280 : Reflux gastro-oesophagien chez le nourrisson, chez l’enfant et chez l’adulte. Hernie hiatale

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Objectifs

  • Diagnostiquer un reflux gastro-œsophagien et une hernie hiatale aux différents âges
  • Argumenter l’attitude thérapeutique (P) et planifier le suivi du patient

Reflux gastro-œsophagien chez l'enfant

  • Motif fréquent de consultation, objectif : distinguer RGO physiologique et pathologique

Physiopathologie

  • Inefficacité physiologique chez le nourrisson du dispositif antireflux fonctionnel (sphincter inférieur de l’œsophage, SIO) et anatomique
  • Principaux mécanismes :
    • Relaxations inappropriées et transitoires du SIO (épisodes ≥ 5 secondes indépendants de la déglutition)
    • Hypotonie quasi-permanente du SIO
  • Facteurs favorisants :
    • Inadéquation entre le volume gastrique et la quantité de lait absorbée (> 120 ml/kg/j)
    • Retard à la vidange gastrique, surtout si densité calorique élevée (graisses ++)
    • Augmentation de la pression intra-abdominale
    • Malposition cardiotubérositaire

Diagnostic

Clinique

  • Régurgitation :
    • Expulsions soudaines, sans effort d'une petite quantité de liquide gastrique alimentaire par la bouche ; spontanées ou au cours d'une éructation
    • Physiologiques : 70% des enfants à 4 mois, 5% à 1 an
    • Rejets per- et post-prandiaux
    • Favorisés par : changements de position, alimentation liquide
    • Eliminer systématiquement une suralimentation
  • Œsophagite :
    • Evoquée devant refus de biberon après quelques succions
    • Signes d'accompagnement : pleurs (mais fréquents...), agitation per-prandiale ou pendant le sommeil
    • Retentissement sur l'état général (gain pondéral insuffisant) → évoquer un autre diagnostic que le RGO
    • Rarement : hématémèse, anémie microcytaire sur saignement occulte
    • Confirmation diagnostique indispensable par FOGD
  • Manifestations extra-digestives :
    • ORL :
      • Dyspnée laryngée, dysphonie
      • Rhinopharyngites/otites à répétition
      • Erosions dentaires
    • Pulmonaires :
      • Toux chronique (nocturne ++)
      • Bronchiolites/pneumopathies récidivante
  • Malaises :
    • Typiquement : perte de contact, pâleur, cyanose, hypotonie ± apnées/bradycardie
    • Peut être difficile d'associer un malaise à un RGO

Paraclinique

  • pHmétrie œsophagienne des 24h :
    • Examen de référence
    • Objectifs : démontrer un lien avec des manifestations extradigestives en l'absence de régurgitations, efficacité du traitement
    • Analyse quantitative : pourcentage cumulé de temps où le pH œsophagien est < 4 → > 5% = inhabituel, > 10% = pathologique
    • Analyse qualitative : corrélation temporelle reflux/symptômes
  • FOGD :
    • Référence pour le diagnostic d’œsophagite peptique ulcérée (si confirmée, pHmétrie inutile)
    • Eventuellement recherche de hernie hiatale
  • TOGD : recherche d'anomalie morphologique du tractus digestif supérieur (hernie hiatale par glissement ++), uniquement en cas de RGO résistant au traitement
  • Manométrie œsophagienne : en cas d'échec du traitement, recherche d'anomalie de la motricité œsophagienne
  • Impédancemétrie : exploration des RGO non-acides
  • Indications (RMO) :
    • RGO digestif typique non compliqué → aucun examen
    • RGO non-cliniquement évident, analyse de la relation RGO-symptômes, évaluation de l'efficacité d'un traitement en cas d'échec → pH-métrie
    • Recherche d’œsophagite ou d'anomalie anatomique → FOGD
    • Recherche d'anomalie anatomique → TOGD
    • Recherche d'anomalie fonctionnelle → manométrie

Prise en charge

  • Indications :
    • RGO simple → mesures hygiéno-diététiques
    • RGO compliqué → MHD + IPP si RGO acide identifié
    • Terrain à risque (encéphalopathie) ou échec du traitement médicamenteux → chirurgie

Mesures hygiéno-diététiques

  • Réassurance des parents sur la bénignité
  • Epaississement du lait artificiel :
    • Utilisation de lait épaissi "AR"
    • Ajout d'épaississant dans le lait
  • Réduction du volume des biberons si trop important
  • Surélévation de la tête du lit

Traitements médicamenteux

  • Inhibiteurs de la pompe à protons :
    • Après 1 an
    • Oméprazole 1 mg/kg/j (Mopral) ou Esoméprazole (Inexium)
    • En une prise avant le premier repas de la journée
    • Efficacité maximale en 3 à 5 jours
    • Pas d'effet sur les régurgitations
    • Indications :
      • Œsophagite érosive prouvée par FOGD
      • RGO pathologique identifié par pH-métrie
  • Métoclopramide (Primpéran) : contre-indication avant 18 ans : risque de syndrome extrapyramidal
  • Antiacides (Ulcar, Gaviscon) : efficacité non-prouvée, prescription inutile
  • Dompéridone (Motilium) : inefficace

Traitement chirurgical

  • Fundoplicature de Nissen
  • Exceptionnel
  • Indications :
    • RGO chez l'encéphalopathe sévère
    • RGO compliqués résistant au traitement médicamenteux

