134 : Néphropathie vasculaire

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Objectif

  • Diagnostiquer une néphropathie vasculaire

Généralités

Schéma des néphropathies vasculaires
  • Eléments cliniques communs :
    • HTA au premier plan
    • Protéinurie et hématurie en général modérées
    • Insuffisance rénale souvent sévère et rapidement progressive

Néphropathies vasculaires aiguës et rapidement progressives

Syndrome hémolytique et urémique

  • Lésion histologique caractéristique = microangiopathie thrombotique (MAT) : occlusion artériolaire par des thrombi fibrineux
    • Autre manifestation de MAT : purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT) : atteinte cérébrale au premier plan, atteinte rénale modérée, forme touchant plutôt l'adulte

Diagnostic

  • Association :
    • D'une atteinte rénale vasculaire : insuffisance rénale aiguë, HTA, hématurie, protéinurie
    • Et d'une atteinte hématologique : thrombopénie de consommation + anémie hémolytique : ↓ haptoglobine, ↑ LDH, schizocytes > 2%
  • En général, chez l'enfant, causé par des bactéries productrices de toxines Shiga-like induisant des lésions endothéliales entraînant une agrégation plaquettaire qui va occlure la lumière artériolaire

Causes

  • SHU post-infectieux :
    • Forme typique : entérobactérie productrice de Shiga-like toxins (SLT) : E. coli O157:H7, Salmonelles, Shigelles
    • HIV
  • SHU iatrogène : mitomycine C, gemcitabine, estroprogestatifs, quinine, ticlopidine, ciclosporine, tacrolimus
  • SHU au cours d'une grossesse (prééclampsie) et post-partum
  • SHU compliquant une maladie sous-jacente : HTA maligne, sclérodermie, LED, SAPL, néphropathies glomérulaires
  • SHU paranéoplasique
  • Formes familiales ou récidivantes :
    • Déficit en protéase du facteur de Willebrand : constitutionnel ou par production d'auto-anticorps
    • Déficits constitutionnels en protéines du complément
  • SHU idiopathique

Forme typique de l'enfant

  • Forme typique = SHU post-diarrhéique de l'enfant (90% des SHU de l'enfant)
  • Epidémiologie :
    • Première cause d'IRA chez l'enfant de 1 à 3 ans
    • Souvent en été, ± par petites épidémies
    • E. coli O157:H7 +++
  • Début brutal avec diarrhée parfois sanglante, fièvre et IRA souvent anurique
  • Biopsie rénale inutile
  • Examen des selles : recherche de la souche ou de la toxine
  • Evolution spontanément favorable en 1 à 2 semaines → traitement symptomatique
  • Bon pronostic en général, pas de tendance à la récidive
  • Facteurs pronostiques péjoratifs (à la phase initiale) : GB > 20 G/L, oligurie > 10 jours, atteinte histologique > 50%
  • Prise en charge :
    • De l'IRA/de l'hyperkaliémie : EER ++
    • Correction des troubles hydro-électrolytiques
    • Pas d'ATB, pas de traitement symptomatique de la diarrhée
    • Transfusion CG si anémie < 6 g/dL, éviter la transfusion de plaquettes
    • Déclaration si TIAC, mesures d'hygiène élémentaires

SHU de l'adulte

  • Epidémiologie :
    • Causes plus variées
    • 30% de formes idiopathiques récidivantes
  • Biopsie rénale habituellement, après correction de la thrombopénie et de l'HTA → lésions glomérulaires et artériolaires
  • Pronostic :
    • Rénal : 60% de séquelles rénales
    • Vital : selon la cause, mais mortalité élevée
  • Traitement :
    • Traitement étiologique ou éviction d'un facteur causal
    • Traitement spécifique : échanges plasmatiques, corticothérapie

Néphroangiosclérose maligne

  • =HTA maligne
  • Conséquence d'une HTA sévère ou accélérée
  • Fréquente hypovolémie paradoxale en phase initiale qui peut aggraver l'IRA
  • ARP et aldostéronémie très élevées

Diagnostic

  • Clinique = PAd ≥ 130 mmHg associée à 2 signes de retentissement viscéral :
    • Rétinopathie hypertensive stade III ou IV
    • Encéphalopathie hypertensive ou AVC hémorragique
    • Insuffisance rénale rapidement progressive
    • Insuffisance ventriculaire gauche
    • Signes généraux : asthénie, amaigrissement
    • Syndrome polyuro-polydipsique fréquent dans les semaines précédant le diagnostic
  • Biologique :
    • Insuffisance rénale avec protéinurie, parfois de type néphrotique
    • Parfois anémie hémolytique et schizocytose (SHU)
    • Hypokaliémie par hyperaldostéronisme secondaire
  • Histologique :
    • PBR contre-indiquée tant que la PA n'est pas contrôlée
    • NAS maligne = lésions des petites artères, des artérioles et des glomérules
    • Prolifération cellulaire, élaboration de fibres collagène avec aspect en bulbe d'oignon et obstruction de la lumière des vaisseaux
    • Lésions de nécrose fibrinoïde
    • Parfois lésions de la maladie causale sous-jacente

