256 : Lésions dentaires et gingivales

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Objectifs

  • Diagnostiquer les principales lésions dentaires et gingivales

Physiopathologie

  • Odonte :
    • Email
    • Dentine : couronne (intraorale, recouverte de l'émail) et racine (recouverte de cément)
    • Pulpe : innervation par branches du trijumeau
  • Parodonte :
    • Gencive : chorion + épithélium
    • Desmodonte : ligament alvéolodentaire, appareil suspenseur et siège de la proprioception
    • Cément : substance ostéoïde adhérant à la dentine radiculaire
    • Os alvéolaire : naît et meurt avec les dents
  • 2 voies d'infection dentaire :
    • Voie endodontique : carie de l'émail → carie de la dentine → pulpite → parodontite apicale → complication infectieuse
    • Voie parodontale marginale : parodontopathie → nécrose pulpaire → complication infectieuse

Lésions dentaires

Carie

  • Protéolyse microbienne de l'émail et de la dentine par développement et stagnation de la plaque dentaire
  • Facteurs favorisants :
    • Hygiène bucco-dentaire insuffisante
    • Altération de l'état général, dénutrition
    • Tabac
    • Hyposialie
  • Formes cliniques :
    • Carie de l'émail :
      • Asymptomatique ou simple hypersensibilité aux tests thermiques
      • Rugosité à l'inspection et au sondage
      • D'abord tache blanche, puis tache brune
    • Carie de la dentine :
      • Douleur brève, intensité variable, localisée à la dent
      • Réveillée par le chaud, le froid les aliments sucrés ou acides
      • A l'examen, cavité laiteuse/claire/grisâtre/brune où on peut enfoncer la sonde dentaire qui rencontre une dentine ramollie
      • Test de vitalité pulpaire : conservée, douleur localisée à la dent
  • Paraclinique :
    • Cliché rétroalvéolaire + panoramique dentaire
    • Lacune radio-transparente
    • Recherche de complication parodontale et apicale (kyste, granulome)
  • Evolution en l'absence de traitement : pulpite → carie pénétrante

Pulpopathie

  • Pulpite aiguë :
    • Evolution d'une dentinite
    • Inflammation de la pulpe dentaire avec paquet vasculonerveux
    • Douleur spontanée, continue, violente, mal localisée
    • Doit être prise en charge rapidement, sinon risque de nécrose irréversible avec mortification dentaire
  • Pulpite chronique :
    • Douleur déclenchée à la mastication
    • Lésion ulcérative profonde de la dent, ou lésion hyperplasique
    • Tests de vitalité négatifs (nécrose pulpaire)

Parodontites

  • Desmodontite :
    • Aiguë :
      • Douleur spontanée, lancinante, pulsatile, permanente, avec recrudescence nocturne
      • Irradiation dans le territoire du trijumeau
      • Majoration au chaud, au décubitus, à la percussion axiale
      • Dent légèrement mobile
      • Sensation de dent longue ou élastique
      • Examen endobuccal : carie hyperdouloureuse, inflammation locale, tests de vitalité pulpaire négatifs
      • Evolution vers la chronicité et la suppuration en l'absence de traitement
    • Chronique :
      • Abolition des douleurs
      • Examen endobuccal : dyschromie dentaire, voussure palatine ou mandibulaire, tests de vitalité négatifs
      • Radiographies : épaississement du ligament alvéolodentaire
  • Granulomes/kystes apicaux :
    • Atteinte osseuse alvéolaire au contact de l'apex dentaire
    • Formation d'un foyer infectieux latent
    • Granulome si ≤ 5 mm, kyste si > 5 mm
    • Panoramique dentaire : ostéite radiotransparente autour de l'apex

Principes de traitement

  • Prévention :
    • Brossage dentaire postprandial dès l'âge de 2 ans
    • Réduction de la consommation de sucres rapides, surtout en dehors des repas
    • Fluoration pour les enfants ou les patients irradiés
    • Contrôle régulier de l'état dentaire
  • Curatif :
    • Même sur dents déciduales
    • Antibiothérapie dès le stade de pulpite
    • Importance du traitement antalgique
    • Eviter les AINS sans ATB

Lésions gingivales

  • = Parodontopathies
  • Maladies inflammatoires d'origine bactérienne
  • Selon atteinte : gingivite, parodontite (cément et desmodonte), alvéolyse (os alvéolaire)
  • Risque d'édentation précoce et de complications infectieuses

Gingivite tartrique

  • Tartre = plaque dentaire calcifiée
  • Inflammation liée à l'irritation locale due au tartre, support idéal pour la flore pathogène buccale
  • Inflammation + bactéries → protéolyse → fragilisation et destruction de la gencive
  • Facteurs de risque : alcool, tabac et mauvaise hygiène buccale
  • Clinique :
    • Couche de tartre plus ou moins épaisse attachée à la gencive, rouge et inflammatoire ± hypertrophiée
    • Localisations : collet lingual des incisives, collet vestibulaire des molaires
  • En l'absence de traitement, lyse de la gencive pouvant évoluer vers une gingivostomatite ulcéreuse
  • Traitement :
    • Arrêt du tabac
    • Traitement local : détartrage annuel, bains de bouche

