204 : Grosse jambe rouge aiguë

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Objectifs

  • Diagnostiquer une grosse jambe rouge aiguë
  • Identifier les situations d’urgence et planifier leur prise en charge

Diagnostic clinique

Positif

  • Placard érythémateux assez bien limité, parfois extensif, avec oedème souvent unilatéral
  • Syndrome infectieux fréquent
  • Installation rapide : quelques heures à quelques jours

Démarche étiologique

  • Interrogatoire :
    • Date de début, modalités évolutives
    • Signes associés : fièvre, frissons, douleur, sensation de brûlure, prurit
    • Aggravation des signes associés par la position déclive ou la palpation
    • ATCD chirurgicaux sur le membre
    • Maladie récente locorégionale : intertrigos des orteils, traumatisme, grattage, pathologie articulaire, morsure, piqûre...
    • Maladies associées : diabète, AOMI, obésité
    • Episodes identiques passés
    • Signes d'IVC, varices, stase lymphatique, ulcère
    • Traitements entrepris
  • Examen physique :
    • Locorégional :
      • Siège, latéralité
      • Nature des lésions élémentaires : érythème, œdème, vésicules, bulles, décollements superficiels (œdème rapide ++)
      • Bonne/mauvaise limitation des lésions
      • Recherche de signes de nécrose cutanée superficielle ou profonde : pâleur, plaques noirâtres
      • Signes de collection
      • Recherche d'une porte d'entrée : intertrigo, ulcère, plaie, piqûre
      • Signes d'IVC : œdème, varices, lipodermatosclérose
      • Signes neurologiques associés (anesthésie +++)
      • Palpation des pouls
      • Recherche lymphangite, ADP
    • Général :
      • Fièvre
      • AEG
    • Signes de sepsis sévère voire choc

Tableaux cliniques

Typiques

  • Erysipèle :
    • Dermo-hypodermite aiguë bactérienne à streptocoque β-hémolytique du groupe A
    • 80% des cas à la jambe
    • Argument de fréquence devant une jambe rouge aiguë fébrile
    • Terrain : adulte > 40 ans, insuffisance veineuse ou lymphatique, obésité
    • Porte d'entrée +++
    • Début brutal, fièvre élevée avec frissons
    • Parfois décollements bulleux superficiels ou purpura liés à l’œdème
    • Traînée de lymphangite ipsilatérale inconstante
    • Aucun examen complémentaire nécessaire en cas de tableau typique sans comorbidité
    • Complications : abcès (diabète et AINS +++), sepsis, GNA, récidive
  • Dermo-hypodermites nécrosantes :
    • Formes : fasciite nécrosante, gangrène gazeuse, dermo-hypodermite nécrosante
    • Urgence vitale médico-chirurgicale
    • Signes locaux de gravité : douleur intense, œdème majeur, bulles hémorragiques, nécrose focale, hypoesthésie, livedo, crépitation
    • Signes généraux marqués : fièvre élevée, confusion, tachypnée, tachycardie, oligurie, hypotension, pâleur
    • Germes : streptocoque, S. aureus, BGN, anaérobies
    • Rechercher une prise d'AINS

Atypiques

  • Erysipèle atypique : formes subaiguës, fièvre modérée
  • Pied diabétique :
    • Peut simuler un érysipèle
    • Evolution subaiguë, torpide du 1/3 inférieur de jambe
    • Douleur modérée, fièvre inconstante, extension moins bien limitée
    • Porte d'entrée = MPP
    • Germes : S. aureus, P. aeruginosa, anaérobies
    • Rechercher une ostéite sous-jacente et une décompensation du diabète
    • Chirurgie souvent nécessaire
  • Dermo-hypodermite infectieuse de l'immunodéprimé :
    • Signes inflammatoires discrets
    • Risque élevé de nécrose cliniquement sous-estimée
    • Germes particuliers : P. aeruginosa, Vibrio vulnificus
  • Pathologies d'inoculation : pasteurellose, rouget du porc
  • Dermo-hypodermite inflammatoire sur IVC :
    • Evolution chronologique : télangiectasies et varices réticulaires → varices marquées avec œdème → troubles trophiques → ulcère
    • Lipodermatosclérose : infiltration scléreuse des jambes prédominant au 1/3 inférieur
    • Possibilité de poussées inflammatoires simulant un érysipèle, douloureuses +++ mais non fébriles
  • Eczéma :
    • Caractéristiques : prurit, vésicules, placard à bord émietté au niveau du contact avec l'allergène
    • Fréquence des eczéma de contact en cas d'ulcères
    • Explorations allergologiques
    • Eczéma variqueux
  • Syndrome des loges

Diagnostic paraclinique

  • Facultatif en cas d'érysipèle typique
  • Recherche de syndrome inflammatoire biologique ++
  • Hémocultures mais peu rentables, uniquement en cas de sepsis sévère
  • Prélèvement de la porte d'entrée dans les formes graves pour adapter l'antibiothérapie
  • Suspicion de TVP : EDVMI, D-dimères souvent élevés en cas d'érysipèle
  • En cas de signes de gravité : CPK, ionogramme, fonction rénale, gaz du sang, bilan de CIVD

Diagnostic différentiel

  • Dermo-hypodermites inflammatoires :
    • Tableau de panniculite : lésions nodulaires et plaques hypodermiques siégeant aux cuisses, à l'abdomen et aux bras
    • Erythème noueux
    • Vasculite nodulaire
  • TVP :
    • Ne donne pas de grosse jambe rouge si isolée
    • Mais peut compliquer un érysipèle → EDVMI si doute
  • Nécrose cutanée d'une ischémie artériele aiguë : pas d'érythème, pas d’œdème
  • Pyomyosites : absence d'érythème, signes généraux marqués
  • Lymphangite : trajet rouge inflammatoire, ADP inguinale
  • Borréliose de Lyme primaire
  • Lymphœdème chronique avec poussées inflammatoires
  • Zona : vésicules, trajet métamérique

Prise en charge

Mesures communes

  • Repos au lit avec jambe surélevée : ↓ œdème et douleur
  • Critères d'hospitalisation :
    • Doute diagnostique
    • Signes généraux marqués
    • Risque de complications locales
    • Comorbidités
    • Contexte social défavorable nuisant au suivi
    • Echec du traitement ambulatoire

Traitements spécifiques

  • Erysipèle :
    • Antibiothérapie probabiliste active sur streptocoque : pénicilline G IV ou amoxicilline per os pendant 14 à 21 j
    • Si allergie : pristinamycine ou macrolide
    • Analgésie efficace
    • Prévention :
      • Primaire : traitement d'une porte d'entrée, contention veineuse, drainage lymphatique manuel, hygiène cutanée
      • En cas de multiples récidives annuelles : ATB préventive par pénicilline retard (benzathine-pénicilline IM toutes les 3 semaines) ou pénicilline V orale
  • Autres dermo-hypodermites bactériennes :
    • En cas de diabète : équilibre glycémique, mise en décharge d'un MPP, geste chirurgical si collection
    • En cas de morsure d'animal : amoxiclav +++
  • Fasciite nécrosante :
    • Urgence médicochirurgicale, hospitalisation en USI
    • Excision et parage de toutes les zones nécrosées
    • ATB parentérale : pipéracilline - tazobactam + aminoside ou amoxiclav + aminoside ± métronidazole si suspicion d'anaérobies
    • Secondairement adaptée aux prélèvements peropératoires
    • Réanimation médicale associée
  • Eczéma : éviction de l'allergène, nettoyage à l'eau et au savon, dermocorticoïdes
  • Anticoagulation préventive uniquement si immobilisation et facteurs de risque de MTEV