43 : Troubles du sommeil de l’enfant et de l’adulte
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Sommaire
Objectifs
- Diagnostiquer les troubles du sommeil du nourrisson, de l’enfant et de l’adulte
- Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient
Insomnies
- Insatisfaction concernant la quantité ou la qualité du sommeil avec répercussions diurnes
- Plaintes considérées comme significatives :
- Difficultés d'endormissement ≥ 3 /semaine
- Réveils nocturnes ≥ 3 /semaine
- Sommeil non réparateur ≥ 3 /semaine
- Avec sensation de perturbation du fonctionnement diurne
Classification
- Selon la durée :
- Insomnies transitoires : < 3 mois, causes occasionnelles réversibles (anxiété, stress psychologique ou physique, facteurs environnementaux, mauvaise hygiène veille/sommeil)
- Insomnies chroniques = > 3 mois
- Selon l'existence d'une cause ou non dans les insomnies chroniques
Insomnies chroniques
- Insomnies chroniques secondaires :
- Trouble mental : affection psychiatrique (dysthymie ++ et troubles anxieux)
- Pathologie intrinsèque du sommeil : syndrome des jambes sans repos, mouvements périodiques nocturnes du sommeil, SAS
- Pathologie médicale chronique : douleur, inflammation, cancer, rhumatisme, maladie neurologique, asthme, RGO
- Mauvaise hygiène de sommeil
- Effets physiologiques d'une substance (médicament, toxique)
- Insomnie psychophysiologique (insomnie persistante primaire) :
- La plus fréquente des insomnies chroniques
- Survenue à l'occasion d'un événement de vie : deuil, séparation ; mais absence de retour à un sommeil normal
- Difficultés d'endormissement, trouble du maintien du sommeil, hyperéveil cognitif et émotionnel
- Sommeil perçu comme non réparateur, fatigue mais échec des tentatives de sieste
- Installation de pensées dysfonctionnelles avec attentes irréalistes par rapport au sommeil
- Insomnies paradoxales :
- Mauvaise perception du sommeil
- Plainte d'insomnie, de nuit blanche ; contrastant avec les troubles objectivés
- Parfois, différents facteurs intriqués
Spécificités de l'enfant
- Causes environnementales :
- Petit enfant : mauvaises habitudes parentales, présence parentale lors de l'endormissement
- Enfants/adolescents : consommation télévisuelle et informatique
- Causes organiques :
- Causes psychologiques :
- Nourrisson : difficultés relationnelles avec l'entourage, déficits éducatifs
- Trouble envahissant du développement, retard mental
- Angoisse de séparation (> 2 ans)
Démarche diagnostique
Interrogatoire
- Chronologie : histoire du patient, chronologie et mécanismes de l'insomnie, transitoire ou chronique
- Conditions d'endormissement (TV au lit, activités vespérales)
- Contexte psychique
- Environnement, habitudes, contraintes
- ATCD et traitements en cours
- Signes évocateurs de pathologie du sommeil : ronchopathie, apnées nocturnes
- Evaluation précise du sommeil :
- Type de difficultés : endormissement, maintien du sommeil, réveil précoce
- Horaires de sommeil, rythme circadien
- Conséquences : retentissement diurne, automédication (alcool, toxiques)
- Rechercher une cause :
- Pathologie psychiatrique
- Syndrome des jambes sans repos, troubles respiratoires au cours du sommeil
- Pathologie médicale chronique invalidante
- Prise de toxiques
- Facteurs environnementaux et comportementaux (bruit, température, enfant en bas âge, hygiène du sommeil)