Gingivite ulcéronécrotique

  • Survient chez des patients immunodéprimés
  • Cliniquement : gingivorragie, pétéchies, hypertrophie gingivale ou gencives blanches (anémie)
  • Recherche systématique d'une hémopathie

Gingivite odontiasique

  • Complication liée à l'éruption dentaire
  • Péricoronarite de la dent de sagesse de l'adulte +++ :
    • Douleur
    • Signes inflammatoires locaux
    • Odynophagie
    • ADP cervicale

Hypertrophie gingivale

  • Causes :
    • Idiopathiques : congénitale, liée au développement dentaire
    • Hormonales : puberté, contraception, grossesse
    • Carentielles : vitamine C
    • Iatrogènes : phénytoïne, nifédipine, ciclosporine
    • Hémopathie
    • Collagénose
    • Mycose

Complications

  • Locales : pyorrhée alvéolodentaire, abcès sous-périosté, ostéite, stomatite érythémato-ulcéreuse, fistules faciales, granulome/kyste apicaux
  • Régionales : sinusite maxillaire, cellulite, adénite, adénophlegmon, ostéite
  • A distance : cardiaques (EI), ophtalmiques (uvéite, kératite), métastases septiques, sepsis, méningite

Sinusite maxillaire d'origine dentaire

  • Réaction inflammatoire de la muqueuse du sinus maxillaire consécutive à une infection dentaire
  • Dents sinusiennes : 14, 15, 16, 17, 24, 25, 26 et 27
  • Peuvent parfois être iatrogènes après avulsion d'une dent maxillaire ou dépassement de la pâte lors d'une obturation de dent

Diagnostic positif

  • Signes fonctionnels :
    • Rhinorrhée purulente, unilatérale et fétide avec cacosmie
    • Algie maxillodentaire unilatérale avec obstruction nasale variable
    • Unilatéralité est un argument fort pour une origine dentaire
  • Examen clinique :
    • Facial : douleur élective à la pression de la paroi antérieure du sinus maxillaire
    • Rhinologique :
      • Rhinoscopie antérieure : congestion de la muqueuse, sécrétions purulentes sous le cornet moyen
      • Rhinoscopie postérieure : pus au niveau du cavum, sur la paroi postérieure du pharynx, sur la queue du cornet inférieur

Diagnostic étiologique

  • Clinique :
    • Recherche d'un foyer infectieux au niveau des dents sinusiennes : carie, parodontopathie
    • Seules les dents intactes et réagissant aux tests de vitalité sont considérées comme non suspectes
  • Paraclinique :
    • Radiographies sinusiennes : Blondeau + Hirtz
    • Tomographie informatisée
    • TDM sinusienne
    • Panoramique dentaire pour rechercher le foyer dentaire
    • Atteinte sinusienne :
      • Opacité sinusienne : totale, en cadre (hyperplasie muqueuse), avec niveau liquide
      • Recherche de corps radio-opaque intrasinusien : dépassement de matériel d'obturation canalaire, aspergillose
      • Parois osseuses intactes
    • Atteinte dentaire : clarté d'une carie, d'une parodontite marginale ou apicale

Formes cliniques

  • Sinusite maxillaire chronique :
    • Adulte > 30 ans ++
    • Rhinorrhée unilatérale, purulente, fétide
    • Evolution cyclique avec poussées de réchauffement
  • Sinusite aiguë :
    • Douleurs maxillaires pulsatiles et lancinantes
    • Rhinorrhée purulente abondante
    • Douleur dentaire au moindre contact
    • Tuméfaction vestibulaire en regard de la dent
    • Fébricule
    • Si absence de rhinorrhée purulente et douleurs violentes : suspecter sinusite aiguë bloquée
  • Sinusite atténuée :
    • Forme abâtardie par le traitement antibiotique/endodontique des lésions causales
    • Rhinorrhée peu abondante, signes fonctionnels discrets
    • Découverte sur clichés radiographiques, poussée inflammatoire ou suspicion d'infection locale
  • Sinusite avec communiccation bucco-sinusienne :
    • Parfois discrète → examen avec sonde mousse
    • Sensation de courant d'air buccal à la manœuvre de Valsalva