Etiologie

  • HTA essentielle = 2/3 des cas : HTA négligée ou arrêt de traitement
  • HTA secondaire :
    • Sténose de l'artère rénale (recherchée systématiquement)
    • Glomérulonéphrite chronique (à IgA ++)
    • Périartérite noueuse, sclérodermie
    • Prise d'estroprogestatifs

Prise en charge

  • Urgence médicale nécessitant l'hospitalisation en USI
  • Contrôle tensionnel :
    • Objectif : baisse de PAM de 20 mmHg en quelques minutes, objectif final de 110 de PAM en quelques heures
    • Par titration IV : Nicardipine (Loxen), Urapidil (Eupressyl), IEC après normalisation de la volémie
  • Contrôle de la volémie :
    • Hypovolémie → correction rapide par SSI, contre-indication aux diurétiques
    • Insuffisance ventriculaire gauche → diurétiques de l'anse et dérivés nitrés
  • Pronostic :
    • Détérioration fréquente de la fonction rénale au cours des premiers mois nécessitant parfois une EER
    • Possible restauration ultérieure à la fonction antérieure
    • Nécessité d'un traitement anti-hypertenseur au long cours par bloqueur du SRAA

Embolies de cristaux de cholestérol

  • Rupture de plaques athéromateuses → migration de cristaux de cholestérol
  • Incidence sous-estimée, 15% des sujets athéromateux et jusqu'à 75% après intervention sur l'aorte

Diagnostic

  • Notion de facteur déclenchant : chirurgie aortique, artériographie, mise en route d'un traitement anticoagulant ou thrombolytique
  • Clinique :
    • Insuffisance rénale rapidement progressive ou d'installation lente
    • Livedo, purpura nécrotique, gangrène distale des extrémités
    • Asthénie, myalgies
  • Biologique : syndrome inflammatoire, éosinophilie, hypocomplémentémie
  • Confirmation du diagnostic :
    • Fond d’œil : visualisation des emboles
    • Biopsie cutanée d'un livedo
    • Si ces deux examens sont négatifs → PBR : occlusion des artérioles par des cristaux de cholestérol avec réaction inflammatoire au voisinage

Prise en charge

  • Symptomatique surtout : arrêt des anticoagulants, contrôle tensionnel, EER
  • Corticothérapie
  • Pronostic sévère : 40% de mortalité à 6 mois

Occlusion aiguë d'une (des) artère(s) rénale(s)

  • Contexte :
    • Anomalie de la paroi vasculaire : sténose athéromateuse, angioplastie luminale, dissection de l'artère rénale ou aortique étendue aux artères rénales
    • Parfois en l'absence d'anomalie pariétale : embolie artérielle (FA, végétation mitrale) ou traumatisme
  • Tableau brutal associant : douleurs lombaires (mimant une colique néphrétique), hématurie macroscopique, poussée hypertensive, anurie si occlusion bilatérale
  • Diagnostic : Doppler, TDM, angio-IRM ou artériographie
  • Urgence extrême : revascularisation (chirurgicale ou par angioplastie) réalisable que pendant les 6 premières heures
    • Alternatives : fibrinolytiques, anticoagulants

Périartérite noueuse

  • Angéite nécrosante touchant les artères de moyen calibre
  • 30% dues à une hépatite B aiguë ou récente, 70% de cause inconnue
  • Présentation :
    • Signes généraux : AEG, fièvre, syndrome inflammatoire
    • Neuropathie périphérique (sciatique poplité externe ++)
    • Arthralgies, myalgies, douleurs abdominales
    • Signes cutanés : livedo, nodules
    • Artérite des membres inférieurs
    • AVC
    • Atteinte rénale : hématurie, HTA, insuffisance rénale
  • Confirmation histologique : aspect d'angéite nécrosante sur une biopsie de muscle, de nerf ou de peau
    • Eviter la PBR : présence d'anévrysmes artériels !
  • Traitement :
    • PAN liée à HBV : traitement antiviral + corticothérapie
    • PAN non-liée à HBV : corticothérapie ± cyclophosphamide ou azathioprine

Sclérodermie

  • Maladie de système rare
  • Présentation :
    • Femmes de 30 à 50 ans
    • Atteinte cutanée : sclérodactylie, syndrome de Raynaud, troubles pigmentaires
    • Atteinte œsophagienne : reflux, dysphagie
    • Atteinte pulmonaire : fibrose interstitielle diffuse
    • Atteinte cardiaque : péricardite chronique, myocardite
  • Types d'atteinte rénale :
    • Atteinte rénale chronique lentement progressive : HTA, protéinurie modérée, insuffisance rénale lente, lésions d'endartérite avec fibrose péri-artérielle à la PBR
    • Crise aiguë sclérodermique : HTA maligne avec SHU ; traitement anti-hypertenseur en urgence (IEC++)

