61 : Troubles nutritionnels chez le sujet âgé

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Objectifs

  • Diagnostiquer un trouble nutritionnel chez le sujet âgé
  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi de l’évolution

Nutrition normale

Dépenses énergétiques

  • Dépense énergétique de repos : 60% de la DET, nécessaire au maintien de la vie, inchangée si rapportée à la masse maigre (26,5 kcal/kg/j)
  • Dépense énergétique liée à l'effet thermique des aliments : 10% de la DET, inchangée chez la personne âgée
  • Dépense énergétique liée à l'activité physique :
    • Part variable, activité physique diminuant avec l'âge
    • Augmentation de la dépense énergétique nécessaire pour assurer un même effort

Besoins nutritionnels de la personne âgée

  • Besoins énergétiques : 30 kcal/kg/j environ
  • En situation d'agression, 35 à 45 kcal/kg/j
  • Besoins en eau (tous apports confondus) : 35 à 45 mL/kg/j
    • Diminution de la sensation physiologique de soif
    • Réduction volontaire de la consommation d'eau pour diminuer les gênes : difficulté à se rendre aux toilettes, levers nocturnes
    • Réduction du pouvoir de concentration des urines
  • Besoins en protéines : 1 g/kg/j, dont 60% d'origine animale
  • Besoins en glucides : 50% de l'AET, encourager les apports en glucides complexes au détriment des sucres simples
  • Besoins en lipides : 10 g/j d'acides gras essentiels (1 cuillerée à soupe d'huile végétale)
  • Besoins en vitamines :
    • Besoins en vitamine D rarement couverts → carence à corriger surtout en cas d'ostéoporose
    • En cas d'institutionnalisation : risque de carence en folates, B12 et C
  • Minéraux et oligoéléments :
    • Calcium : 1200 mg/j, à associer à la vitamine D si nécessité de supplémentation
    • Phosphore : 450 mg/j, souvent couverts
    • Magnésium : 400 mg/j, apporté par chocolat, fruits secs, fruits de mer, céréales entières...
    • Fer : 10 mg/j, carence par apports rare
    • Zinc : 15 mg/j, couverts en général

Dénutrition protéino-énergétique

  • 5% des personnes âgées vivant à domicile, 50% des personnes âgées hospitalisées

Diagnostic

  • Evaluation de l'état nutritionnel systématiquement recommandée chez les patients âgés
  • Critères diagnostiques[1]
Critères Dénutrition Dénutrition sévère
Perte de poids ≥ 5% en 1 mois
≥ 10% en 6 mois
≥ 10% en 1 mois
≥ 15% en 6 mois
IMC < 21 < 18
MNA < 17
Albuminémie < 35 < 30
  • Quantification des ingesta : enquête alimentaire
  • Echelles de dépistage : MNA (enquête alimentaire rapide, examen clinique, interrogatoire, mesures anthropométriques ; total sur 30 pts)
  • Anthropométrie :
    • Poids : simple, à répéter, intérêt particulier en cas de variation
    • IMC : chez un sujet âgé, norme > 21 kg/m² ; en cas d'impossibilité de station debout, estimation par la distance talon-genou
    • Circonférences des membres : évaluation de la composition corporelle → circonférence brachiale et mesure des plis cutanés ++ pour estimer la masse musculaire
  • Biologie :
    • Albumine : T½ = 21 j, N > 40 g/L (dénutrition < 35 g/L)
    • Préalbumine (ou transthyrétine) : T½ = 2 j, N > 0,3 g/L (dénutrition < 0,2 g/L)
    • Couplés au dosage de la CRP
    • Score pronostique biologique = PINI (Prognostic Inflammatory and Nutritional Index), fonction de la CRP, de l'orosomucoïde, de l'albumine et de la transthyrétine

Causes

  • Modifications physiologiques liées à l'âge :
    • Incapacité à adapter ses apports en fonction des situations
    • Elévation du seuil des goûts
    • Altération de l'odorat et de la vision
    • Altération de l'état bucco-dentaire
    • Hypochlorhydrie gastrique → retard à la vidange gastrique
    • Ralentissement du transit intestinal
  • Insuffisances d'apports :
    • Causes socio-environnementales : isolement socio-familial, diminution des ressources, hospitalisation
    • Régimes contraignants et traitements
    • Diminution des capacités alimentaires : hygiène buccale défectueuse, difficultés masticatoires, troubles de déglutition, effet anorexigène de l'alcool
    • Diminution des capacités motrices : marche, déficits moteurs gênant l'approvisionnement, dépendance vis-à-vis de l'entourage
    • Pathologies associées : mycoses, maladies du tube digestif, troubles cognitifs, dépression
  • Etats d'hypercatabolisme :
    • A rechercher systématiquement si les apports ne permettent pas d'expliquer l'amaigrissement
    • Secondaire à : pathologies infectieuses, destruction tissulaire, cicatrisation tissulaire
    • Nécessité d'augmenter les apports nutritionnels

