144 : Cancer de l’enfant

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Titre complet : Cancer de l’enfant : particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques

Objectifs

  • Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des principaux cancers de l’enfant

Particularités pédiatriques

Epidémiologiques

  • < 1% de tous les cancers
  • Maladies rares (2000/an), prédominance masculine
  • La plupart du temps sporadiques, 5% héréditaires (rétinoblastome héréditaire, syndrome de Li Fraumeni, trisomie 21, neurofibromatoses)
  • Facteurs environnementaux rares : irradiation forte dose, EBV (lymphome de Burkitt, UCNT, Hodgkin), HIV (lymphomes, léiomyosarcomes), HBV (CHC)
  • 80% de taux de guérison
  • Cancers les plus fréquents : leucémies aiguës (30%), tumeurs cérébrales (20%), lymphomes (10%), neuroblastomes et néphroblastomes

Diagnostiques

Circonstances diagnostiques

  • Signes directs :
    • Masse abdominale :
      • Intrapéritonéale : lymphome de Burkitt, hépatoblastome
      • Rétropéritonéale : néphroblastome, neuroblastome
      • Abdominopelvienne : tumeur germinale maligne, neuroblastome, sarcome
    • Tuméfaction des membres ou des parois (sarcomes) :
      • Tissus mous : rhabdomyosarcome
      • Osseux : sarcome d'Ewing
    • Adénopathies dures, adhérentes, indolores, non-inflammatoires : leucémies, lymphomes
    • Leucocorie : rétinoblastome
    • Augmentation du volume scrotal : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne, lymphome
    • Hématurie : néphroblastome
    • Masse péri- ou intra-orificielle ± saignement : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne vaginale
  • Signes indirects :
    • HTIC, signes neurologiques déficitaires : tumeur cérébrale
    • Compression médullaire : tumeurs osseuses rachidiennes, neuroblastome, tumeurs médullaires
    • Dyspnée par compression médiastinale : lymphome (LMNH ++), tumeur germinale maligne
    • Obstruction respiratoire haute, troubles de la déglutition : tumeur ORL (lymphome, rhabdomyosarcome)
    • Protrusion oculaire : tumeur orbitaire primitive (rhabdomyosarcome) ou métastase orbitaire (neuroblastome, hémopathie maligne)
    • Douleurs osseuses localisées : tumeurs osseuses (ostéosarcome, sarcome d'Ewing)
    • Douleurs osseuses diffuses, boiterie : moelle osseuse (leucémie, neuroblastome)
    • Troubles sphinctériens : tumeurs abdominopelviennes (sarcome, neuroblastome, tumeurs germinales), tumeurs intracanalaires
    • Strabisme : rétinoblastome
    • Prurit : lymphome de Hodgkin
  • Situations d'urgence :
    • Dyspnée asphyxiante : LMNH médiastinal, tumeur ORL
    • Pancytopénie (anémie aiguë, saignement, fièvre), CIVD : hémopathie
    • HTIC rapide, signes neurovégétatifs, convulsions : tumeur cérébrale
    • Fracture osseuse pathologique : tumeur osseuse
    • Hémorragie intra-abdominale : néphroblastome
    • Hypercalcémie : lyse osseuse, paranéoplasique

Examens complémentaires

  • Imagerie :
    • Examens standards :
      • Radiographie de thorax
      • Radiographie de segment osseux sur douleur ou tuméfaction
      • ASP en cas de tumeur abdominale
    • Echographie ± Doppler :
      • Tumeur abdominale : intra- ou rétropéritonéale, origine d'une tumeur abdominopelvienne
      • Exploration de lésions cervicales, des membres ou des parois
    • 2ème intention :
      • TDM
      • IRM pour SNC, tumeurs osseuses ou tissus mous
      • Scintigraphie technétium : tumeurs osseuses primitives ou métastatiques
      • Scintigraphie au MIBG : neuroblastome
      • TEP : lymphomes (hodgkiniens ou non)
  • Anatomo-pathologie :
    • Cytologie : myélogramme (leucémie), ponction ganglionnaire (LMNH)
    • Histologiques : abords biopsiques percutanés ou chirurgicaux a minima
  • Marqueurs tumoraux :
    • Principaux : αFP (tumeurs germinales malignes, hépatoblastome), β-hCG (tumeurs germinales malignes), catécholamines urinaires (neuroblastomes)
    • Moins spécifiques : hypercalcémie (atteintes ostéomédullaires ++), LDH (LMNH, neuroblastome, sarcome d'Ewing)