Suivi

  • Efficacité : régression des signes initiaux
  • En cas d'inefficacité, rechercher :
    • Défaut d'observance
    • Vérifier l'indication du traitement
    • Un diagnostic différentiel (mérycisme)
    • Pertinence de la relation manifestations - RGO
  • RGO physiologique du nourrisson : évolution favorable au 2ème trimestre de vie

Reflux gastro-œsophagien chez l'adulte

Physiopathologie

  • Défaillance de la barrière anti-reflux :
    • Défaillance du sphincter inférieur de l’œsophage
    • SIO s'oppose au gradient de pression thoraco-abdominal qui favorise le reflux à chaque inspiration
    • RGO lors de relaxations transitoires spontanées (en dehors de toute déglutition) du SIO
  • Stase gastrique
  • Hyperpression abdominale : surcharge pondérale, toux
  • Hernie hiatale :
    • Protrusion permanente ou intermittente d'une partie de l'estomac dans le thorax
    • Par glissement : cardia au-dessus du hiatus œsophagien → facteur favorisant mais ni nécessaire ni suffisant (facteur aggravant)
    • Par roulement : grosse tubérosité de l'intestin forme une poche intra-thoracique → pas de lien avec le RGO
  • Risque d'endobrachyœsophage (œsophage de Barrett) : métaplasie glandulaire de l'épithélium œsophagien avec risque de transformation en adénocarcinome

Diagnostic

Signes fonctionnels

  • Symptômes digestifs :
    • Pyrosis
    • Régurgitations acides
    • Caractère post-prandial et/ou postural (penché en avant, signe du lacet)
    • Brûlures épigastriques de trajet ascendant
    • Recrudescence nocturne possible
  • Symptômes extra-digestifs :
    • Associés aux symptômes digestifs ou isolés
    • Pulmonaires :
      • Nocturnes +++
      • Accès de toux
      • Dyspnée asthmatiforme
    • ORL :
      • Enrouement
      • Dysesthésies bucco-pharyngées
      • Otalgie inexpliquée
      • Laryngite postérieure
    • Cardiaques : douleur angineuse à bilan cardiologique négatif
    • Stomatologiques : gingivites, caries dentaires à répétition
  • RGO compliqué :
    • Œsophagite : anémie ferriprive, hématémèse, mélaena
    • Sténose peptique : dysphagie, AEG

Démarche diagnostique

  • Diagnostic peut être clinique si :
    • Age < 50 ans
    • Symptômes digestifs typiques
    • Pas de signe d'alarme : dysphagie, amaigrissement, anémie

Explorations morphologiques

  • FOGD :
    • Seule exploration utile
    • Diagnostic positif de RGO si œsophagite (érosions, ulcérations)
    • Diagnostic de gravité selon l'étendue, la sévérité et le caractère circonférentiel
    • Recherche de complications : sténose peptique +++
    • Indications : systématique si âge > 50 ans ou symptômes atypiques
    • FOGD normale n'exclut pas le diagnostic
  • TOGD :
    • Pas d'intérêt pour le diagnostic de RGO
    • Bilan d'une sténose peptique ou d'une hernie hiatale volumineuse
  • Place des vidéocapsules à déterminer

Explorations fonctionnelles

  • pHmétrie des 24h :
    • Quantification de l'exposition acide dans l’œsophage et analyse de la relation temporelle avec les symptômes
    • Indications :
      • FOGD non-contributive
      • Manifestations extra-digestives compatibles
      • Persistance de symptômes gênants malgré un traitement anti-sécrétoire
      • Certitude diagnostique avant chirurgie
  • Impédancemétrie œsophagienne : recherche de RGO non-acide
  • Manométrie œsophagienne : recherche de facteurs favorisants (hypotonie du SIO, troubles du péristaltisme) en cas d'indication opératoire

Traitement

Médical

  • Objectifs :
    • RGO simple : soulager la douleur ou les gênes fonctionnelles
    • Œsophagite sévère : cicatrisation des lésions, prévention des complications

Règles hygiéno-diététiques

  • Réduction pondérale
  • Arrêt du tabac et de l'alcool
  • Surélévation de 45° de la tête du lit
  • Intervalle de 3h entre le dîner et le coucher

Traitement antisécrétoire

  • RGO simple :
    • Traitement initial :
      • Fréquence des symptômes < 1/semaine : traitements anti-acides d'action rapide (anti-acides, alginates, anti-H2)
      • Fréquence > 1/semaine : IPP ½ dose 4 semaines
    • Traitement à long terme :
      • IPP à la demande en 1ère intention
      • IPP à dose minimale efficace en cas de rechutes fréquentes
  • RGO avec œsophagite :
    • Peu sévère :
      • Cicatrisation : IPP ½ dose 4 semaines (pleine dose si échec)
      • Prévention des récidives : IPP à DME
    • Sévère :
      • Cicatrisation : IPP pleine dose 8 semaines
      • Prévention des récidives : IPP au long cours à DME
  • RGO avec manifestations extra-digestives prédominantes : possibilité d'essayer les IPP (pas d'efficacité démontrée)
  • RGO résistant aux IPP :
    • Eliminer une autre cause
    • RGO non-acide : alginates, prokinétiques, liorésal
  • Sténose peptique : IPP pleine dose ± dilatation endoscopique
  • EBO : IPP + surveillance endoscopique et histologique

Chirurgical

  • Méthode de référence : fundoplicature de Nissen
  • Indications :
    • Malades très améliorés par le traitement médical mais récidivant au moindre arrêt
    • Echec du traitement médical
    • Hernie hiatale volumineuse