310 : Elévation de la créatininémie
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Sommaire
Objectifs
- Devant une élévation de la créatininémie :
- Argumenter les principales hypothèses diagnostiques
- Justifier les examens complémentaires pertinents
Définition
- Valeurs normales de la créatininémie :
- 50 - 90 µmol/L chez la femme
- 80 - 115 µmol/L chez l'homme
- Elévation significative documentée par la clairance de la créatinine qui permet d'estimer le débit de filtration glomérulaire :
- Par la formule du MDRD (nécessite un calcul électronique)
- Par la formule de Cockroft-Gault :
$$ DFG = k \times \frac { (140 \; - \; Age \; [annees]) \times Poids \; [kg]} {Creatininemie \; [\mu mol/L]} $$ avec k = 1,23 chez l'homme et 1,04 chez la femme
- Limites de la formule de Cockroft-Gault :
- Ages extrêmes (< 20 ans/> 75 ans)
- Obésité
- Dénutrition majeure
- Syndrome œdémateux
- Déshydratation
- Grossesse
- Définition de l'insuffisance rénale :
- DFG normal = 90 - 120 mL/min
- Insuffisance rénale indiscutable si DFG < 60 mL/min
- Entre 60 et 90 → tenir compte des marqueurs d'atteinte rénale chronique sur 3 mois : protéinurie, hématurie, leucocyturie, anomalie morphologique de l'appareil urinaire
Indications d'un dosage de la créatinine[1]
- Patients ayant une anomalie rénale : protéinurie, hématurie, uropathie, lithiase, infections urinaires hautes récidivantes, néphropathie connue, suivi d'une IRA réversible
- Patients ayant un risque de maladie rénale :
- ATCD familiaux de néphropathie
- Diabète, HTA, athéromatose généralisée
- Maladie systémique avec atteinte rénale potentielle : amylose, sclérodermie, lupus, sarcoïdose
- Insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique, goutte
- Dysglobulinémie monoclonale
- Prise prolongée ou régulière de médicaments néphrotoxiques, ex : lithium, AINS, ciclosporine, IEC
- Circonstances particulières :
- Avant et pendant la prescription d'aminosides ou de chimiothérapie néphrotoxique (cisplatine ++)
- Injection de produit de contraste iodé de haute osmolalité
- Sujet > 75 ans avant toute prescription de médicament à élimination rénale
- Anomalies cliniques ou biologiques extra-rénales :
- Anémie normochrome normocytaire arégénérative
- Troubles digestifs : anorexie, nausées, vomissements
- Anomalies du métabolisme phosphocalcique : douleurs osseuses, fractures, hypo/hypercalcémie
Démarche étiologique
Distinguer insuffisance rénale aiguë et chronique
- 3 critères :
- Critère anamnestique : ATCD de maladie rénale, dosages antérieurs élevés
- Critère échographique : Diminution de la taille des reins < 10 cm
- Critère biologique : anémie normochrome normocytaire arégénérative bien tolérée, hypocalcémie par carence en vitamine D
- Situations particulières (exceptions) :
Insuffisance rénale aiguë
- Recherche d'une IRA obstructive :
- Diagnostic positif :
- Clinique : dysurie, mictions par regorgement, globe vésical, fosses lombaires sensibles
- Paraclinique : échographie rénale systématique devant toute IRA → dilatation des cavités pyélo-calicielles
- Etiologie (touchers pelviens, échographie voire scanner) :
- Obstacle sous-vésical : adénome de prostate, maladie du col
- Obstacle sus-vésical : cancer de la prostate, du col de l'utérus, lithiase bilatérale, carcinose/fibrose rétropéritonéale, syndrome de la jonction
- Diagnostic positif :
- Rechercher une IRA fonctionnelle (hypovolémie vraie ou efficace) :
- Contexte clinique :
- Hypovolémie vraie : déshydratation extra-cellulaire ou globale, hémorragie ; penser à rechercher une hypotension orthostatique
- Hypovolémie efficace : hypoprotidémie avec état œdémateux majeur, DOA, insuffisance cardiaque droite ou globale, choc septique/anaphylactique/cardiogénique, médicaments (AINS, IEC, ARAII)
- Arguments biologiques :
- Urée (µmol/L) / Créatinine (µmol/L) > 100
- Urines concentrées : U/P osmolaire > 2 , U/P urée > 10, U/P créatinine > 30
- Natriurèse < 20 mmol/L, rapport Na/K inversé
- Contexte clinique :
- L'insuffisance rénale est organique :
- Nécrose tubulaire aiguë (la plus fréquente) :
- Diagnostic positif : fréquence, contexte, rapport urée/créatinine < 100, U/P créatinine < 30, natriurèse > 40 mmol/L, absence de protéinurie et d'anomalie du sédiment
- Etiologie : états de choc, iatrogénie (ATB, produits de contraste iodés), rhabdomyolyse (↑ CPK, traumatique ou non), obstruction intra-tubulaire (hyperuricémie aiguë lors d'un syndrome de lyse, médicaments)
- Glomérulonéphrite :
- Diagnostic positif : protéinurie glomérulaire, SN, hématurie macroscopique sans caillots ou microscopique avec cylindres hématiques
- Etiologie : GNA post-infectieuse, GNRP, GNMP
- Néphrites tubulo-interstitielles aiguës :
- Diagnostic positif : signes allergiques, hyperéosinophilie, leucocyturie aseptique, éosinophilurie, hématurie macroscopique, protéinurie faible
- Etiologie : infectieuse (pyélonéphrite aiguë), allergie médicamenteuse (pénicillines +++, sulfamides, AINS), infiltration tumorale (lymphome)
- Néphropathies vasculaires aiguës :
- HTA maligne : HTA ancienne négligée, FO stade IV, encéphalopathie, insuffisance cardiaque gauche
- SHU : anémie hémolytique + schizocytose + thrombopénie, post-diarrhée infectieuse
- Embols de cristaux de cholestérols : orteils pourpres, livedo, contexte de cathétérisme/traitement fibrinolytique ou anticoagulant chez un patient athéromateux
- Périartérite noueuse, thrombose de l'artère rénale
- Nécrose tubulaire aiguë (la plus fréquente) :
Insuffisance rénale chronique
- Eléments d'orientation vers une IRC : anémie normochrome, créatininémie antérieure, hypocalcémie, petite taille des reins
- Recherche d'une étiologie est indispensable devant une IRC[1]
Causes
- Néphropathie glomérulaire :
- Clinique : HTA, œdèmes, ATCD de protéinurie ou d'hématurie
- Paraclinique : protéinurie > 3 g/24h, hématurie ou cylindres hématiques, reins symétriques à contours réguliers, atrophie harmonieuse tardivement
- Néphropathie tubulo-interstitielle :
- Clinique : HTA absente ou modérée, ATCD d'infections urinaires récidivantes/uropathie/goutte/maladie métabolique
- Paraclinique : protéinurie de faible débit (< 1 g/24h), leucocyturie aseptique, cylindres leucocytaires, atrophie rénale asymétrique à contours bosselés
- Atteinte vasculaire parenchymateuse :
- Clinique : HTA ancienne, FdRV
- Paraclinique : protéinurie faible, reins symétriques
- Atteinte réno-vasculaire :
- Clinique : HTA sévère résistante, souffle, FdRV
- Paraclinique : protéinurie faible, reins asymétriques (petit rein du côté de la sténose)