Modalités d'annonce

  • 4 temps :
    • Temps médical : annonce diagnostique, compte-rendu de RCP, projet personnalisé de soins
    • Temps d'accompagnement soignant : modalités thérapeutiques, visite du service, identification des besoins sociaux et psychologiques
    • Accès aux soins de support : psychologue, assistant(e) social(e), kiné
    • Temps d'articulation avec la médecine de ville
  • Contenu de l'information :
    • Evolution naturelle de la maladie
    • Options thérapeutiques possibles et modalités choisies
    • Bénéfices et risques

Thérapeutiques

  • RCP, PPS établi en centre de référence mais réalisable en hôpitaux de proximité
  • Mesures associées : prise en charge 100%, projet d'accueil individualisé pour scolarité adaptée, soutien psychologique (enfant et famille)
  • Tumeurs souvent chimiosensibles, penser à la mise en place d'un cathéter central
  • Traitement de la douleur
  • Risque important de séquelles tardives
  • Modalités thérapeutiques :
    • Chimiothérapie néoadjuvante (fréquente +++) :
      • Réduction du volume tumoral ± autoriser une chirurgie
      • Diminution de l'irradiation
      • Action sur les métastases avérées ou infracliniques
    • Chirurgie d'exérèse si réalisable
    • Traitements post-opératoires :
      • Chimiothérapie +++
      • Radiothérapie : de plus en plus restreinte pour risque de séquelles
  • Toxicité de la chimiothérapie :
    • Hématologique : neutropénie fébrile, anémie, thrombopénie
    • Digestive/nutritionnelle : nausées, vomissements, anorexie, mucite, diarrhée, constipation
    • Alopécie
    • Risque allergique avec atteintes rénales et hépatiques
    • Agents alkylants : cystite hématurique
    • Toxicité neurologique périphérique +++ voire centrale
  • Séquelles :
    • Toxicité d'organe : cardiaque (anthracyclines), rénale (sels de platine, ifosfamide), pulmonaire (bléomycine, irradiation)
    • Retentissement fonctionnel : neuropsychologique (HTIC/toxicité des traitement), sensoriel (tumeur oculaire ++), fonction endocrine
    • Complications esthétiques des traitements locaux
    • Toxicité sur l'ADN non-tumoral : retentissement sur la fertilité, risque de cancers secondaires

Leucémies aiguës lymphoblastiques

  • Cancers les plus fréquents : 30%
  • LAL = 80% des LA de l'enfant, dont 75% de prolifération de cellules immatures B

Diagnostic

  • Signes d'appel :
    • Signes d'insuffisance médullaire :
      • Anémie : asthénie, pâleur, dyspnée
      • Thrombopénie : syndrome hémorragique cutanéomuqueux, purpura pétéchial, hématurie, sang dans les selles
      • Neutropénie : fièvre prolongée, angine récidivante/résistante, aphtose
    • Syndrome tumoral :
      • Douleurs osseuses
      • Hépatosplénomégalie, ADP périphériques, amygdalomégalie, gros testicule
      • Gêne respiratoire, syndrome cave supérieur
      • Signes neurologiques : périphériques (compression médullaire) ou centraux (maladie neuroméningée)
  • Hémogramme :
    • Hyperleucocytose + blastose sanguine
    • Pancytopénie sans blastes
    • Peut être normal
  • Myélogramme :
    • > 20% de cellules blastiques
    • Immunohistochimie : myéloperoxydase -, estérases -
    • Classification (taille, régularité des cellules)
  • Immunophénotypage sur cellules médullaires en cytométrie de flux :
    • Confirmation du caractère hématopoïétique (CD34)
    • Antigènes B (CD10, 19, 20) ou T (CD3, 4, 7, 8)
  • Caryotype médullaire : ploïdie, anomalies structurales (délétion, inversions, translocations...)
  • Biologie moléculaire : recherche de transcrits de fusion, suivi
  • Bilan d'extension :
    • Recherche d'envahissement neuroméningé : examen du LCR à la recherche de blastes
    • Imagerie : radiographie de thorax, échographie abdominale, échographie testiculaire, IRM cérébrale
    • Bilan préthérapeutique : bilan prétransfusionnel, bilan pré-syndrome de lyse (hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie, hyperphosphorémie)

Prise en charge

  • RCP, centre spécialisé
  • Principes :
    • Correction d'une urgence symptomatique
    • Prévention d'un syndrome de lyse tumorale : hyperhydratation, hyperdiurèse, uricolytiques
    • Polychimiothérapie séquentielle intensive dont corticoïdes (MTX, anthracycline, asparaginase, alcaloïde de la pervenche...)
    • Prévention/traitement des localisations neuroméningées : chimiothérapie intrathécale voire radiothérapie cérébrale
  • Durée totale : 24 à 30 mois
  • Pronostic : 80% de guérison (jusqu'à 95% si forme favorable)
    • Caractéristiques initiales :
      • Leucocytose : mauvais pronostic si > 50 G/L
      • Envahissement neuroméningé
      • Phénotype T
      • Age < 1 an, adolescents
    • Réponse au traitement :
      • Corticosensibilité à J8
      • Rémission cytologique en fin d'induction
      • Décroissance rapide de la maladie résiduelle

