strictement unilatérales intenses
    • Thermocoagulation du nerf trijumeau par voie percutanée
  • Méthodes augmentatives :
    • Uniquement en cas de douleurs neuropathiques
    • Neurostimulation transcutanée à visée antalgique : topographie mono/biradiculaire, stimulation à haute fréquence et faible intensité par électrodes fixées sur la peau
    • Stimulation médullaire :
      • Indications : douleurs neuropathiques sévères secondaires à une lésion tronculaire/radiculaire, douleurs postamputation, dystrophie réflexe sympathique
      • Méthode : électrode quadripolaire dans l'espace péridural postérieur relié à un pacemaker neurologique contrôlé par télémétrie
    • Stimulation cérébrale profonde : douleurs neuropathiques sévères, implantation stéréotaxique au niveau du noyau ventro-postéro-latéral du thalamus
    • Stimulation du gyrus moteur
  • Pharmacothérapie locale :
    • Morphinothérapie intrathécale : douleurs néoplasiques intenses unilatérales rebelles à la morphine per os
    • Morphinothérapie intracérébroventriculaire : algies cervicofaciales diffuses liées aux cancers des VADS

Méthodes co-analgésiques

  • Thermothérapie : analgésie par la chaleur
  • Cryothérapie : analgésie par le froid, douleurs ostéoarticulaires +++
  • Vibrothérapie : douleurs rhumatologiques
  • Prise en charge psychologique : psychothérapie, techniques de relaxation/d'hypnose