Néphropathies vasculaires chroniques

Sténose de l'artère rénale

  • =HTA rénovasculaire
  • Entraîne une HTA souvent sévère compromettant le capital néphronique en aval
  • Fréquente +++ chez les diabétiques de type 2

Causes

Sténose athéromateuse Fibrodysplasie de la media
Fréquence 90% 10%
Terrain Homme > 45 ans Femme entre 25 et 40 ans
FdRV Multiples Absents
Localisation de la sténose Lésions proximales
Souvent bilatérales
Lésions distales
Aspect en collier de perles
Risque thrombotique Elevé Faible

Présentation

  • Diagnostic aisé si apparition d'une HTA récente et brutale chez une femme jeune avec souffle abdominal
  • Plus compliqué en cas de terrain polyvasculaire :
    • Contexte : HTA ancienne, athérosclérose compliquée et mauvaise observance
    • Caractéristiques de l'HTA : début brutal, sévère ou récemment aggravée, résistante à une trithérapie dont un diurétique avec hypotension sous IEC
    • Clinique : souffles vasculaires diffus, rétinopathie hypertensive, OAP récidivants
    • Biologie : hypokaliémie (hyperaldostéronisme secondaire), dégradation de la fonction rénale sous bloqueur du SRAA, insuffisance rénale avec protéinurie et hématurie faiblement abondantes

Confirmation diagnostique

  • Echographie rénale : asymétrie des reins
  • Doppler des artères rénales :
    • Avantages : disponibilité, sensibilité, analyse des flux, mesure des index de résistance (= facteur pronostique)
    • Limites : obésité, expérience du radiologue
  • TDM :
    • Avantages : visualisation directe des artères rénales, visualisation des calcifications
    • Limites : néphrotoxicité des produits de contraste, irradiation
  • Angio-IRM :
    • Avantages : visualisation directe des artères rénales, pas de néphrotoxicité
    • Limites : disponibilité, surestimation des lésions, toxicité cutanée du gadolinium si DFG < 30 mL/min
  • Artériographie rénale :
    • Avantages : gold-standard, intérêt diagnostique et thérapeutique
    • Limites : néphrotoxicité des produits de contraste, risque d'embolies de cristaux de cholestérol
    • Reste la référence car permet de confirmer le diagnostic, de préciser le type de sténose, la localisation, et d'orienter le choix thérapeutique

Traitement

  • Objectifs = améliorer le contrôle tensionnel et prévenir les complications (néphropathie ischémique, occlusion et thrombose)
  • Méthodes de revascularisation :
    • Interventionnelles : angioplastie transluminale percutanée, pontage aorto-rénal chirurgical
    • Médicale : traitement anti-hypertenseur
  • Indications :
    • Sténoses fibrodysplasiques
      • Traitement de choix = angioplastie transluminale
      • Guérison ou amélioration dans 80% des cas, resténose rare, revascularisation chirurgicale si échec
    • Sténose athéromateuse
      • Indications de la revascularisation :
        • Rein > 8 cm du côté sténosé
        • HTA sévère résistant au traitement avec OAP récidivants ou IRC s'aggravant
        • Sténose > 75%
        • Sténose bilatérale ou unilatérale sur rein unique
      • Angioplastie percutanée :
        • Première intention, souvent avec mise en place d'une endoprothèse
        • Mais résultat inconstant sur le contrôle tensionnel
        • Complications précoces : hématome au point de ponction, dissection, thrombose/perforation de l'artère rénale, embolies de cristaux de cholestérol
        • Complications tardives : re-sténose (30% à 2 ans) → surveillance +++
      • Chirurgie :
        • Meilleur résultat sur le contrôle tensionnel
        • Resténose rare
        • Mortalité périopératoire élevée : 5%
    • Traitement médical :
      • En cas d'impossibilité ou d'échec de la revascularisation
      • Souvent bi- ou trithérapie
      • IEC efficaces mais possibles uniquement si le rein controlatéral est sain, avec surveillance de la kaliémie et de la créatininémie

Néphroangiosclérose bénigne

  • Néphropathie vasculaire chronique compliquant une HTA évoluant de longue date
  • Risque d'IRC proportionnel à la sévérité de l'HTA

Diagnostic

  • Diagnostic d'exclusion avec faisceau d'arguments :
    • HTA ancienne mal équilibrée avec retentissement (cardiaque, oculaire)
    • Insuffisance rénale chronique lentement progressive
    • Syndrome urinaire pauvre : microalbuminurie ou protéinurie modérée
    • Reins de taille normale ou diminuée, symétriques, contours harmonieux, sans sténose de l'artère rénale

Prise en charge

  • Non-spécifique
  • Traitement de l'HTA : bi- voire trithérapie souvent nécessaire, place des IEC+++
  • Correction des autres FdRV
  • Mesures de néphroprotection et prise en charge des complications (voir item 253)