Conséquences

Sur les grandes fonctions

  • Fonction musculaire : Sarcopénie
    • Majoration de la diminution physiologique de la masse musculaire en cas d'apports insuffisants, d'activité physique insuffisante, d'alitement et de maladie
    • Manifestation clinique = amyotrophie
    • Evaluation : circonférence des membres et force musculaire
    • Conséquences :
      • Diminution des réserves protéiques utiles en cas d'épisode aigu
      • Retentissement sur la motricité (avec difficultés d'alimentation secondaires !)
      • Altération de la thermorégulation
      • Diminution du capital osseux
      • Perte d'autonomie fonctionnelle
  • Dysfonction immunitaire :
    • Lymphopénie
    • Infections vont elles-mêmes aggraver la DPE
  • Fonction digestive : ralentissement du transit intestinal avec risque de fécalome
  • Pharmacologie des médicaments : ↓ albumine → ↑ concentrations plasmatiques → ↑ toxicité
  • Sécrétions hormonales :
    • Insulinorésistance transitoire nécessitant parfois une insulinothérapie
    • Diminution isolée des taux de T3 (TSH normale)

Conséquences des déficits en micronutriments

  • Peuvent exister même sans DPE, mais la DPE s'accompagne toujours de déficit en nutriments
  • Déficit en vitamine D → aggravation de la perte minérale osseuse physiologique, risque fracturaire
  • Déficit en vitamines B (folates ++) → asthénie, troubles psychiques, encéphalopathies, neuropathies, anémie, déficits immunitaires
  • Carence en zinc : perte de goût entretenant l'anorexie, déficit immunitaire, troubles cutanés

Autres

  • Augmentation de la morbidité infectieuse (RR = 2-6)
  • Augmenation de la mortalité (RR = 2-4)
  • Cercle vicieux en cas d'hypercatabolisme
  • Troubles psychiques constants
  • Surconsommation des services de santés : surcoût ≈ 60%, 3 fois plus d'hospitalisations

Prise en charge

Prévention

  • Approche générale : revenus, capacité à faire les courses et à préparer les repas, quantités, etc.
  • Maintenir une activité physique régulière
  • Hygiène corporelle et bucco-dentaire

Support nutritionnel en situation aiguë

  • Moyens :
    • Alimentation enrichie :
      • Ajout d'aliments riches dans la portion : œuf, fromage, jambon...
      • Simple, diminue la dépendance
    • Compléments oraux :
      • Collations en 1ère intention
      • Préparations commerciales complètes : utilisation simple, goût correct, mais coût +++ → court terme
    • Nutrition entérale :
      • Technique à préférer si l'appareil digestif n'est pas défaillant
      • SNG ne doit pas être laissée en place trop longtemps
      • Objectif = passer un cap nutritionnel difficile
      • Alternative à la SNG après quelques semaines : gastrostomie percutanée
      • Questions éthiques +++, discussion collégiale soignants-famille
      • Principale complication : pneumopathies par reflux → position assise ou semi-assise ; contre-indication en cas de démence
      • Débit adapté, augmentation progressive
    • Nutrition parentérale :
      • Risque d'hypervolémie, d'infection nosocomiale, de troubles hydroélectrolytiques
      • Mauvaise tolérance périphérique → VVC, à remplacer par une chambre implantable si prolongé
      • Questions éthiques +++
    • Hypodermoclyse :
      • Perfusion de liquide sous-cutanée pour réhydratation
      • Glucosé ou SSI, pas plus d'1,5 L /24h par site
  • Efficacité :
    • Clinique : surveillance poids, PA, état d'hydratation, transit, appétit, guérison des infections, cicatrisation des escarres...
    • Biologique : glycémie, ionogramme, CRP, pré-albumine

Problèmes éthiques liés à l'alimentation artificielle

  • 3 objectifs :
    • Améliorer le pronostic
    • Eviter les complications
    • Assurer le confort
  • Importance de concilier la bienveillance avec le respect de l'autonomie
  • Importance des facteurs pronostiques objectifs prédictifs
  • Débat au sein de l'équipe gériatrique (médecins, infirmières, aide-soignants) fonction des souhaits du malade, du pronostic, des difficultés techniques, des objectifs raisonnablement attendus et de la qualité de vie
  • Consensus remis régulièrement en question
  • Importance de l'explication au patient et à la famille

Alimentation en fin de vie

  • Avant tout traiter les obstacles à l'alimentation :
    • Douleur
    • Symptômes entravant le confort : dyspnée, constipation
    • Vérifier que les prothèses dentaires sont adaptées
    • Assurer une bonne hygiène buccale
  • Alimentation : pas d'exigence d'efficacité → privilégier le bien-être
    • Respect des souhaits du malade, de ses habitudes
    • Privilégier des petits repas fréquents
    • Adapter la texture aux possibilités du malade
    • Présentation attractive des plats
    • Convivialité des repas
  • Hydratation :
    • Procure souvent un certain confort
    • Parfois peu adaptée → possibilité de ne pas réhydrater en fin de vie
    • Dans tous les cas, assurer le confort : hygiène buccale, humidification de la bouche

Sources

  1. Recommandations HAS 2007 : Dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée