319 : Hypercalcémie (avec le traitement)

De Wiki ECN
Aller à : navigation, rechercher

Objectifs

  • Devant une hypercalcémie :
    • Argumenter les principales hypothèses diagnostiques
    • Justifier les examens complémentaires pertinents
  • Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Physiopathologie

  • 3 mécanismes possibles :
    • ↑ absorption intestinale : excès de vitamine D (granulomatose), surdosage thérapeutique en vitamine D, excès d'apports
    • ↑ résorption osseuse : excès de PTH (ou PTHrp), hyperthyroïdie, hypercorticisme, métastase osseuse, hémopathie, immobilisation prolongée
    • ↓ excrétion rénale : déshydratation (favorisée par l'hypercalciurie chronique), diurétiques thiazidiques, lithium

Diagnostic

Clinique

  • Signes aspécifiques, évocateurs par leur association
  • Hypercalcémies modérées (< 3 mmol/L) souvent asymptomatiques
  • Signes généraux : asthénie, fatigabilité musculaire
  • Signes rénaux : polyuropolydipsie, lithiases rénales récidivantes bilatérales
  • Signes neuropsychiques : apathie, somnolence, altération de la conscience jusqu'au coma
  • Signes cardiovasculaires : hypertension, raccourcissement du QT
  • Hypercalcémie maligne :
    • Calcémie > 3,25 mmol
    • Déshydratation qui entretien l'hypercalcémie
    • Urgence métabolique
    • Risque cardiaque : TdR, bradycardie voire asystolie
    • Risques augmentés avec les digitaliques → contre-indiqués

Biologique

  • Calcémie mesurée = calcium lié (aux protéines + complexé à des anions) + calcium ionisé
  • Seuls calcium ionisé et calcium complexé sont diffusibles et ultrafiltrables
  • Calcium ionisé = principe actif des mécanismes physiologiques
  • Hypercalcémie : calcémie > 2,63 mmol/L (105 mg/L) ou calcium ionisé > 1,35 mmol/L
  • Théoriquement, calcium ionisé = 50% calcium total, sauf :
    • Acidose : ↑ proportion du calcium ionisé (alcalose la ↓)
    • Hyperprotidémie : ↑ calcémie totale mais pas le calcium ionisé
    • ↑ phosphore ou sulfate → ↓ calcium ionisé

$$ Calcemie \; corrigee = Calcemie \; mesuree \; + \; \frac{ 40 \; - \; Albumine }{ 40 } $$

  • En cas d'acidose ou d'hyperprotidémie, doser la calcémie ionisée

De gravité

  • ECG à la recherche d'une hypercalcémie menaçante :
    • Tachycardie sinusale
    • Raccourcissement du QT
    • Aplatissement de l'onde T
    • Allongement du PR
    • Troubles du rythme


Moyen mnémotechnique : Signes ECG d'hypercalcémie

Ta raquette plate perd son rythme :
Tachycardie, Raccourcissement QT, Aplatissement de T, élargissement PR, troubles du rythme

Etiologie

Hyperparathyroïdie primaire

  • Cause la plus fréquente
  • Hypercalcémie franche, souvent > 3 mmol/L

Atteinte osseuse

  • Cliniques : douleurs osseuses calmées par le repos, tuméfactions, fractures pathologiques
  • Radiologiques :
    • Voûte crânienne : ostéoporose granuleuse
    • Mâchoires : disparition des lamina dura
    • Mains : résorption des houppes phalangiennes
    • Bassin-fémurs : stries de Looser-Milkmann
    • Tassements vertébraux
    • Ostéite fibrokystique de von Recklinghausen
  • Importance de la densitométrie osseuse pour évaluer la gravité et orienter la thérapeutique

Confirmation diagnostique

  • PTH élevée ou normale inadaptée (PTH 1-84)
  • Phosphorémie : hypophosphorémie (↑ clairance par PTH), mais peut varier en fonction des apports et de la fonction rénale
  • Calciurie : ↑ dans l'HPT1 (↑ calcium complexé ultrafiltrable non-résorbable)
  • Imagerie parathyroïdienne :
    • Echographie
    • Scintigraphie au MIBI
    • Utile uniquement pour localiser un adénome parathyroïdien en vue d'une ablation chirurgicale par abord latéralisé mini-invasif

Diagnostics différentiels

  • Syndrome hypercalcémie-hypocalciurie familiale
  • Sécrétion paranéoplasique de PTHrp
  • Hyperparathyroïdie secondaire (adaptation physiologique à une hypocalcémie) : insuffisance rénale chronique +++
  • Hyperparathyroïdie tertiaire : autonomisation d'une hyperparathyroïdie secondaire par adénome parathyroïdien