Neuroblastome

  • Tumeur solide extracrânienne la plus fréquente après 5 ans
  • Origine : cellules du SN sympathique (crêtes neurales)

Diagnostic

Signes d'appel

  • Tumeur primitive :
    • Tumeur au niveau surrénal ou des ganglions sympathiques de l'abdomen : HTA, masse abdominale, douleurs abdominales
    • Tumeur le long de la colonne vertébrale : signes neurologiques, compression médullaire (tumeur en sablier = latérovertébrale et intrarachidienne, passant par le trou de conjugaison)
  • Syndrome paranéoplasique :
    • Syndrome opsomyoclonique : mouvements saccadés des yeux, ataxie
    • Diarrhée par sécrétion de VIP
  • Métastase (50% au diagnostic) :
    • Nourrisson :
      • Syndrome de Pepper : envahissement hépatique → hépatomégalie majeure
      • Envahissement sous-cutané : nodules bleutés enchâssés dans le derme
    • Enfant :
      • Envahissement ostéomédullaire : asthénie, douleurs osseuses
      • Syndrome de Hutchinson : hématome périorbitaire bilatéral (exophtalmie)

Confirmation

  • Catécholamines urinaires des 24h élevées en cas de neuroblastome sécrétant (dopamines et dérivés)
  • Bilan morphologique :
    • Extension locale : échographie, TDM/IRM
    • Recherche de métastase : scintigraphie MIBG
  • Bilan médullaire systématique
  • Preuve histologique : fragment tumoral par ponction-biopsie percutanée ou biopsie chirurgicale pour tumeurs inopérables d'emblée

Prise en charge

  • Centre spécialisé après RCP
  • Alternatives thérapeutiques :
    • Tumeurs localisées opérables (L1) → chirurgie d'exérèse seule en l'absence de facteur de risque biologique
    • Tumeurs localisées inopérables (L2) → chimiothérapie + chirurgie si possible
    • Tumeurs métastatiques → chimiothérapie d'induction haute dose avec réinjection de cellules souches autologues, chirurgie de la tumeur primitive, irradiation locale et traitement d'entretien (immunothérapie)
  • Survie :
    • Formes localisées du nourrisson : > 90%
    • Stade 4 de l'enfant > 18 mois : < 40%
  • Facteurs pronostiques :
    • Age : meilleur pronostic < 18 mois
    • Stade d'extension (classification INRG) : stades M (métastatiques) agressifs, stades MS (syndrome de Pepper) peuvent régresser spontanément
    • Marqueurs biologiques de mauvais pronostic : amplification de l'oncogène MYCN
  • Surveillance : efficacité, récidive/métastase, complications des traitements

Néphroblastome

  • Tumeur d'origine rénale la plus fréquente de l'enfant
  • Enfants entre 6 mois et 5 ans ++

Diagnostic

Signes d'appel

  • Découverte fortuite de masse abdominale
  • Douleurs abdominales
  • HTA
  • Hématurie
  • Masse abdominale augmentant de taille rapidement
  • Signes respiratoires (métastase pulmonaire)
  • Syndrome malformatif (syndrome de Beckwit-Wiedemann)

Confirmation

  • Catécholamines urinaires des 24h normales
  • Bilan morphologique :
    • Echographie puis TDM
    • Confirmation de l'origine rénale
    • Rechercher une atteinte tumorale extrarénale (extension locale ou métastatique : ganglions, foie, poumons)
  • Documentation histologique non-systématique, uniquement en cas de présentation clinique atypique (milieu spécialisé)

Prise en charge

  • RCP, centre spécialisé
  • Chimiothérapie première : 4 à 6 semaines, vincristine + actinomycine (+ adriamycine si métastase)
  • Néphrectomie totale la plupart du temps
  • Traitement post-opératoire selon analyse histologique (de l'observation simple à la chimiothérapie intense + radiothérapie)
  • Epargne néphronique en cas de forme bilatérale
  • 90% de survie
  • Facteurs pronostiques :
    • Type histologique
    • Stade d'extension (I : limitée au rein, exérèse complète, IV : métastase)
  • Attention au risque de complications cardiaques si traitement par adriamycine