Agenda du sommeil
- Essentiel pour évaluer le sommeil et sa prise en charge
- Consigner au jour le jour les horaires et la qualité du sommeil, les réveils nocturnes
Examens complémentaires
- Enregistrement actimétrique : accéléromètre au poignet → rythme activité-repos objectif sur plusieurs semaines
- Polysomnographie :
- Eliminer une étiologie spécifique : troubles respiratoires, mouvements périodiques nocturnes
- Objectiver la plainte : insomnie paradoxale par mauvaise perception
Prise en charge
- Avant tout étiologique si possible (psychiatrique, prise en charge d'une douleur)
- Hypnotiques :
- Indiqués dans le traitement des insomnies transitoires, pour une durée limitée
- En association à la prise en charge des facteurs favorisants
- Informer le patient du risque de dépendance
- Classes : BZD et analogues, ATD sédatifs, agonistes de la mélatonine, antihistaminiques
- Risques :
- Perte d'efficacité objective (BZD de 1/2-vie courte +++)
- Phénomène de sevrage (effet rebond à l'arrêt)
- Effets indésirables : somnolence diurne, interaction avec l'alcool, troubles mnésiques, syndrome confusionnel
- Traitements comportementaux :
- Hygiène de sommeil : éducation sur les erreurs comportementales nuisant au sommeil :
- La journée : bien s'exposer à la lumière, éviter les siestes longues ou en fin d'après-midi, éviter les excitants
- Le soir : éviter le sport après 17h, pas de repas copieux ou d'alcool au dîner, activité de détente
- La nuit : chambre aérée, au calme, sombre, température entre 18 et 20 °C ; réserver le lit au sommeil
- Thérapie cognitivo-comportementale : approche éducative, comportementale, cognitive, et techniques de relaxation
- Hygiène de sommeil : éducation sur les erreurs comportementales nuisant au sommeil :
Somnolence excessive
- Etat subjectif et objectif d'éveil physiologique abaissé avec propension à l'assoupissement
- Interaction entre régulations homéostatique et circadienne
- Enjeu de santé publique : absentéisme et risque d'accident de la route
Evaluation
Subjective
- Interrogatoire orienté :
- Besoin de lutter contre le sommeil
- Notion d'endormissements involontaires dans diverses circonstances avec fréquence et horaire
- Accidents liés à l'endormissement
- Point de vue intéressant de l'entourage
- Questionnaires : échelle d'Epworth
Objective
- Test itératif de latence d'endormissement :
- Mesure de la latence d'endormissement et du stade de sommeil d'endormissement (EEG)
- A 5 reprises dans la journée, toutes les 2 h, en conditions standards, sujet allongé, en demandant au sujet de se laisser aller au sommeil
- Latence moyenne > 10 min considérée comme normale
- Hypersomnie centrale : < 8 min
- Si < 5 min, sévère
- Test de maintien d'éveil :
- Mêmes conditions mais sujet assis et consigne de résister au sommeil
- Utilité médico-légale pour définir l'aptitude au poste et à la conduite automobile
Etiologie
- Somnolence excessive induite :
- Privation chronique de sommeil
- Médicaments, toxiques, alcool
- Perturbation induite du rythme circadien veille-sommeil (travail posté, vols transméridiens)
- Ou pathologique :
- Pathologie altérant le sommeil de nuit (SAS, jambes sans repos, etc.)
- Primaire : pathologie intrinsèque par atteinte d'un système d'éveil (narcolepsie, etc.)
