290 : Ulcère gastrique et duodénal. Gastrite

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Objectifs

  • Diagnostiquer un ulcère gastrique, un ulcère duodénal, une gastrite
  • Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge
  • Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient

Ulcère gastrique et duodénal

Physiopathologie

  • Perte de substance de la paroi gastrique ou duodénale atteignant la musculeuse
  • Secondaire à un déséquilibre entre l'agression chlorhydropeptique et les mécanismes de défense à un point précis de la muqueuse
  • Mécanismes de protection stimulés par les prostaglandines

Ulcère lié à Helicobacter pylori

  • BGN résistant à l'acidité gastrique par activité uréasique
  • Contamination dans l'enfance par voie oro-orale ou oro-fécale
  • Entraîne une gastrite aiguë évoluant vers la chronicité dans la majorité des cas
  • Gastrite à H. pylori peut se compliquer d'ulcères gastrique ou duodénal, d'adénocarcinome gastrique ou de lymphome

Ulcère lié aux AINS

  • Inhibiteurs des COX 1 et 2 permettant la transformation de l'acide arachidonique membranaire en prostaglandines
  • Déficit en prostaglandines → altération des mécanismes de défense de la muqueuse
  • Favorisent les ulcères gastriques +++ et parfois duodénaux
  • Risque potentiel pour l'aspirine faible dose (avec surrisque hémorragique)

Autres causes

  • Proportion croissante par diminution de la prévalence de l'infection à H. pylori
  • Sujets atteints de pathologies lourdes +++ (cardiovasculaires, rénales, hépatiques, pancréatiques)
  • Ulcères de stress : malades de réanimation, défaillance multiviscérale
  • Ulcères sur maladie de Crohn
  • Syndrome de Zollinger-Ellison (exceptionnel) par sécrétion tumorale de gastrine (gastrinome)
  • Autres facteurs favorisants : génétique, tabac

Diagnostic

Clinique

  • Syndrome ulcéreux :
    • Douleur épigastrique sans irradiation à type de crampe/faim douloureuse
    • Calmée par la prise alimentaire et réapparaissant 1 à 3 heures après celle-ci
    • Evolution par poussées de quelques semaines séparées par plusieurs mois sans symptômes
  • Symptômes atypiques (fréquents +++) :
    • Douleurs sous-costales droites ou gauches voire postérieures
    • Forme hyper-algique pseudo-chirurgicale
    • Formes atténuées
    • Douleur non-rythmée par l'alimentation
  • Complication inaugurale : hémorragie, perforation, sténose (vomissements)
  • Examen clinique :
    • Interrogatoire : recherche de poussées antérieures, prise d'AINS, tabagisme
    • Examen physique normal sauf complication (parfois épigastre sensible)

Paraclinique

  • FOGD :
    • Exploration jusqu'au 2ème duodénum
    • Réalisation de biopsies
    • Caractéristiques : perte de substance creusante ronde ou ovalaire, fond pseudo-membraneux ou nécrotique, bords réguliers surélevés et érythémateux
    • Ulcère gastrique : souvent antral, biopsies systématiques des berges car risque de cancérisation
    • Ulcère duodénal : bulbe +++ (post-bulbaire doit faire évoquer un Zollinger-Ellison), pas de biopsie des berges car pas de risque néoplasique
  • Recherche de H. pylori :
    • Systématique devant toute découverte d'UGD
    • Tests sur biopsies gastriques (prélèvements endoscopiques) :
      • Visualisation du bacille en histologie
      • Test rapide à l'uréase : résultat en 1h, complète l'histologie
      • Culture avec antibiogramme en centre spécialisé si échec d'éradication
    • Tests non-endoscopiques :
      • Test respiratoire à l'urée marquée : contrôle d'éradication
      • Sérologie H. pylori : documenter une exposition en cas de situation réduisant la sensibilité des techniques biopsiques

Différentiel

  • Sur les symptômes cliniques :
    • Adénocarcinome gastrique
    • Lymphome gastrique
    • Douleur pancréatique ou biliaire
    • Cardiologique : SCA, péricardite
    • Ischémie mésentérique
    • Douleur vertébrale projetée
    • Dyspepsie non-ulcéreuse
  • En endoscopie :
    • Adénocarcinome gastrique ulcériforme
    • Ulcère gastrique lymphomateux
    • Maladie de Crohn gastrique ou duodénale

Complications

Hémorragie digestive

  • La plus fréquente, parfois inaugurale
  • Facteurs de risque :
    • Médicaments : AINS, antiagrégants plaquettaires ou anticoagulants
    • ATCD d'UGD compliqué ou non
    • Age > 65
  • Hémorragie distillante avec anémie ferriprive ou hémorragie aiguë avec hématémèse, méléna, voire choc
  • Endoscopie après correction du choc :
    • Diagnostic étiologique de l'hémorragie
    • Geste d'hémostase selon les constatations
  • 10% de mortalité

Perforation

  • AINS et corticoïdes sont les principaux facteurs favorisants
  • 2 formes :
    • Perforation en péritoine libre :
      • Douleur épigastrique intense en coup de poignard
      • Nausées, vomissements
      • Signes de choc
      • Syndrome péritonéal : contracture, Douglas douloureux
      • Pneumopéritoine : disparition de la matité préhépatique, croissants sur l'ASP centré sur les coupoles ou TDM
      • Contre indication à l'endoscopie
    • Ulcère perforé-bouché (au contact d'un organe de voisinage) :
      • Syndrome douloureux initial régressant
      • Absence de pneumopéritoine
      • Risque de formation d'un abcès

