162 : Leucémies aiguës

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Objectifs

  • Diagnostiquer une leucémie aiguë

Physiopathologie

  • Hémopathies malignes : expansion clonale dans la moelle de précurseurs bloqués à un stade précoce de différenciation = les blastes
  • 2 grands types :
    • Leucémies aiguës myéloïdes (LAM) : fréquence augmente avec l'âge (> 60 ans ++)
    • Leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) : enfant +++ et adulte > 50 ans
  • Facteurs favorisants :
    • Chimiothérapies anticancéreuses : 10% des LAM, agents alkylants +++, souvent après une phase de myélodysplasie
    • Génétiques : anomalies chromosomiques constitutionnelles (trisomie 21, syndrome de Fanconi), déficit en p53 (syndrome de Li-Fraumeni), déficits immunitaires constitutionnels (ataxie-télangiectasie)
    • Viraux : rares, formes particulières : HTLV1 (leucémie-lymphome T), EBV (leucémies de type Burkitt)
    • Irradiation
    • Toxiques : hydrocarbures benzéniques +++
  • Formes particulières : acutisation de syndromes myéloprolifératifs chroniques et de SMD, très mauvais pronostic

Diagnostic

Clinique

  • Pas de signe caractéristique, peut être quasi-asymptomatique ou gravissime d'emblée

Signes d'insuffisance médullaire

  • Syndrome anémique, d'installation rapide donc souvent mal toléré
  • Syndrome infectieux secondaire à une neutropénie, infections ORL +++ (angine ulcéro-nécrotique), parfois aspécifiques (fièvre résistant aux ATB, sepsis)
  • Syndrome hémorragique cutanéo-muqueux, hémorragies extériorisées, voire CIVD
  • Imposent un hémogramme en urgence

Syndrome tumoral

  • Hypertrophie des organes hématopoïétiques (LAL ++) : adénopathies, splénomégalie, hépatomégalie
  • Localisations particulières (rechutes ++) :
    • Méningée : céphalées, paralysies
    • Cutanée : leucémides (LA monoblastiques)
    • Gingivite hypertrophique (LA monoblastiques)
    • Osseuse : douleurs (LAL de l'enfant ++), diaphyses proximales +++
    • Testiculaire : LAL de l'enfant notamment
  • Rarement, traductions cliniques d'une hyperleucocytose majeure (> 100 G/L) = syndrome de leucostase :
    • Dans les capillaires pulmonaires → hypoxie réfractaire, détresse respiratoire
    • Dans les capillaires cérébraux → troubles de conscience, convulsions

Paraclinique

Hémogramme

  • Toujours anormal
  • Anémie quasi-constante, parfois sévère, normocytaire (ou macrocytaire), arégénérative
  • Thrombopénie fréquente (parfois < 10 G/L)
  • Leucocytose variable : leucopénie (< 3 G/L) ou hyperleucocytose majeure (> 100 G/L) avec souvent neutropénie
  • Blastes circulants : souvent responsables de l'hyperleucocytose, mais parfois absents ou rares

Ponction médullaire

  • Systématique

Myélogramme

  • Permet d'affirmer le diagnostic et de typer la leucémie
  • Etude morphologique :
    • Moelle richement cellulaire
    • Blastes > 20% par définition
    • LAL : blastes de petite ou moyenne taille, cytoplasme peu abondant
    • LAM : présence de granulations, parfois bâtonnets rouges = corps d'Auer
  • Etude cytochimique : recherche d'activité enzymatique, notamment myéloperoxydase → nature myéloïde

Immunophénotypage des blastes

  • Par cytométrie de flux
  • Confirme le caractère clonal, apprécie le stade de différenciation
  • Indispensable pour classer les LAL

Cytogénétique

  • Caryotype standard + FISH
  • Anomalies de nombre ou de structure des chromosomes dans 50% des cas
  • Intérêt diagnostique, thérapeutique et pronostique

Biologie moléculaire

  • PCR
  • Recherche de transcrits de fusion ou d'anomalies moléculaires
  • Intérêt pronostique et pour le suivi

Cryoconservation des blastes

  • Systématique pour réétudier les cellules en cas de besoin

Bilans complémentaires

  • Bilan d'hémostase : recherche de CIVD
  • Bilan métabolique :
    • Syndrome de lyse tumorale : hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie, hyperphosphorémie, insuffisance rénale, ↑ LDH
    • Perturbation du bilan hépatique : témoigne souvent d'une métastase hépatique
  • Ponction lombaire :
    • But = rechercher une localisation méningée + chimiothérapie intrathécale
    • Systématique si LAL, LA monoblastique ou LA hyperleucocytaire
    • Sinon, sur point d'appel
  • Biopsie de moelle : inutile sauf si ponction médullaire non-contributive (LA avec myélofibrose)