Traitement

  • Médicochirurgical
  • Importance de l'avulsion des dents causales

Cellulites faciales

Physiopathologie

  • Principale urgence maxillofaciale
  • Tissu celluleux compartimenté en régions par muscles et cloisons musculoaponévrotiques s'insérant sur maxillaire et mandibule
  • Loges celluloadipeuses faciales en continuité avec région submandibulaire en haut et région cervicale en bas (puis médiastinale)
  • Infections souvent polymicrobiennes, germes aérobies et anaérobies
  • Voies d'entrée :
    • Ostéopériostée : germes ayant atteint l'apex dentaire → traversent l'os et le périoste
    • Lymphatique et veineuse : cellulites graves diffuses
    • Directe : traumatismes maxillofaciaux avec plaie

Formes évolutives

  • Cellulite aiguë :
    • Cellulite séreuse :
      • Tuméfaction douloureuse aux limites imprécises, comblant les sillons et effaçant les méplats
      • Peau tendue, chaude, érythémateuse
      • Mouvements mandibulaires et linguaux gênés par infiltration des tissus
      • Signes généraux : céphalée, fièvre
    • Cellulite suppurée ou collectée :
      • Tuméfaction se limite
      • Peau rouge, tendue, luisante, chaude
      • Masse adhérante au plan osseux
      • Fluctuation au palper bidigital
      • Douleur intense, continue, insomniante, gênant la déglutition, l'alimentation et l'élocution
      • Trismus par contracture réflexe des muscles masticateurs
      • Dysphagie, haleine fétide, salivation abondante
      • Fièvre, asthénie, malaise général
      • En l'absence de traitement, évolution vers la fistulisation (peau, muqueuse), diffusion aux régions voisines et passage à la chronicité
    • Cellulite gangreneuse ou diffusée :
      • Destruction tissulaire nécrotique
      • Crépitations sous-cutanées liées à la présence de gaz
      • A la ponction, pus brunâtre et fétide
  • Cellulites subaiguës et chroniques :
    • Secondaires à des cellulites aiguës suppurées mal traitées
    • Nodule d'aspect variable, indolore, adhérant à la peau
    • Cordon induré reliant le nodule et la localisation primitive

Formes topographiques

  • Cellulites circonscrites :
    • Drainage naturel selon espaces celluleux en regard du site infecté
    • Cellulites sous-narinaires et cellulites géniennes ++
  • Cellulites diffuses d'emblée (≠ diffusées) :
    • Infection à anaérobies +++
    • Diffusion rapide de l'infection avec nécrose extensive des tissus (rôle des toxines ++)
    • Sepsis sévère engageant le pronostic vital, risque de diffusion médiastinale
    • Angine de Ludwig : région sus-mylohyoïdienne, empâtement le long de la table interne de la mandibule avec diffusion à tout le plancher
    • Phlegmon de Lemaitre et Ruppe : région sous-mylohyoïdienne, extension rapide vers le médiastin avec risque de complications respiratoires

Thrombophlébites

  • Signes généraux avec fièvre élevée +++

Thrombophlébite facio-ophtalmique

  • Point de départ : parodontite apicale d'une dent antérieure
  • Œdème inflammatoire du sillon nasogénien avec cordon induré palpable de la veine faciale thrombosée
  • Risque de thrombose du sinus caverneux, avec :
    • Œdème important de l'angle interne de l’œil et de la paupière supérieure
    • Exophtalmie
    • Cordon dur palpable
    • Atteinte des nerfs III, IV, VI : ptosis, strabisme, diplopie
    • Atteinte méningée (syndrome méningé)

Thrombophlébite du plexus ptérygoïdien

  • Conséquence d'une infection dentaire postérieure
  • Signes fonctionnels :
    • Douleur intense
    • Trismus serré
    • Dysphagie
    • Anesthésie labiomentonnière (signe de Vincent)
  • Œdème étendu au pilier antérieur du voile, région génienne et temporale
  • Evolution :
    • Abcès de la loge ptérygoïdienne
    • Ostéites basicrâniennes
    • Thrombophlébite du sinus caverneux

Complications générales

  • Septicémie :
    • Facteurs déclenchants : gestes sur la dent, mastication, brossage des dents
    • Risque d'atteinte viscérale à distance
  • Infection focale :
    • Fièvre prolongée inexpliquée au long cours : toujours penser à un foyer dentaire
    • Arthralgies
    • Atteintes ophtalmiques : uvéite, ptosis, amaurose
    • Glomérulonéphrite proliférative
    • Suppuration pulmonaire
    • Troubles digestifs : gastrite, colite, entérite
    • Troubles neurologiques : algies de la face, abcès cérébraux
  • Endocardite infectieuse :
    • 1/3 des EI est d'origine dentaire
    • Germes : Streptococcus viridans, entérocoque
    • Avulsion des foyers dentaires indispensables en cas d'EI
    • Cardiopathies à risque : prothèse valvulaire intracardiaque, cardiopathie congénitale cyanogène, ATCD d'EI
    • Gestes à risque : prothèses sur dents dépulpées, implants, chirurgie parodontale
    • Antibioprophylaxie si geste à risque + cardiopathie à risque