Diagnostic étiologique

  • But : définir si l'HPT1 est isolée ou s'inscrit dans le cadre d'une NEM (Néoplasie Endocrinienne Multiple), autosomique dominante
  • HPT1 isolée : adénome unique, adénomes multiples, rares cancers parathyroïdiens
  • NEM1 : 3P = hyperparathyroïdie, tumeur endocrinienne pancréatique, atteinte pituitaire (adénome hypophysaire) ; mutation du gène de la ménine
  • NEM2A : cancer médullaire de la thyroïde puis HPT1 multiglandulaire puis phéochromocytome bilatéral ; mutation activatrice du proto-oncogène RET
  • Toute HPT1 avant 40 ans est suspecte d'être génétique

Hypercalcémie des affections malignes

  • 5% des cancers
  • PTH plasmatique basse
  • Tumeurs solides : poumon, sein, rein, tractus digestif
  • Toutes les hémopathies malignes, surtout myélome
  • Souvent due à la sécrétion par des cellules tumorales de PTHrp (related peptide)
  • Tableau : résorption osseuse accrue, hypercalciurie, phosphorémie normale par freinage de sécrétion de vitamine D
  • PTHrp peut être dosé par méthodes immunologiques

Granulomatoses

  • Sarcoïdose +++
  • Production non-régulée de 1,25-OH-Vitamine D par le tissu granulomateux
  • Diagnostic différentiel avec HPT1 : contexte clinique, hyperphosphorémie, PTH basse

Hypercalcémies iatrogènes

  • Vitamine D et dérivés en cas de surdosage ; hypercalcémie, hyperphosphorémie, PTH basse, 1,25-OH-Vitamine D augmentée
  • Vitamine A :
    • Hypercalcémie par action directe sur l'os
    • Autres signes : asthénie, douleurs musculaires et osseuses, alopécie des sourcils, chéilite fissuraire
    • Causes : isotrétinoïde +++ (acné, psoriasis)
  • Diurétiques thiazidiques : ↓ excrétion urinaire du Ca, hypocalciurie
  • Lithium :
    • Action directe sur la cellule parathyroïdienne (abaissement du seuil de sécrétion)
    • ↑ réabsorption tubulaire
    • Régresse à l'arrêt du traitement
  • Buveurs de lait : automédication des UGD, rarement, automédication par fortes doses d'antiacides ou traitement par carbonate de calcium

Immobilisation

  • Surtout pathologiques neurologiques ou orthopédiques du sujet jeune
  • Par diminution de l'ostéosynthèse
  • En général hypercalciurie, hypercalcémie rare sauf insuffisance rénale associée
  • Régression en 6 mois environ après l'arrêt de l'immobilisation

Hypercalcémie des endocrinopathies

  • Hyperthyroïdie, par accélération du renouvellement osseux
  • Insuffisance surrénale aiguë : hypercalcémie modérée par hémoconcentration et insuffisance rénale fonctionnelle
  • Phéochromocytome

Hypercalcémie-hypocalciurie familiale bénigne

  • Hypercalcémie bien tolérée, hypophosphorémie, hypermagnésémie, calciurie basse, PTH normale
  • Maladie héréditaire autosomique dominante, gène du récepteur du calcium de la cellule parathyroïdienne
  • Forme hétérozygote de l'hyperparathyroïdie sévère néonatale (rare +++)

Traitement

  • Si possible, traitement étiologique (peut être fait seul si pas d'hypercalcémie maligne)
  • Si pas de traitement étiologique → traitement médical palliatif

Traitement de l'hyperparathyroïdie primitive

  • Ablation chirurgicale des adénomes
  • 2 techniques : chirurgie conventionnelle et chirurgie mini-invasive
  • Sous AG, exploration des glandes et recherche de glande surnuméraire voire d'ectopie

Traitement médical de l'hypercalcémie

  • Biphosphonates : inhibent la résorption osseuse
  • Calcimimétiques = cinacalcet (Mimpara) :
    • Agonistes sur les récepteurs membranaires au calcium → freinent la sécrétion de PTH
    • Alternative en l'absence de traitement étiologique définitif possible
  • Hypercalcémie maligne :
    • > 3,7 mmol/L, coma, collapsus, risque d'arrêt cardiaque


Moyen mnémotechnique : Traitement de l'hypercalcémie maligne

Ré-ABCDE : hydratation, Arrêt des médicaments hypercalcémiants, Biphosphonates, Calcitonine, Diurèse forcée, Epuration extra-rénale