Diagnostic différentiel

  • Syndrome mononucléosique de l'adolescent : asthénie profonde, polyadénopathie, angine fébrile, hyperleucocytose à lymphocytes basophiles parfois difficiles à différencier des blastes leucémiques
  • Syndrome myélodysplasique : blastose < 20%

Classification

Leucémies aiguës myéloïdes

  • Classification FAB :
    • LAM 0 = LA myéloblastique non-différenciée
    • LAM 1 = LA myéloblastique sans maturation : présence de corps d'Auer en quantité limitée
    • LAM 2 = LA myéloblastique avec maturation : forme particulière (bon pronostic) = t(8;21), avec corps d'Auer volumineux
    • LAM 3 = LA à promyélocytes :
      • Présentation souvent pancytopénique avec peu de blastes dans le sang périphérique
      • CIVD fréquente
      • Présence de corps d'Auer en fagots
      • Caractérisée par une translocation t(15;17) → mutation du gêne du récepteur α à l'acide rétinoïque, bloquant la maturation
      • Thérapeutique ciblée : acide tout-transrétinoïque (ATRA) → 80% de survie sans rechute à 5 ans
    • LAM 4 = LA myélomonocytaire
    • LAM 5 = LA monoblastique :
      • Fréquemment hyperleucocytaire
      • Fréquence des localisations extra-médullaires : méningées, cutanées, gingivales
      • Impose une prophylaxie méningée
    • LAM 6 = Erythroleucémie
    • LAM 7 = LA mégacaryocytaire
  • Particularités reprises dans la classification OMS 2008 :
    • LAM avec anomalies cytogénétiques récurrentes, de bon pronostic (ex : LA promyélocytaire avec t(15;17), LA myéloblastique avec t(8;21), LA myélomonocytaire avec inversion du chromosome 16)
    • LAM avec dysplasies multilignées : cellules myéloïdes non-blastiques sont anormales, mauvais pronostic
    • LAM secondaire à une chimiothérapie, de mauvais pronostic

Leucémies aiguës lymphoblastiques

  • Classifications immunologique par cytométrie de flux
  • LAL b : 85%
  • Classification OMS fonction des anomalies cytogénétiques associées
  • Formes particulières :
    • LAL à chromosome Philadelphie :
      • LAL B
      • t(9;22) avec gène chimérique BCR-ABL
      • Mauvais pronostic
      • Traitement spécifique : inhibiteur de la tyrosine-kinase
    • LAL de type Burkitt :
      • Phase leucémique du lymphome de Burkitt
      • Souvent syndrome de lyse tumorale majeur
      • Bon pronostic

Pronostic

  • Sans traitement → mortelle en quelques semaines
  • Mortalité secondaire aux complications hémorragiques et infectieuses +++
  • Facteurs pronostiques principaux : âge > 60 ans, comorbidités, leucocytose élevée, réponse au traitement initial, cytogénétique
  • LAM : pronostic selon formes cytogénétiques :
    • Favorable : t(15;17), t(8;21), inv(16)
    • Intermédiaire : caryotype normal
    • Défavorable : caryotypes complexes, anomalies des chromosomes 5 et 7
  • LAL de l'enfant : 90% de rémission complète, 70% de guérison
  • LAL de l'adulte : 80% de rémission complète chez le sujet jeune mais rechute fréquente surtout en l'absence d'allogreffe
  • LAM : 70% de rémission complète mais 30% de rémission prolongée

Prise en charge

Théoriquement pas au programme

  • Objectifs : obtenir une rémission et éviter les rechutes
  • Stratégie adaptée aux facteurs pronostiques
  • Moyens :
    • Chimiothérapie : associations souvent à base d'anthracyclines et de cytosine-arabinoside
    • Radiothérapie : irradiation prophylactique ou curative des localisations neuroméningées, irradiation corporelle totale pré-greffe
    • Greffe de cellules souches :
      • Allogénique : donneur sain, HLA identique ; mortalité toxique élevée (15%) → uniquement pour sujets jeunes
      • Autogreffe : cellules prélevées chez le malade en rémission pour compenser une radio-chimiothérapie intensive
    • Thérapeutiques ciblées :
      • Agents différenciateurs : acide tout-transrétinoïque et LAM 3
      • Régulateurs des signaux intracellulaires : inhibiteurs de la tyrosine-kinase et LAL à chromosome Philadelphie
  • Déroulement :
    • Phase d'induction : chimiothérapie avec aplasie médullaire
    • Phase de consolidation : souvent représentée par l'allogreffe (en première intention chez l'adulte, après rechute chez l'enfant)
    • Phase d'entretien