- Trouble du rythme circadien veille-sommeil
Troubles respiratoires au cours du sommeil
- Nosologie :
- Apnée : interruption du flux respiratoire > 10 sec
- Hypopnée : réduction du flux respiratoire > 10 sec, > 50% ou 30% avec désaturation > 3% ou micro-éveil
- IAH : index apnées/hypopnées (/h de sommeil)
- Augmentation des résistances des VAS : ↑ efforts respiratoires avec microéveil mais à flux respiratoire conservé et sans hypoxémie
- Syndrome d'apnées du sommeil :
- Obstructif : IAH > 5 + symptômes nocturnes (ronflements ++) et diurnes (somnolence excessive)
- Modéré : 15 < IAH < 30
- Sévère : IAh > 30
- Central : IAH > 5 avec majorité d'événements centraux ± respiration périodique de Cheyne-Stokes
- Obstructif : IAH > 5 + symptômes nocturnes (ronflements ++) et diurnes (somnolence excessive)
- Syndrome d'augmentation de résistance de VAS (SARVAS) : survenue de séquences répétées d'augmentation de résistance des VAS
- Facteurs de risque :
- Age
- Sexe masculin
- Obésité
- Tabac, alcool
- Cou court, épais, macrognathie, rétrognathie
- Clinique :
- Signes fonctionnels nocturnes : ronflement, pauses respiratoires, éveils en suffocation, nycturie, sueurs nocturnes
- Signes fonctionnels diurnes : somnolence, céphalées matinales, troubles cognitifs (concentration et mémoire ++), irritabilité, troubles de l'humeur, baisse de la libido
- Chez l'enfant : ronflement, somnolence diurne, irritabilité
- Rechercher une obésité, une HTA, un tour de cou augmenté, micro/rétrognathie
- Confirmation diagnostique :
- Polygraphie respiratoire = examen de dépistage pour les formes sévères
- Polysomnographie = référence, recherche de microéveils et du retentissement sur le sommeil
- Mesures objectives de la somnolence diurne
- Conséquences :
- Traitement :
- Pression positive continue (référence), efficace mais astreignant
- Orthèse d'avancement mandibulaire portée la nuit
- Chirurgie d'avancement mandibulaire si indication justifiée
- Traitements positionnels
- Uvulo-palato-pharyngoplastie
- Correction des facteurs aggravants : réduction pondérale, arrêt de l'alcool et des hypnotiques
- Chez l'enfant, adéno-amygdalectomie ± traitement orthodontique
Syndrome des jambes sans repos et mouvements périodiques nocturnes
- Souvent associés
- Syndrome des jambes sans repos :
- Sensation désagréable des membres inférieurs survenant au repos, maximum le soir, améliorée par le mouvement avec besoins impérieux de bouger les jambes
- Rechercher une carence martiale associée
- Possible chez l'enfant, diagnostic différentiel d'un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité
- Mouvements périodiques du sommeil :
- Mouvements répétitifs stéréotypés des membres (inférieurs ++) pendant le sommeil et la veille
- Peuvent être associés à des microéveils avec fragmentation du sommeil en cas de répétition
- Objectivés par la polysomnographie avec enregistrement vidéo
- Explorations :
- SJSR : diagnostic clinique, PSG si difficultés diagnostiques ou recherche de MPS associés
- MPS : enregistrement EMG des muscles tibiaux antérieurs lors d'une PSG avec microéveils associés
- Traitement :
- Corriger les facteurs favorisants : arrêt un médicament responsable, corriger une carence martiale, équilibrer un diabète
- Médicamenteux : agonistes dopaminergiques (ex : ropinirole), antiépileptique hors AMM, dérivé codéiné hors AMM
- Fonction de la sévérité
Hypersomnies d'origine centrale
Narcolepsie
- Accès de somnolence diurne irrépressibles avec ou sans cataplexie
- Physiopathologie : destruction auto-immune des neurones à hypocrétine de l'hypothalamus contrôlant l'éveil
- Clinique :
- Somnolence diurne irrésistible : accès de somnolence survenant par vagues au cours de la journée
- ± Cataplexie : relâchement du tonus musculaire déclenché par une émotion positive ou négative < 2 min, en pleine conscience, complète ou incomplète
- Parfois paralysies du sommeil hypnagogiques ou hypnopompiques
- Voire hallucinations hypnagogiques (rarement hypnopompiques)
- Sommeil fragmenté, siestes réparatrices
- Explorations complémentaires :
- PSG : fragmentation du sommeil