Sténose

  • Exceptionnelle
  • Ulcères bulbaires ou prépyloriques
  • Cliniquement :
    • Vomissements post-prandiaux tardifs
    • Clapotage gastrique à jeun
    • Ondes péristaltiques
  • Risque de déshydratation, de troubles hydroélectrolytiques
  • Diagnostic endoscopique après évacuation de la stase par aspiration + TOGD
  • Biopsies pour éliminer une cause carcinologique

Transformation cancéreuse

  • Berges d'un UG ++
  • Ou à distance en cas de gastrite chronique atrophiante multifocale
  • Biopsies systématiques des berges des UG
  • Pas de risque de transformation pour les UD

Traitement

Formes liées à H. pylori

  • Eradication d' H. pylori  :
    • 1ère ligne = trithérapie pendant 7 jours :
      • IPP matin et soir pleine dose
      • 2 antibiotiques parmi : amoxicilline, clarithromycine, métronidazole (2 prises/j)
    • 2ème ligne :
      • En cas d'UD isolé : traitement d'éradication seul
      • En cas d'UD à risque (poursuite d'un traitement par AINS, AAP ou anticoagulant/douleurs persistantes/UD compliqué) : IPP pleine dose 3 à 7 semaines
      • En cas d'UG : IPP pleine dose 3 à 7 semaines
  • Surveillance :
    • Contrôle de l'éradication (mauvaise observance ou résistance bactérienne) à 4 semaines :
      • UD non-compliqué : test respiratoire
      • UD compliqué ou UG : biopsies gastriques
    • En cas d'échec de l'éradication, nouvelle trithérapie par IPP + amoxicilline + métronidazole 14 j
  • Traitement chirurgical :
    • Indication : échec de l'éradication avec rechutes malgré traitement anti-sécrétoire au long cours
    • En cas d'UD, éliminer un Zollinger-Ellison
    • Techniques : vagotomie hypersélective ou vagotomie tronculaire avec antrectomie
    • Parfois en urgence en cas d'échec des techniques hémostatiques en contexte d'hémorragie digestive haute

Formes induites par les AINS

  • IPP 4 (UD) à 8 (UG) semaines
  • Arrêt du traitement par AINS si possible, sinon IPP au long cours
  • En cas d'association à une infection à H. pylori, association au traitement d'éradication
  • Contrôle endoscopique systématique avec biopsies de la zone cicatricielle
  • Prévention par IPP pendant toute la durée du traitement si :
    • Age > 65
    • ATCD d'UGD compliqué ou non
    • Association AINS-antiagrégants, AINS-corticoïdes ou AINS-anticoagulants

Gastrite

  • Atteinte inflammatoire de la muqueuse gastrique

Gastrites chroniques

Atrophiantes

  • Exposent au risque de cancer
  • Gastrite chronique à H. pylori :
    • Fréquente ++
    • Gastrite aiguë après contamination évoluant vers une gastrite chronique
    • 3 formes :
      • Sujet hypersécréteur : gastrite antrale avec risque d'UD
      • Sujet hyposécréteur : pangastrite avec atrophie multifocale et risque d'UG et d'adénocarcinome
      • Rarement, développement d'un lymphome gastrique du MALT
    • Diagnostic endoscopique avec biopsies de l'antre et du corps
    • Traitement = éradication d'H. pylori (vide supra)
  • Gastrite chronique auto-immune :
    • Infiltrat lymphoplasmocytaire du corps gastrique avec atrophie des glandes du fundus
    • Diagnostic : femme > 50 ans, contexte d'auto-immunité personnel ou familial, présence d'AC anti-cellules pariétales ou anti-facteur intrinsèque
    • Au stade d'atrophie fundique sévère :
      • Carence en facteur intrinsèque → malabsorption de vitamine B12 → anémie macrocytaire arégénérative, glossite, sclérose combinée de la moelle
      • Risque d'adénocarcinome et de tumeur endocrine → surveillance endoscopique tous les 3 ans
      • Correction de la carence en B12 par administration IM à vie

Non-atrophiantes

  • Gastrite chronique lymphocytaire :
    • Présence anormalement élevée de lymphocytes T dans l'épithélium
    • Infiltrat inflammatoire de la muqueuse
    • En général asymptomatique
  • Gastrite granulomateuse :
  • Gastrite à éosinophiles primitive ou secondaire à une anisakiase

Gastrites aiguës

  • A H. pylori :
    • Souvent asymptomatique
    • Parfois tableau aspécifique : douleurs épigastriques, nausées, vomissements
    • Endoscopie : lésions à prédominance antrale, muqueuse érythémateuse, nodulaire, pétéchies, érosions voire ulcéro-nécrose
    • Diagnostic histologique
    • Régresse en cas d'éradication
    • Evolue vers la chronicité en l'absence de traitement
  • Gastrite phlegmoneuse : infection bactérienne sévère de la paroi gastrique chez l'immunodéprimé
  • Gastrite virale : gastrite à CMV de l'immunodéprimé

Diagnostic différentiel

  • Gastropathie induite par les AINS :
    • Histologie spécifique
    • Endoscopie : pétéchies, érosions, ulcérations
  • Gastropathie d'hypertension portale : diagnostic endoscopique (aspect en mosaïque de la muqueuse fundique avec pétéchies et VCT)
  • Gastropathies hypertrophiques :
    • Maladie de Ménétrier : épaississement de la muqueuse fundique avec plis cérébriformes ; risque de transformation adénocarcinomateuse
    • Syndrome de Zollinger-Ellison : hypertrophie fundique par hyperplasie des glandes secondaire à l'hypergastrinémie tumorale
  • Gastropathie radique