- Tests itératifs de latence d'endormissement : latence < 8 min avec endormissement en sommeil paradoxal lors d'au moins 2 sessions
- Dosage de l'hypocrétine dans le LCS en cas de doute diagnostique
- Traitement :
- De la somnolence : modafinil (ordonnance d'exception) en 1ère intention, siestes dès que possible
- Traitement des cataplexies et autres anomalies associées : γ-hydroxy-butyrate (Xyrem), ATD tricycliques ou IRS
- Améliorer le sommeil de nuit
- Prise en charge des conséquences psychosociales
Hypersomnie idiopathique
- Clinique :
- Somnolence diurne d'étiologie indéterminée
- Débute chez l'enfant ou l'adolescent
- Somnolence diurne quasi-permanente avec accès de sommeil résistibles
- Inertie du sommeil : réveil laborieux, ivresse du sommeil
- Siestes non-rafraîchissantes
- Distinction : avec temps total de sommeil allongé (> 10h) ou normal
- Exploration :
- PSG : éliminer une autre pathologie du sommeil
- TILE : latence < 8 min, pas d'endormissement en SP
- Actimétrie : estimation du temps total de sommeil
- Si doute diagnostique : imagerie cérébrale, évaluation psychologique
- Traitement :
- Modafinil en 1ère intention, méthylphénidate ; en centre de référence
- Prise en charge des conséquences psychosociales
Causes rares
- Syndrome de Kleine-Levin : hypersomnie récurrente par crises de quelques jours avec troubles du comportement (prise alimentaire compulsive, désinhibition sexuelle), troubles cognitifs et amnésie partielle de l'épisode
- Trypanosomiase africaine
- Tumeurs ou lésions ischémiques thalamiques
- Trouble psychiatrique
Trouble du rythme circadien veille-sommeil
- Fréquents +++
- Types :
- Syndrome de retard de phase : adolescent ++, endormissement et réveil tardifs avec difficultés d'endormissement et de réveil en cas de contraintes socio-professionnelles
- Syndrome d'avance de phase : sujet âgé, incapacité à rester éveillé le soir et éveils matinaux précoces
- Décalage horaire : transitoire, vols transméridiens, insomnie + somnolence diurne
- Troubles du rythme circadien liés au travail posté : somnolence diurne et insomnie, risque accru d'accidents
- Explorations : agenda de sommeil, actimétrie
- Traitement : régularisation des activités, hygiène du sommeil, luminothérapie voire mélatonine
Parasomnies
Sommeil lent profond
- Eveils incomplets ou dissociés en 1ère partie de nuit, avec activité automatique simple et amnésie de l'épisode
- Formes familiales ++
- Facteurs déclenchants : privation de sommeil, activité physique intense, fièvre, médicaments...
- Somnambulisme :
- Enfants +++
- Déambulation inconsciente, désorientation temporo-spatiale, lenteur de parole
- Diagnostic différentiel : épilepsie nocturne frontale
- Terreurs nocturnes :
- Enfants
- Brutalement, manifestations de terreur intense avec cri, pleurs, panique yeux ouverts, manifestations végétatives
- Amnésie totale de l'épisode si on ne réveille pas l'enfant
- En cas de réveil, réveil confus → ≠ cauchemar
- Eveils confusionnels :
- Confusion mentale, DTS, comportements automatiques
- Diagnostic à l'interrogatoire (entourage ++) ou en vidéo-PSG
- Traitement : information, réassurance, protéger des endroits à risque, éviter les privations de sommeil
Sommeil paradoxal
- Troubles du comportement en SP :
- Sujet d'âge mûr, prédominance masculine
- Comportement moteur élaboré agressif ou défensif sans déambulation, correspondant au contenu d'un rêve
- Association prodromale aux maladies dégénératives extrapyramidales : maladie de Parkinson, AMS
- Diagnostic : interrogatoire (entourage ++), vidéo-PSG
- Traitement : clonazépam
- Paralysies du sommeil
- Cauchemars
Autres
- Enurésie nocturne : mictions récurrentes après 5 ans
- Rythmies d'endormissement :
- Mouvements répétitifs, rythmiques et stéréotypés de la tête, du tronc ou du cou survenant au moment de l'endormissement
- Petite enfance +++ mais peut persister à l'âge adulte
- Comportement auto-apaisant
- Bruxisme : grincement des dents pendant le sommeil lent léger ; traitement orthodontique
- Somniloquie
- Trouble alimentaire lié au sommeil : prises involontaires de boissons et d'aliments la nuit